La deuxième édition de Pop & Psy pouvait compter sur des invités prestigieux, dont Nâdiya. Figure iconique des années 2000, la chanteuse nous a accordé une interview dans sa loge, avant son concert exceptionnel.
Et c’est parti, Roc, Amies ennemies… Créoles dorées aux oreilles et veste de costume sur les épaules, Nâdiya foule la scène du festival Pop & Psy avec prestance en enchaînant ses tubes des années 2000. Quelques heures avant l’ouverture des portes, la chanteuse fait ses balances, provoquant des sourires nostalgiques aux quelques personnes présentes dans le hall du Ground Control.
Il suffit de trois notes pour que les paroles nous reviennent en tête et que notre corps se balance au rythme de la musique. Une fois les derniers détails techniques réglés, la chanteuse nous donne rendez-vous dans sa loge pour un court entretien. Elle nous accueille avec un grand sourire et beaucoup de bienveillance.
Vous vous apprêtez à mettre le feu sur la scène de Pop & Psy. Pourquoi était-ce important pour vous de participer à cet événement ?
Parce qu’il éveille ma conscience. En réalité, mes chansons abordent l’énergie, la quête de sens, et la santé mentale. Ces sujets ont toujours fait partie de moi. Il y a une relation entre le corps et l’esprit dans ce que j’incarne et dans mon répertoire. Je me retrouve dans les valeurs de Pop & Psy, dans cette envie de me sentir utile à travers ma musique et mes mots.
Avez-vous toujours été sensibilisée et attentive à la santé mentale ?
Le mot “mental” n’est pas dans mon jargon. Pour moi, c’est un terme qui est lié à l’ego et que je combats. Par exemple, on me dit souvent que j’ai “un super mental” parce que je viens du sport de haut niveau. Il a une action positive, car il nous challenge et nous laisse entendre qu’on peut devenir meilleur. Mais si on reste à ce niveau-là trop longtemps, le corps peut tomber dans une dépression.
À ce moment, c’est ce que j’appelle la foi qui prend le relais. C’est quelque chose de plus vertical et plus profond, que j’incarne aussi dans mes chansons. C’est pour cette raison que je mets autant de temps à les écrire : ce ne sont pas juste des airs de musique à la mode. Je vais chercher des codes qui sont hors du temps.
Cette carrière sportive a-t-elle eu un impact positif sur votre carrière musicale ?
Le sport a eu un impact considérable dans ma construction et dans mon métier. Il m’a permis d’acquérir certains codes, comme le fait de ne pas procrastiner. Quand on fait de l’athlétisme et qu’on a rendez-vous à la chambre d’appel pour sa compète après un an d’entraînement, on y est un quart d’heure avant. Ce genre de réflexe nous reste en tête, des années après.
Quand j’ai signé mon premier contrat, la directrice du label m’a dit qu’elle aimait travailler avec d’anciens sportifs de haut niveau (elle bossait aussi avec Yannick Noah), car on est responsables et que les choses sont plus simples avec nous. On se prend en charge. Le sport m’a aussi aidée dans les moments de doute et de transition. C’est une école de la vie qui permet de ne pas trop tomber et de tenir debout.
Votre carrière musicale a quant à elle explosé quand vous aviez 20 ans, dans les années 2000. Comment avez-vous vécu cette période ?
Quand ma musique a explosé, je ne suis pas tombée de ma chaise. J’avais travaillé très dur pour en arriver là. Je souhaitais devenir chanteuse depuis toute petite et c’était comme si je réalisais enfin ce rêve.
Durant une dizaine d’années, vous avez enchaîné les succès, les prix, les enregistrements et les tournées. Comment parvient-on à garder les pieds sur terre et ne pas se laisser happer par les vices de l’industrie et de la célébrité ?
La vie m’a tout simplement donné un sublime cadeau : je suis devenue maman. Mon enfant avait un an quand j’ai sorti mon premier album. En réalité, il m’a donné beaucoup de force. Je devais lui montrer l’exemple, c’était comme un miroir au quotidien. Dans un sens, il m’a aussi éduquée. Il m’a portée et m’a renvoyé mes défauts. Ça m’a permis de me bonifier et de me recentrer.
Je n’avais pas le temps de tomber dans les vices de l’industrie, d’autant plus que j’ai enchaîné tous ces albums et ces tournées, ce qui nécessitait énormément de travail et beaucoup de concentration. Le sport m’a aussi permis de récupérer très vite. Je continue à en faire, je dors beaucoup quand je suis très fatiguée… Ça nécessite une certaine rigueur, mais ça me permet d’être à l’écoute de mon corps. Dès qu’il y a un décalage, il me le fait immédiatement ressentir.
Avez-vous la sensation que l’industrie a évolué depuis vos débuts ? Était-ce plus facile de se protéger émotionnellement et psychologiquement dans les années 2000 ?
Je pense que c’est très difficile pour la génération actuelle. Les réseaux sociaux ont pris une part importante dans l’industrie musicale, mais ils reposent sur le zapping. Les images et les posts sont jetables. Comment fait-on pour se concentrer quand on est dans la dispersion permanente ?
À l’époque, on avait un problème : quand on était sur le devant de la scène, on ne pouvait plus sortir tranquille ni aller dans certains endroits seuls. Cependant, on avait notre petit cocon qui nous permettait de couper et de nous préserver. Aujourd’hui, le téléphone et les réseaux sociaux sont à portée de main, même à l’autre bout du monde. C’est devenu un réflexe. Je n’ai pas de mal à couper Insta pendant des jours, mais j’ai la sensation que c’est difficile pour la nouvelle génération.
Depuis 2018, vous portez vos propres projets : vous avez lancé un label et votre marque d’accessoires. Pourquoi avoir fait le choix de cette indépendance ?
En réalité, je l’ai toujours été. Ça ne se voyait pas, car j’étais entourée par tout ce système de majors. Cependant, je créais mes propres contenus, j’allais dénicher les réalisateurs de mes clips… À l’époque, je sortais toujours un DVD en même temps que mon album. Je voyais déjà un lien très fort entre le son et l’image, parce que ça procure beaucoup d’émotions. Par exemple, la nana sort de la voiture, elle veut tout quitter, et d’un coup, on a ce piano et cette voix qui nous transportent… Il y a quelque chose d’inconscient qui nous emmène là où on doit être. Je ne peux pas concevoir la musique autrement.
Quels livres, mangas et musiques vous ont touchée ces derniers mois ?
Mon livre de chevet, c’est La Pesanteur et la Grâce de Simone Weil. Je l’adore. Je le prends précautionneusement, je tombe sur des petits bouts de phrases sur lesquelles je médite. En fait, les livres me tombent dessus. Je ne vais pas les chercher. J’aime aussi beaucoup Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi, de mon ami Michel Odoul. Quand j’ai une réaction dans le corps, j’ouvre l’ouvrage en me demandant : “Tiens, qu’est-ce que ça dit sur moi ?” Je suis aussi très fan de Naruto, car j’ai vécu et évolué avec lui. Du côté de la musique, je suis sur plein de morceaux en ce moment dont ceux de Lauryn Hill et On My Mama de Victoria Monét, que j’écoute en boucle.