Chaque année, le Festival d’Angoulême dévoile sa sélection officielle de bandes dessinées triées sur le volet. Coup de projecteur sur quelques albums marquants, sortis en 2023, qui y auraient eu toute leur place à nos yeux.
| Loire, d’Étienne Davodeau
Après avoir documenté les dégâts causés par les déchets nucléaires dans Le Droit du sol, Étienne Davodeau poursuit ses pérégrinations sur le territoire français dans son album Loire. Au détour d’une fiction, l’auteur sublime les paysages qui longent le plus long fleuve de France. Il y raconte le temps qui passe, le deuil, le changement, mais aussi ce qui reste intact.
Louis, son personnage, revient dans la ville dans laquelle il a vécu il y a des années, avec Agathe, son plus grand amour. Avec beaucoup de poésie, de tendresse et de justesse, Étienne Davodeau capture, une nouvelle fois, l’essence et la beauté d’un territoire et les problématiques qui l’habitent.
| Éloge de la surface, de Stella Lory et Tilila Relmani
Avec leur bande dessinée Éloge de la surface, dans les profondeurs de la téléréalité, Stella Lory et Tilila Relmani invitent à revoir le jugement hâtif que l’on porte sur la téléréalité. Les candidats sont-ils aussi incultes qu’on le pense ? Pourquoi exposent-ils leur intimité ? Qu’est-ce qui nous fascine ? Par le biais de la psychologie, de la sociologie et du féminisme, les autrices décryptent le succès de ces programmes : clashs, tromperies, challenges…
En levant le voile sur les coulisses de la téléréalité et les enjeux sociétaux qui s’y dissimulent, Stella Lorry et Tilila Relmani parviennent à renverser notre regard et – comme elles – à nous prendre de passion pour le sujet. Un récit édifiant et bourré d’humour !
| Brontëana, de Paulina Spucches
On leur a martelé que l’écriture n’était pas une affaire de femmes… Pourtant, cela n’a pas freiné la plume des sœurs Brontë, aujourd’hui considérées comme des piliers de la littérature, notamment Emily et Les Hauts de Hurlevent, et Charlotte et Jane Eyre. Et puis il y a Anne, la plus jeune. Moins connue que ses aînées, la cadette de la fratrie a pourtant laissé derrière elle des ouvrages merveilleux. Ode à la sororité, cette bande dessinée lui rend (enfin) justice !
Pour la première fois, on découvre l’histoire des mystérieuses sœurs Brontë à travers les yeux d’Anne. Une enfance bercée par l’imaginaire et les paysages sombres mais intenses de la lande anglaise – magnifiquement illustrés à l’aquarelle ! –, une volonté de s’émanciper jusqu’à la parution de ses ouvrages : Agnès Grey et La Recluse de Wildfell Hall. Moins connu du grand public, ce second ouvrage a pourtant défrayé la critique à sa sortie. Anne Brontë y parle de violences conjugales et d’émancipation féminine. Une grande plume féministe à (re)découvrir !
| Dissident Club, de Taha Siddiqui et Hubert Maury
Prix Albert-Londres en 2014, le journaliste pakistanais Taha Siddiqui raconte dans Dissident Club comment sa profession de reporter l’a sauvé. Sauvé de quoi ? De l’endoctrinement religieux. Élevé entre l’Arabie saoudite et le Pakistan, le jeune Taha voit un islam rigoriste venir cloisonner son mode de vie et restreindre ses libertés : fini le foot et les coloriages de super-héros qui sont remplacés par l’étude rigoureuse des textes religieux. À l’université, Taha Siddiqui étudie le journalisme. Grâce à lui, le jeune homme s’émancipe de l’autorité de son père qui, lui, se radicalise. Le journaliste d’investigation fait alors de la liberté d’expression son combat…
Et ça dérange ! Au fil du récit, la tension est parfois telle qu’on se demande si le journaliste va s’en sortir… Aujourd’hui exilé à Paris, il ouvre le café Dissident Club, un refuge pour les dissidents du monde entier qui y partagent leur vécu. Une BD hommage à la liberté de la presse !
| Sans panique, de Coline Hégron
L’une a « la débordante ». L’autre est atteinte d’apathie. Mais l’amitié a ses raisons que la raison ignore. Après un crash d’hélicoptère, Romie perd ses parents et se retrouve coincée sur l’étrange île de Galguantes. Ici, les habitants ne font pas de vague et n’ont pas de sautes d’humeur… ni d’humeur du tout, d’ailleurs. Toutefois, la jeune orpheline énergique et aventurière se lie d’amitié avec Danaë, une locale. Lorsqu’une météorite menace l’île, Romie tente de faire évacuer son amie et ses semblables qui demeurent impassibles. Va-t-elle y parvenir ?
Raconté à hauteur d’enfant, Sans panique de Coline Hégron dénonce l’indifférence face à la destruction de l’environnement et l’absurdité du monde.