Du 10 novembre 2021 au 13 mars 2022, la MEP consacre une grande rétrospective au photographe camerounais Samuel Fosso. Une œuvre traversée par une pratique de l’autoportrait où le photographe multiplie les masques et brouille les identités.
À quelques pas de la Seine, la Maison européenne de la photographie (MEP) accueille entre ses murs les innombrables autoportraits composés par Samuel Fosso depuis ses débuts en photographie dans les années 1970, plongeant le visiteur dans une oeuvre plurielle, forte d’une charge à la fois intime et politique. Conçue chronologiquement, l’exposition commence ainsi par revenir sur les oeuvres de jeunesse en noir et blanc où Fosso s’approprie, à travers la mise en scène de son propre corps, le style des vedettes afro-américaines et la pop culture des années 1970 qu’il découvre dans les magazines de mode de l’époque. Né au Cameroun en 1962 et élevé au Nigéria, Samuel Fosso se plie très tôt à l’exercice photographique et ouvre son premier studio à Bangui (Centrafrique) à l’âge de treize ans, après avoir dû fuir la guerre civile au Nigéria. En se mettant ainsi en scène, Samuel Fosso apporte une dimension performative à sa photographie, ce qui lui vaut d’être régulièrement comparé à la photographe américaine Cindy Sherman (à qui la Fondation Louis Vuitton consacrait l’année dernière une grande exposition). Comme le soulignera Simon Njami dans le dernier numéro du magazine Fisheye, « Samuel Fosso pense d’abord à lui lorsqu’il se photographie. Ou du moins à une projection de soi qui l’inscrit dans un “réel imaginaire” ».
Le photographe sort de sa carapace pour se confronter au monde. Son image se projette au-delà d’elle-même : elle se dématérialise et devient signe, symbole.
Simon Njami – Fisheye n°50
L’exposition mettra alors en lumière les oeuvres qui l’ont fait connaître du grand public et propulsé sur la scène internationale, à l’instar de la série « Tati » (1997) ou celle réalisée pour Vogue deux ans plus tard, mais également ses oeuvres plus ouvertement politiques à l’image des séries « African Spirits » (2008), « Black Pope » (2017) ou « Emperor of Africa » (2013). Une rupture à la fois esthétique et symbolique que prend soin de noter Simon Njami dans son portrait du photographe : « La photographie n’est plus ce miroir avec lequel on joue à l’envi, elle devient une expression, une écriture qui va remplacer les mots ». En miroir des séries d’autoportraits exubérants qui ont fait sa renommée, l’exposition ne manquera pas non plus d’attirer le regard sur des séries plus intimes et rentrées, telles que « Mémoire d’un ami » (2000), où Fosso évoque le souvenir de son ami Tala, assassiné cruellement par la milice centrafricaine, ou encore « Le rêve de mon grand-père » (2003), lointain souvenir des cérémonies médicinales de son enfance. Un parcours exhaustif qui se clôt sur plus de cent-soixante œuvres tirées de la série « SIXSIXSIX » (2015-2016), où le photographe passe au scalpel les émotions qui le traversent. Qu’il se glisse dans la peau d’un autre ou qu’il se regarde, Samuel Fosso dissout les identités pour laisser place à l’empreinte des corps, mémoire à la fois personnelle et collective de blessures plus profondes.
Infos pratiques
Samuel Fosso – Maison européenne de la photographie (Paris 4e) – Du 10 novembre 2021 au 13 mars 2022 – Mer. et ven. de 11h à 20h, jeu. de 11h à 22h et le week-end de 10h à 20h, fermé les lun. et mar. – Billetterie par ici