
2024 fut une année riche en BD nippone ! Découvrez les cinq mangas qui nous ont fait vibrer cette année.
| Neeting Life, de Tetsuya Tsutsui
Tetsuya Tsutsui est un véritable auteur, au sens noble du terme. Toutes ses séries (Prophecy, Poison City, Noise) dissèquent la société japonaise contemporaine à travers de puissants thrillers, souvent retors et mémorables. Avec Neeting Life, sa nouvelle œuvre en deux volumes (le second à découvrir le 2 janvier), il va encore plus loin. Inspiré par le confinement au moment de la pandémie de Covid-19, il raconte l’histoire de Kentaro Komori, ex-petit employé, au chômage et sans occupation. Il est ce qu’on appelle au Japon un NEET, pour « Not in education, employment, or training », en d’autres termes, un déchet de la société.
Mais Kentaro ne se voit pas comme ça. Il a démissionné avec assez d’économies pour vivre son rêve : ne plus jamais sortir de chez lui. Il a tout prévu, jusqu’à son suicide si les moyens venaient à manquer, mais ses économies devraient lui permettre de tenir jusqu’à l’âge de la retraite. Malgré le postulat un peu comique, Tsutsui reste fidèle à ses principes et en dit beaucoup sur les rejetés de la société japonaise. En somme, Neeting Life est l’un des titres majeurs de cette année. Si vous êtes familiers du style de l’auteur, le manga vous plaira assurément. Pour les autres, il est temps de s’y mettre !
| Smoking Behind the Supermarket With you, de Jinushi
Là encore, un type de Japonais bien précis est croqué dans cette tranche de vie, le « salary man ». Sasaki a 45 ans, il est célibataire et son travail occupe toutes ses pensées. Son seul moment de tranquillité et de bonheur est son passage à la supérette du coin, où travaille la jolie Yamada. Mais un jour, il ne la trouve pas et rencontre à la place une autre employée, qui lui propose de la rejoindre derrière la supérette pour fumer une cigarette. La pause clope du soir devient un rituel entre Sasaki et cette fille. Pourtant, il ne remarque jamais que cette jeune femme est en réalité Yamada, et une drôle de relation se noue entre les deux.
Une romance plus adulte que ce à quoi le manga nous a habitués, et ce n’est pas plus mal ! Avec un seul volume (sur les cinq disponibles au Japon, pour une série toujours en cours), Smoking Behind the Supermarket With you nous a charmés. C’est un titre à l’histoire adorable, mignonne, attendrissante. C’est une véritable bulle de tendresse dans un quotidien morose au possible. On a hâte de lire la suite !
| Anthologies de la rêverie et de l’humain, de Moto Hagio
Ce n’est pas à proprement parler une nouveauté de 2024, car les nouvelles présentes dans ces anthologies ont été publiées dans les années 1970 et 1980, mais c’est la première fois qu’elles sont disponibles en français, dans une magnifique édition grand format qui plus est. Moto Hagio est un nom encore méconnu en France, mais c’est l’une des autrices majeures de l’histoire du shojo manga. Loin des clichés du genre, Hagio, âgée aujourd’hui de 75 ans, aborde dans ces nouvelles des thématiques hyper novatrices et féministes pour l’époque.
Elle évoque souvent les relations parents-enfant : la dépression post-partum, le désamour d’un parent pour son enfant, le matricide. Mais ce n’est pas tout, elle a aussi révolutionné le genre de la science-fiction en y incorporant la théorie du genre, une expression que l’on entend pourtant que depuis quelques années. Bref, Moto Hagio est une artiste visionnaire. Il serait dommage de passer à côté sous prétexte qu’il s’agit de shojo, car les titres de la mangaka ne sont pas seulement réservés aux jeunes filles. Ils sont universels.
| Le Fantastique Voyage de Nicola au pays des démons, d’Asaya Miyanaga
Partons dans un tout autre registre, avec un récit destiné à un public beaucoup plus jeune. Ce voyage fantastique à hauteur d’enfant est celui de Nicola, petite humaine perdue dans le pays des démons, recueillie par Simon, diable et vendeur itinérant. Dans les premiers volumes, les raisons pour lesquelles Nicolas s’est retrouvée là et Simon l’a recueillie ne sont pas importantes. Seul compte le voyage, durant lequel Simon et Nicola feront de drôles de rencontres. De petites histoires enfantines où une morale est systématiquement présente : une ode à l’acceptation d’autrui.
Le trait est charmant. Contrairement au classique noir et blanc, on retrouve dans ce Fantastique Voyage un trait presque crayonné, très fin, qui donne l’impression d’un dessin coloré. C’est une pépite qui tranche avec ce qu’on a l’habitude de lire dans ce genre. Et l’adorable Nicola est l’atout charme de la série. Sa candeur et sa gentillesse lui permettent d’attirer la sympathie de tous ceux qu’elle croise, y compris le lecteur.
| Nine Peaks, de Tetsuhiro Hirakawa
Ce pur shonen appartient à un genre ultrapopulaire au Japon : le furyô, ces mangas qui suivent le quotidien de jeunes délinquants (GTO, Tokyo Revengers, etc.). Gaku Mashio en est un. C’est une tête brûlée en classe de seconde et, à la mort de son père, un homme doux et calme, le jeune homme est plongé 22 ans dans le passé, en pleine guerre des gangs. Gaku finit par se rendre compte que l’homme au milieu de ce conflit entre lycéens rebelles n’est autre que son père, alors au lycée. Gaku tombe des nues, son père qu’il a toujours vu comme un homme faible est en réalité un bagarreur capable de vaincre des dizaines de voyous à la force de ses poings.
En plus du furyô, Nine Peaks explore aussi le genre du voyage dans le temps, popularisé au Japon par Quartier lointain, de Jirō Taniguchi, ou plus récemment Erased. De fait, ce manga propose un récit plutôt classique et très référencé. Mais qu’est-ce que c’est efficace ! Avec ses 11 tomes en cours au Japon, nul doute que Nine Peaks connaîtra bientôt une adaptation en anime. Au programme, bastons à gogo et violence bien sanglante. Un vrai manga à l’ancienne, plein de belles promesses, dont les trois premiers volumes sortis cette année nous ont régalés.