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Numéros d’urgence : le Sénat sonne l’alerte sur la situation du système actuel

21 décembre 2021
Par Thomas Estimbre
Numéros d’urgence : le Sénat sonne l’alerte sur la situation du système actuel
©NeydtStock/Shutterstock

Après la panne massive des numéros d’urgence survenue au mois de juin, le Sénat « alerte sur la situation » du système de communication actuel. La mission de contrôle appelle à « une clarification » des responsabilités et formule une « mise en garde solennelle ».

Loin de passer inaperçue, la panne massive sur le réseau de l’opérateur Orange « a fait obstacle à l’acheminement de 10 000 communications d’urgence ayant, vraisemblablement, causé la mort d’au moins quatre personnes ». Survenue le 2 juin dernier, elle avait poussé l’opérateur historique à rendre publiques les conclusions de l’enquête interne sur cette « crise » tandis que le rapport commandé par le gouvernement avait pointé les insuffisances d’Orange. Le document de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) relevait notamment « une insuffisante réactivité ».

Suite à cette panne, le Sénat avait décidé de réagir en lançant une mission de contrôle afin de « prendre toute la mesure de ce dysfonctionnement ». Il y a quelques jours, cette mission a rendu son verdict et rappelle tout d’abord que les numéros courts d’urgence (tels que le 17, le 18 ou le 15) sont, en réalité, convertis en numéros « longs », à dix chiffres. Alors que la France compte 13 numéros d’urgence*, ces numéros « longs » sont ensuite attribués au centre de traitement de l’appel d’urgence le plus proche géographiquement. « Ce numéro [long] est à plusieurs égards semblable au numéro attribué à un particulier par un opérateur », précise le rapport.

Un schéma simplifié d’un appel d’urgence en France.©Rapport Anssi/IGA/CGE/CCED/IGAS du 19 juillet 2021

Un suivi de l’entretien du réseau cuivre, en attendant son remplacement

Basée sur le rapport de l’Anssi, la mission de contrôle rappelle également que la transmission de ces appels est assurée « grâce à différentes technologies ». Toutefois, ils transitent « encore très majoritairement par le réseau « cuivre » ». Dans son rapport, l’Anssi assurait que 781 numéros d’urgence à 10 chiffres, soit 85 % d’entre eux, sont utilisés par des centres qui ont un raccordement en RTC. Or, le réseau téléphonique commuté (RTC) est voué à disparaître dans les années à venir en raison de son obsolescence. Sur son site, l’Arcep explique que cette technologie « devient de plus en plus difficile à maintenir, car les fournisseurs ne fabriquent ou ne fabriqueront bientôt plus les équipements nécessaires au fonctionnement du réseau ». Obsolète et trop coûteux à maintenir, le réseau « cuivre » disparaît peu à peu en Europe au profit du réseau « fibre ». Une transition qui s’inscrit dans le cadre de la numérisation des réseaux de téléphonie (voix sur IP).

Toutefois, la mission de contrôle s’inquiète de cette situation et appelle « à ce que le réseau « cuivre » et les numéros d’urgence qui en sont tributaires ne soient pas négligés pendant la phase de transition ». Pour les rapporteurs, ces préoccupations sont accentuées dans les territoires ruraux où il « en résulterait une double peine », à savoir l’éloignement géographique des services d’urgence et la difficulté à les contacter.

Un appel à la modernisation des appels d’urgence

Une autre question concerne l’après 2030 et la période qui suivra l’extinction du réseau cuivre. La mission de contrôle demande une clarification du régime de responsabilité en cas de panne, et ce, dans le but « d’anticiper la multiplication à venir des opérateurs et une possible dilution de leur responsabilité ».

Concernant la panne du 2 juin, les rapporteurs évoquent une erreur lors d’une opération de maintenance « ayant eu des conséquences lourdes » et se rangent donc derrière le rapport de l’Anssi. Ils rappellent notamment qu’il aura notamment « fallu à Orange près de trois heures pour organiser la première réunion de la cellule de crise interne et près de quatre heures pour établir un premier contact avec un autre opérateur pour signaler un dysfonctionnement ».

Le rapport regrette par ailleurs que la directive européenne du 11 décembre 2018 « ne considère pas que l’acheminement des communications d’urgence fait partie des obligations du service universel des communications électroniques ». La mission de contrôle inquiète du fait que le Gouvernement n’a pas encore désigné de nouveau prestataire pour assurer ce service universel, demande la « mise en œuvre rapide d’une nouvelle procédure de désignation consacrant, a minima, une obligation générale de continuité de l’acheminement des communications d’urgence ».

Retard du programme NexSIS : la mission adresse une « mise en garde solennelle »

Enfin, elle attire l’attention sur le retard pris dans la conduite du programme NexSIS. Lancée en 2016, celui-ci doit remplacer les systèmes de gestion des alertes (SGA) et de gestion opérationnelle (SGO) des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Or, le retard pris dans le renouvellement de ces systèmes « fait craindre des pannes qui auraient des conséquences dramatiques » dans les départements concernés. Ces dernières seraient « sans aucune commune mesure avec la panne des numéros d’appels d’urgence connue le 2 juin dernier ». La mission appelle donc à « un effort financier conséquent de l’État pour accélérer la mise en œuvre du programme NexSIS ».

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*En France, les numéros d’urgence sont : numéro d’appel d’urgence européen (112), urgences médicales (15), police-secours (17), services d’incendie et de secours (18), samu social (115), service d’urgence pour les personnes à déficience auditive (114), enfance maltraitée (119), urgences aéronautiques (191), urgences maritimes (196), alertes attentat / enlèvement (197), enfant disparu (116 000), permanence des soins (116 117) et enfance en danger (116 111).

Article rédigé par
Thomas Estimbre
Thomas Estimbre
Journaliste
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