Entretien

Ultia : “Je ne suis pas trop pour cette course au contenu à tout prix”

25 janvier 2024
Par Marion Piasecki
Ultia : “Je ne suis pas trop pour cette course au contenu à tout prix”
©Romain Boutin

Streameuse sur Twitch depuis 2020, Ultia y partage sa passion pour les jeux vidéo, mais aussi pour les bandes dessinées.

À l’occasion de la 51e édition du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, nous avons rencontré la streameuse Ultia, qui couvre l’événement pour la deuxième année consécutive sur Twitch. Streameuse depuis plusieurs années, elle en a fait son métier et diversifie désormais son contenu bien au-delà des parties de jeux vidéo avec lesquelles elle a commencé.

Comment avez-vous commencé sur Twitch ? Pourquoi avoir choisi cette plateforme ?

En 2017, je m’intéressais beaucoup à YouTube. Je suivais deux créateurs de contenus : Pixia, qui joue beaucoup aux Sims, et Bibi TM qui faisait beaucoup de jeux vidéo Nintendo. Je les trouvais hyper intéressants à écouter parce qu’ils parlaient beaucoup du jeu, ils donnaient des anecdotes, etc. À l’époque, je ne savais pas du tout monter des vidéos, ça ne me paraissait pas très accessible comme truc. Du coup, je me suis dit : “si je faisais du direct sur Twitch, je n’aurais pas besoin de monter quoi que ce soit”. Et il se trouve qu’on venait de m’offrir un boîtier pour capturer ma Nintendo Switch sur l’ordinateur. Ça m’a permis de streamer avec le peu de matériel que j’avais et c’est comme ça que j’ai commencé.

Au départ, vous jouiez avant tout aux jeux vidéo, mais vous avez diversifié votre contenu depuis, avec des loisirs créatifs, de la cuisine ou encore des discussions autour de la BD. Comment s’est passée cette évolution ?

Je crois que ce n’est pas arrivé de manière vraiment volontaire, en mode : “Allez, je diversifie mon contenu, je fais autre chose que du jeu vidéo.” Historiquement, sur Twitch, faire autre chose que du jeu vidéo, c’était littéralement interdit. On pouvait se faire bannir pour ça. Puis, de toute évidence, la plateforme a dû s’adapter et ils ont fini par créer des catégories de streaming dans lesquelles on pouvait se placer. C’est comme ça que les gens ont commencé à se diversifier d’eux-mêmes.

De mon côté, je ne me rappelle même plus, je crois que c’est venu de manière assez naturelle. Mes premiers streams où j’ai commencé à faire autre chose que du jeu vidéo, c’était de la cuisine, parce que j’adore cuisiner. Je parlais souvent de ça sur Twitch parce que le live, c’est du jeu vidéo, mais c’est aussi beaucoup de discussion. Au début de chaque live, je discute pendant une heure, une heure et demie, et ensuite je pars sur le jeu vidéo que je veux faire. Je parlais tout le temps de cuisine et tout le monde me demandait des recettes et des conseils. J’ai fini par dire : “J’ai trop envie de faire de la cuisine, ça serait génial !” Pour les gens qui me regardaient, j’avais l’impression que c’était un peu l’événement.

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Le stream est un format très particulier, comment vous y prenez-vous pour y parler de bande dessinée ?

C’est vrai que c’est particulier comme format. À la base, je ne parlais pas vraiment de bande dessinée ou de lecture, parce que je ne m’y étais pas trop remise. Mais quand Lou Sonata – la suite de Lou par Julien Neel – est sortie, les éditions Glénat me l’ont envoyée en tant qu’influenceuse. J’étais fan de Lou depuis toujours, donc j’étais très contente et j’ai commencé à en parler. Glénat a continué à m’envoyer pas mal de livres et j’ai moi-même commencé à m’en acheter, on m’en a offert, etc.

Forcément, en live, tu parles de tout ce que tu fais : ce que tu as regardé au cinéma, si tu as mangé ou cuisiné quelque chose de spécial… et c’est très naturel comme format, c’est pas du tout quelque chose que je prépare à l’avance. En général, je raconte le pitch de la BD, je montre quelques planches à la caméra et dis ce que j’en ai pensé dans les grandes lignes. Parfois, je monte aussi ces passages pour les mettre sur YouTube.

J’ai aussi pu faire d’autres formats, comme une interview de Julien Neel avec du dessin en direct. Glénat est l’une des seules maisons d’édition à faire des choses sur Twitch. Je ne suis même pas en exclu avec eux, c’est vraiment qu’ils ont compris à quel point c’était intéressant de se mettre sur la plateforme. On a déjà fait des émissions plateaux par exemple, pour lesquelles on choisit une thématique, on invite des auteurs qui y correspondent et on discute autour de la table pendant deux heures. Quand Julien Neel a été invité, c’était mon rêve parce que je suis tellement fan, j’étais si contente qu’il fallait que je me répète en boucle de ne pas être bizarre [rires] !

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Vous êtes même allée jusqu’à mélanger bande dessinée et jeu vidéo en créant Lou et sa famille dans Les Sims 4 !

Oui, c’est vrai… Ça nous est venu comme ça, je crois que ça a été suggéré dans le chat dans un premier temps. Je découvre tous les derniers packs d’extension des Sims en live et là, il y avait un pack À Louer avec un système de voisins et de locataires. Quelqu’un a dit que ça serait drôle qu’on fasse emménager Lou et sa maman et que l’on mette Richard le voisin. J’ai trouvé ça hyper approprié ! Au final, c’est plus un prétexte qu’autre chose, je ne vais pas refaire toute leur vie en détail, mais c’est marrant et, en plus de ça, il s’y passe des choses très roleplay : le voisin a littéralement demandé un date à la maman de Lou. Ce n’est pas moi qui ai fait ça, c’est le jeu !

Cette année, vous couvrez pour la deuxième fois le Festival d’Angoulême en direct sur votre chaîne. Ces “lives IRL” (en extérieur), vous voyez-vous en faire régulièrement ou est-ce plus confortable de streamer tranquillement chez vous ?

C’est vrai que c’est confortable, mais je trouve que les moments intenses comme ça donnent beaucoup de dynamisme à mon contenu toute l’année. Sans ces lives-là, ceux où je suis tout le temps à la maison, devant mon PC, auraient moins de saveur. Mais, si je ne faisais que des lives IRL, je mourrais de stress ! Le fait de rythmer ça par, de temps en temps, des lives un peu spéciaux, c’est parfait.

L’année dernière, je pensais que je n’allais pas en être capable. Ça fait quand même peur d’être toute seule derrière une caméra. Je me disais des choses comme : “Si je ne parle plus, là, il ne se passe plus rien”. Les responsabilités me semblaient énormes et, on ne dirait pas comme ça, mais je suis quelqu’un d’un peu timide. Au final, j’ai eu des supers retours, surtout des auteurs. C’est ça qui était hyper valorisant pour moi, parce que qui de mieux que les auteurs pour dire si c’était bien ou pas ?

Mais oui, c’est stressant. Je sais que la veille, je ne vais pas dormir, parce que je n’ai pas envie de décevoir, parce que j’ai envie que ça se passe bien… Mais bon, je le fais quoi !

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Sur Twitch, il est désormais à la mode d’organiser des grands événements, comme le GP Explorer. Seriez-vous tentée de créer quelque chose d’une telle ampleur ?

Si je trouve une idée, si j’ai des finances… Oui, pourquoi pas, ça me plairait. En revanche, je ne suis pas trop pour cette course au contenu à tout prix. D’ailleurs, ce ne sont pas des streamers qui font cette course au contenu, ce sont des gens qui viennent d’autres plateformes à la base.

Ça ne me stresse pas de voir ça. Oui, les haters vont dire : “Il y en a qui gravissent l’Everest et toi, qu’est-ce que tu fais ?” Moi je m’en fous, ça me va très bien de faire mes petits lives et de jouer aux Sims en incarnant Lou et sa mère. Quand je parle à des copines streameuses, je leur dis : “Quand tu es boulanger, tu cherches pas forcément à être la meilleure boulangerie de France, celle qui fait le plus de chiffre d’affaires et celle qui fait le plus de bruit.” Je paie mes factures, je m’achète ce que j’ai envie de m’acheter et c’est ça l’important pour moi, je suis bien comme ça.

De base, je n’étais pas censée être streameuse, j’étais commerciale dans une boîte de jeu vidéo. Là, je gagne plus que ma paie de commerciale, je m’amuse et je fais des choses que je trouve valorisantes et intéressantes. Honnêtement, si demain je dois organiser un gros événement, parce que ça se présente à moi, d’accord, mais ce n’est pas du tout ce que je recherche. Ce n’est pas dans ma mentalité.

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Question bonus : vous avez un budget illimité, vous pouvez inviter qui vous voulez, c’est quoi l’événement de vos rêves sur Twitch ?

Je pense que je ferais une compétition de speedrun de Sims 4, ce qui n’est pas tout à fait hors de portée. Je ne suis pas une grande rêveuse, c’est pour ça. Je l’ai déjà fait au ZEvent, c’était trop drôle ces concours où il fallait tuer tous les Sims du foyer ou en embrasser le plus possible en un temps imparti, etc. Ça, c’est quelque chose que je pourrais organiser en direct, où je pourrais trouver des sponsors et inviter plein de joueurs. Je pourrais le faire, mais ça demande beaucoup d’organisation et c’est pas comme si je manquais de projets au quotidien non plus, donc ce n’est pas ma priorité ! Vous voyez, je ne suis pas une grande rêveuse et ça me va très bien.

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Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste