Trois ans après la sortie du roman éponyme de Delphine de Vigan, la série Disney+ nous interroge à son tour sur les conditions de travail des enfants influenceurs. À quelques jours de sa sortie, on a rencontré ses interprètes, Géraldine Nakache et Oussama Kheddam, pour les interroger sur leur rapport aux réseaux sociaux.
L’adaptation du best-seller de Delphine de Vigan est une vraie réussite. Dynamique, intelligente et captivante, la série nous tient en haleine dès les premières minutes. Le pitch ? Kimmy, une petite fille de 6 ans, est kidnappée en plein jour. Pourtant, cette dernière est loin de passer inaperçue. En effet, sur YouTube, l’influenceuse est suivie par des millions d’internautes. Commence alors une enquête haletante, confiée à Sara Roussel, cheffe de brigade au SDPJ.
Après avoir dévoré l’œuvre de la romancière française, on était plus qu’inquiets quant à son portage à l’écran. Verdict : c’est une vraie pépite. Alors, quand Disney nous a proposé d’interroger les acteurs Géraldine Nakache et Oussama Kheddam, qui incarnent les enquêteurs Sara et Malik, on a sauté sur l’occasion pour découvrir les dessous de la série.
Les Enfants sont rois aborde la question épineuse des jeunes influenceurs. Quel regard portez-vous sur cette tendance ?
Oussama Kheddam : Je suis aussi fasciné qu’effrayé par ce phénomène. C’est limite un peu un fléau.
Géraldine Nakache : De manière plus générale, les réseaux sociaux sont inquiétants. En tant qu’adultes, on est en plein dedans et on n’arrive pas à sortir la tête de l’eau. Je ne veux même pas imaginer ce qu’il se passe pour ces gosses qui n’ont même pas choisi d’être là. Les enfants stars ont toujours existé : je me souviens d’interviews de Vanessa Paradis dans lesquelles elle raconte avoir reçu des œufs sur la tête durant son enfance, sans comprendre pourquoi. En revanche, c’est différent pour ces jeunes influenceurs. Ce ne sont pas des artistes, ils n’ont pas de talent : ce sont juste des publicités. Donc on se demande ce qui restera de tout ça.
Sarah, que vous incarnez dans la série, a aussi un regard très critique sur cette activité.
G. N. : Le travail des mineurs est déjà un sujet en soi. Mais là, il y a aussi la question de l’image. C’est quelque chose qu’on ne peut pas contrôler, et je pense qu’on a très peu de recul aujourd’hui. La série s’interroge justement là-dessus. Mélanie Diore, qui est derrière le compte Happy Récré, dit que cette chaîne YouTube est toute sa vie. Et c’est ce qui rend l’enquête aussi complexe : l’affaire et l’équipe de flics sont surmédiatisées parce qu’une influenceuse est au cœur de cette histoire.
O. K. : Au début, les policiers sont complètement dépassés par ce qu’il se passe. Sarah est d’ailleurs fascinée par cette mère et sa fille, et mon personnage lui dit de prendre du recul.
Vous êtes, vous aussi, des personnalités publiques. Quel rapport entretenez-vous avec les réseaux sociaux ?
G. N. : C’est différent, car nous avons choisi d’être dans la lumière, et on gère son intensité. Par exemple, ça ne me viendrait pas à l’esprit de réaliser cette interview chez moi. Aujourd’hui, on est dans un hôtel et on fait le job. Je n’ai pas la sensation de vous mentir, mais je ne vous fais pas entrer dans ma vie privée et je ne vous raconte pas quel goûter je fais à mes enfants. Je mets de la distance.
O. K. : C’est surtout une histoire de consentement : l’enfant ne consent pas à ce qui lui arrive. En tant qu’adulte, on contrôle ce qu’on montre, ou non, sur les réseaux. Car ce qu’on poste ne nous appartient plus – qu’il s’agisse d’un compte privé ou non. Je n’ai pas beaucoup de followers, mais plus il y en a, plus je panique. Quand je poste un truc, j’ai peur [Rires].
G. N. : Les réseaux sociaux, c’est politique. Je répète qu’il faut être vigilant, mais je suis la première à me faire avoir par les images. J’ai beau savoir qu’elles sont potentiellement trafiquées, je vais en parler à mon mari et à mes amis en leur disant : “T’as vu ce qu’il s’est passé ?” Je ne vérifie pas ce que je vois. Je sens que j’ai la tête dans le guidon et que j’ai du mal à gérer ce phénomène. Mais pour être honnête, je suis une catastrophe sur les réseaux [Rires] !
Je suis à un âge où je ne me pose pas la question si je dois montrer ce que je mange ou partager des photos de mes enfants. En revanche, je passe un temps infini à regarder cette merde et ça me rend folle ! Si l’éducation, c’est l’exemplarité, je suis mal barrée. Je me demande comment je vais faire quand ils seront en âge d’aller sur les réseaux : je ne pourrai pas leur dire d’arrêter de regarder ces choses débiles, alors que je suis la première à le faire. Je ne suis pas sur TikTok, parce que je n’ai pas pris le train en marche, mais…
O. K. : Moi, j’ai tenté, mais je n’ai pas réussi. J’avais l’impression que chaque vidéo était d’une efficacité folle. Je commençais à 15 heures, je m’arrêtais à 18. J’ai vite désinstallé.
G. N. : On a peur de l’addiction. On a fait cette série, on a réfléchi sur le sujet, mais on est quand même inquiets à ce sujet.
Justement : qu’est-ce qui vous intéressait dans ce projet ?
O. K. : Je n’avais pas lu le livre, mais quand j’ai vu le scénario, j’ai adoré le sujet. J’étais aussi très impressionné par le casting et…
G. N. : Par le cachet ? [Rires]
La série porte un message fort et nous met en garde contre les réseaux sociaux. En revanche, Inoxtag nous a récemment montré qu’ils pouvaient aussi être très positifs et inspirants…
O. K. : Inoxtag est merveilleux ! C’est un gars qui utilise les réseaux sociaux à bon escient.
G. N. : L’idée n’est pas de dire qu’on doit tout jeter à la poubelle. Il faut simplement être vigilant et se questionner quant aux failles et aux risques de ce système.
Dans l’œuvre originale, Delphine de Vigan parle du “syndrome du Truman Show”, soit l’impression d’être constamment filmé et de vivre dans une téléréalité géante. Avez-vous déjà eu cette sensation ?
G. N. : Absolument pas ! Par exemple, je ne filme jamais mes vacances. Je ne subis pas cette sensation d’être toujours épiée. En revanche, c’est quelque chose qui peut m’oppresser quand je le vois chez les autres. Ce qui est complètement contradictoire, parce que ce sont justement ces comptes-là que je regarde. Je ne m’autorise pas à suivre Kim Kardashian, mais je vais voir ce qu’elle fait, genre une fois par mois, et je reste bloquée sur son compte plus d’une heure. Parfois, je me dis : “Mais t’es folle ou quoi ?”. C’est une catastrophe [Rires].
O. K. : La série aborde aussi cette question-là. Elle ne porte pas de jugement sur le monde de l’influence, mais elle dresse un constat et montre ce qui peut arriver si on continue comme ça.
G. N. : Quand un film ou une série est une réussite, il nous reste quelque chose de cette œuvre au fond de nous. Je pense que Les Enfants sont rois en est une, parce que c’est la seule série de ma vie que j’ai bingée. J’ai regardé les six épisodes d’un coup, alors qu’il y a ma tête dedans [Rires]. Même moi, je m’étonne de ça. Il y a un message fort, mais c’est avant tout une enquête folle et un super divertissement.