Entretien

Joggeuse : “Le running soigne, c’est idéal pour la confiance en soi et le bonheur”

24 mars 2025
Par Lisa Muratore
Pour “L'Éclaireur”, Joséphine Bayle dite Joggeuse répond à la fameuse question : pourquoi court-on ?
Pour “L'Éclaireur”, Joséphine Bayle dite Joggeuse répond à la fameuse question : pourquoi court-on ? ©Semi-marathon de Paris

Entre deux courses, et à quelques jours du Marathon de Paris, Joggeuse a accepté de répondre aux questions de L’Éclaireur afin de comprendre pourquoi on court. Conseils, motivation, entraînement… L’influenceuse running nous dévoile sa recette du bonheur.

Quel a été votre déclic pour vous mettre au running ? Qu’est-ce qui fait qu’à un moment on se met à courir ? 

J’ai toujours été très sportive. J’ai commencé avec la natation quand j’étais petite. J’en faisais tous les soirs, je suis même arrivée à un niveau assez haut. À tel point que mes parents m’ont dit d’arrêter et de me concentrer sur l’école et mes études. Il a donc fallu que je trouve un autre sport. À partir de ce moment-là, je me suis mise à l’athlétisme. J’en ai fait pendant longtemps, jusqu’à ce que j’intègre une école de commerce assez loin de Paris. À cette époque, j’ai arrêté le sport. Au lieu de faire des marathons, je faisais des barathons. 

Dans cet esprit, j’allais au travail sans être épanouie, le soir j’allais boire des coups parce qu’il fallait rentabiliser la journée que je n’avais pas aimée. C’était sans fin et c’était une routine qui ne me ressemblait pas du tout. Je ne voulais pas que ma vie ressemble à ça. Je n’avais jamais couru plus de 20 km alors, pour me remettre dans le bain, je me suis lancé le défi de préparer un marathon ; le défi de faire quelque chose qui me paraissait impossible.

J’avais besoin de me sentir fière de moi, car au travail ce n’était pas le cas. Je me suis donc lancée dans une préparation. J’ai recontacté mon coach athlétisme qui m’a vraiment suivie. Grâce à ça, j’ai pu faire mon premier Marathon de Paris en 2022. C’était très intense ; je me rappelle que je m’entraînais seule, la nuit, dans le froid, pendant que mes amis allaient boire des verres. Malgré cela, je me suis prise de passion pour ça, notamment pour la préparation. 

Joggeuse durant le Marathon de Paris. ©Marathon de Paris

Finalement, la préparation, n’est-ce pas le meilleur moment ? 

Bien plus que réussir un marathon ! Le plaisir vient du fait de suivre une préparation. Ce que j’aime beaucoup dire c’est que, dans le sport, et notamment dans le running, l’entraînement représente la deuxième éducation quand il n’y a plus les parents. C’est une excuse pour ne pas sortir trop tard ce soir, ne pas manger trop ou bien manger. C’est une excuse qui donne une éducation et un cadre de vie sains. Bien sûr, on peut complètement faire les deux : sortir et courir sont complètement compatibles, à des niveaux qui ne sont pas athlétiques. Je me suis vraiment retrouvée. J’ai retrouvé ce sport et maintenant je suis piquée.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui veut se préparer à une course ? 

Quand on veut se lancer dans des challenges, des 5 km ou des 10 km, je recommande vraiment d’être accompagné et suivi. Beaucoup de gens se blessent en pensant que faire un semi-marathon ou un marathon, c’est facile. Sauf qu’en regardant les performances de chacun, en regardant les réseaux sociaux, on se dit souvent que l’on ne va pas assez vite, et c’est là que l’on se blesse. On augmente l’intensité, on augmente la charge et, forcément, le corps ne suit pas quand on n’est pas accompagné. 

Comment fait-on pour trouver la motivation pour courir ? 

Le running, c’est voir qu’on est capable de faire des choses dont on n’a pas envie. Dans un sens, le running représente l’école de la vie : on ne va pas toujours faire selon son envie, on doit travailler. Pour le running, c’est pareil : on doit sortir et trouver la motivation d’aller courir tous les jours. Souvent, on me demande comment je fais pour trouver la motivation ? En vérité, je n’ai pas la motivation, mais je parviens à la trouver grâce à mon programme d’entraînement et l’épanouissement que je ressens à l’arrivée. Le sentiment de confiance en soi qui se dégage à l’arrivée, après une course, est incroyable. Je ne parle même pas de temps ou de performance, mais le running soigne. C’est idéal pour la confiance en soit et le bonheur ! 

Pourquoi autant de personnes se mettent aujourd’hui à la course à pied, selon vous ? 

Je pense surtout que le running est lié à l’envie de liberté. Il s’agit d’un sport qu’on peut faire partout, qu’on soit ministre ou qu’on soit au chômage. On peut faire du sport à 6 heures du matin, à 4 heures de l’après-midi ou à minuit. Il y a trois ans, j’allais m’entraîner sur les quais de Paris, à 21 heures et il n’y avait personne. Aujourd’hui, matin, midi et soir, il y a du monde, tout le temps. Cet aspect de liberté et d’accessibilité en a donc séduit plus d’un. Avec le running, on peut partir en vacances et on n’a besoin que d’une seule paire de baskets. On peut aller à la montagne, à la mer, en ville. On peut en faire partout. Le monde est notre terrain de jeu. 

Pensez-vous que les JO de Paris, l’année passée, ont eu un impact sur la démocratisation de la pratique ? 

J’aimerais dire que oui, mais les JO regroupent le sport en général. Ce n’est pas forcément le running. Certes, les JO en ont inspiré plus d’un l’été dernier afin d’essayer de réaliser des choses comme tous les athlètes qui nous ont fait rêver. Après, le phénomène du running est un peu plus vieux que les Jeux de Paris

Joggeuse durant le Marathon de Paris. ©Marathon de Paris

Il y a aussi une explosion de contenus liés au running et des influenceurs running sur les réseaux sociaux assez massive. Comment appréhendez-vous cette vie de créatrice de contenu et comment parvenez-vous à vous distinguer ? 

Je me suis avant tout lancée dans la page Joggeuse parce que je mettais trop de choses liées au running sur mon compte privé. J’ai donc décidé de créer ma propre page. Après, que les vidéos fonctionnent ou pas, tant que j’aime ce que je fais, ça me va ! J’adore filmer, j’adore courir et j’adore être avec mes amis. Forcément, plus tu as de followers, plus ça t’apporte de belles opportunités, mais j’essaie avant tout de partager ce que j’aime. Vu que je cours depuis longtemps, j’ai aussi un regard un peu plus légitime. J’ai aussi conscience que ça fonctionne aujourd’hui, mais que ça peut aussi s’arrêter très vite. J’essaie de dire la vérité sur mes réseaux et d’être spontanée. 

Comment expliquez-vous ce sentiment d’addiction que l’on éprouve quand on a le déclic pour la course ? 

Quand on rentre dans la routine de la course à pied, on se rend compte qu’au départ, on n’était pas capable de courir plus de 5 km, mais en s’entraînant, on voit qu’après on peut atteindre les 10 km, puis 20 km. Avec la course, on repousse sans arrêt ses limites. En ayant des Mathieu Blanchard, des Kilian Jornet ou des Courtney Dauwalter, qui sont de vrais modèles, on se demande où sont nos propres limites. C’est ça qui est excitant, parce que ça nous sort de notre routine métro-boulot-dodo. On se sent vivant, on se dit que le corps humain est impressionnant ! Je ne parle même pas de vitesse, mais plutôt d’essayer de chercher les limites, d’aller les chercher en s’entourant, car ensemble on va plus loin. Je pense qu’après, il y en a qui trouvent leur bonheur dans les performances, dans les chronos, bien sûr, mais ce qui nous rend addict à la course, c’est le progrès. 

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Quel rapport avez-vous avec le chrono, d’ailleurs ? C’est aussi ça le jeu de la course : parvenir à battre nos temps précédents. 

Je pense que l’on progresse en course à pied quand on parvient à se détacher du temps et de la montre, notamment quand on fait de l’endurance fondamentale. Il faut se donner des objectifs, mais par rapport à soi. Se battre sur son record personnel, c’est une chose, mais il ne faut pas se comparer aux autres. Quand tu bases ton temps et ton objectif sur quelqu’un d’autre, ta course ne t’appartient plus. On a tous un côté compétiteur – c’est pour ça que l’on fait du running aussi –, mais il faut que ça soit une compétition avec soi-même. Il ne faut pas oublier que courir 21 km ou 42 km, c’est exceptionnel ! 

Quel cliché aimeriez-vous déconstruire autour de la course à pied ? 

Souvent, on dit que la course à pied est un sport de solitaire, mais je ne suis pas d’accord. Je perçois le running comme un sport collectif. À chacune de mes courses, j’ai été suivie, aidée, et on m’a poussée. Je ne fais jamais mes entraînements seule, je cours sans arrêt avec mes amis et je vais essayer le plus possible de le faire en groupe. C’est quelque chose que j’essaie de partager. Ça aide aussi à trouver la motivation. Bien sûr, courir en solo aide aussi à se recentrer, à s’offrir un moment à soi, presque thérapeutique, mais le running est un sport qui fédère. 

Après quoi court-on selon vous ? Que révèle le running sur la personnalité ou l’état d’esprit des coureurs ? 

De mon côté, ça a un peu évolué. Au début, je ne courais que lorsque j’avais un dossard, parce que sans dossard c’était dur de se motiver. Il faut toujours avoir un dossard d’avance, comme ça tu ne t’arrêtes jamais de courir. La course est ma nouvelle marche. Je fais tout en courant, je ne peux pas m’empêcher de courir. Ça me permet de prendre soin de mon corps, de l’accepter, bien que je veille à ne pas me blesser. Pourquoi je cours ? Je ne sais pas vraiment. Pour moi, c’est comme respirer, c’est naturel. Je me sens tellement bien avec un running. Je fais beaucoup de visualisation. Je me dis aussi que j’ai beaucoup de chance d’avoir deux jambes qui fonctionnent, de ne pas être blessée.

La course à pied a-t-elle changé votre rapport à la sociabilité et aux autres ? 

Étonnamment, ça l’a augmenté exponentiellement ! Depuis que j’ai créé ma page, j’ai rencontré plein de gens dans des événements. Pour ceux et celles qui n’ont pas de page, il y a des clubs de course qui se forment, mais surtout, quand je me suis mise à courir, j’ai embarqué des amis avec moi, qui ont embarqué leurs amis. Grâce à cela, je me suis fait plein d’amis. J’ai des amis aujourd’hui que je n’ai jamais vu en habits civils, car au lieu d’aller boire un verre, on se rejoint pour courir et discuter [Rires].

J’ai une phrase que j’aime bien dire, c’est : “Running is the new afterwork”. C’est vrai que je vois moins mes copains qui ne courent pas, mais j’essaie tout de même de garder cet équilibre et de m’adapter ; d’aller courir le matin pour le soir voir mes amis. Et il ne faut pas oublier que l’on grandit. Maintenant, je fais ce que j’aime et je ne veux pas avoir à me forcer à aller boire un verre. C’est pour cette raison que je choisis les soirs où je vais sortir et faire la fête.

À quoi pensez-vous quand vous courez ? 

J’aimerais bien me perdre dans mes pensées, mais je pense que je ne suis pas normale, car je pense principalement à la course et aux kilomètres que je fais. Il y a aussi quelque chose d’un peu narcissique dans la course quand on arrive à se motiver à courir dans Paris, même sous la pluie, et que l’on voit des gens attablés. Je pense que ça me motive dans ma tête ! [Rires]

Quel est le meilleur spot à Paris pour courir ? 

Pour moi le meilleur spot quand on fait de la course sur route, ce sont les quais, parce que tu n’es pas arrêtée et tu peux courir entre 10 km et 15 km. J’aurais pu dire le Bois de Boulogne ou Vincennes, mais, en tant que femme, je n’y vais pas seule. Je n’ai pas peur de courir dans Paris seule, mais je ne veux pas me mettre en danger inutilement. Pour tout ce qui est trail et dénivelé, je cours aussi à Montmartre. Je cours sur route au début de la saison, je fais mes entraînements, je me muscle, je perds un peu de poids – car les entraînements semi et marathon me forcent à perdre –, puis tout cela me prépare, pour la saison d’été, au trail grâce à la base musculaire que j’ai développée avant. 

©Joggeuse

Est-ce mieux de courir le matin ou le soir ? 

Je suis plutôt une coureuse du soir, parce que je mange peu le matin donc je vais me sentir moins en forme que le soir. Si je cours le matin, ça sera de l’endurance fondamentale, mais si c’est le soir alors je vise les grosses séances une fois que j’ai bien mangé le midi, que j’ai pris un petit goûter, et que je sens que mon corps a de l’énergie. Je veux vraiment aussi axer mon message autour de la nourriture, il ne faut pas hésiter à se nourrir. Il y a beaucoup trop de jeunes filles qui sont trop fines et qui n’ont pas assez de masse musculaire. Il ne faut jamais commencer à courir pour maigrir. Il faut vraiment courir pour soi et il faut manger. Je n’ai jamais autant mangé que depuis que je cours, parce qu’il faut savoir que notre corps est comme une voiture : si on ne met pas d’essence dedans, la voiture n’avance pas. C’est vraiment quelque chose qu’il faut dire et véhiculer ! 

Côté playlist, courez-vous en écoutant de la musique ? Si oui, qu’écoutez-vous ? Quel est le genre qui vous motive le plus ? 

Pour la Saintélyon, j’avais demandé à ma communauté de me rajouter tous les sons qu’ils aimaient. Pendant 8h41, j’ai écouté toutes leurs musiques. Ça m’en a fait découvrir des nouvelles, j’ai vu aussi que j’avais des sons en commun avec eux. J’écoute de tout, notamment des musiques qui bougent, des sons des années 1980, et de la techno. J’essaie de trouver des chansons avec du rythme pour m’évader dans mon esprit et m’inventer des films. J’aime aussi écouter des podcasts ! 

Se sentir bien dans la course, passe aussi par la tenue. Quelle importance accordez-vous à celle-ci ? 

La tenue est primordiale. Je ne vais pas courir si je ne me sens pas bien dans mes vêtements ou si ce n’est pas un peu assorti. [Rires] C’est important non seulement en termes de confort, mais mais aussi de confiance en soi. Si tu as envie de mettre des chaussures en carbone pour courir à 6 au kilomètre, mets des chaussures en carbone ; si tu veux prendre un sac d’hydratation pour 5 km, prends ton sac d’hydratation. Le but, c’est de se sentir bien, de se sentir à l’aise et puissant. On ne court pas pour les autres, on court pour soi, donc forcément la tenue est très importante. 

Qui sont vos modèles, ceux et celles qui vous inspirent ?

Mes principaux modèles sont mes amis. Je suis amie avec des hommes et des femmes qui font des choses exceptionnelles. J’ai donc envie, moi aussi, de faire des choses incroyables, parce qu’ils m’inspirent tellement et me rendent tellement fière. Je veux aussi les rendre fiers. J’ai des amis qui courent incroyablement bien. Pour parler de personnes plus connues, je dois citer Courtney Dauwalter qui met des temps monstrueux aux hommes, mais aussi Anaïs Quemener qui a eu un cancer du sein. Malgré cela, elle garde le sourire tout le temps. C’est une femme exceptionnelle. Les femmes sont présentes et j’adore ces personnages. Je dois aussi citer Mathieu Blanchard, Alix Noblat… Ce sont de grands athlètes. 

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Avez-vous des conseils culture à donner à nos lecteurs et nos lectrices qui courent ou qui souhaitent se mettre à la course à pied ? 

Je pense surtout à des podcasts. J’écoute beaucoup Dans la tête d’un coureur, mais aussi Generation Do It Yourself parce que ça retrace le parcours de femmes et d’hommes puissants qui ont monté leurs boîtes et ont fait des choses de dingue. En courant, nous aussi on fait des choses incroyables, et on peut s’inspirer de plein de gens comme ça !

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste