50 ans après sa création, la guerrière revient sur le devant de la scène avec un film et une nouvelle gamme de comics à sa gloire. Une bonne nouvelle pour ce personnage initialement créé par Marvel, qui avait été remisé aux oubliettes de l’histoire de la bande dessinée et de l’heroic fantasy.
Nous sommes au début des années 1970. La société Marvel a récupéré depuis peu les droits d’adaptation du cycle de Conan le Barbare, héros né dans les années 1930 sous la plume de l’écrivain Robert E. Howard. De jeunes dessinateurs ont alors réussi à convaincre les vétérans du studio (dont un Stan Lee assez réticent) d’utiliser cet univers pour lancer une gamme de comics plus adultes, plus sombres et plus violents.
La série Conan rencontre dès son lancement un franc succès, qui pousse ses auteurs à créer de très nombreux personnages originaux, dont Red Sonja, une violente guerrière en bikini-cotte-de-mailles. L’héroïne va très rapidement voler de ses propres ailes et avoir droit à sa propre gamme de comics.
Une héroïne mi-pin-up ringarde mi-avant-gardiste
Elle naît sous la plume du scénariste Roy Thomas, qui imagine une guerrière en quête de vengeance en fusionnant plusieurs personnages de nouvelles méconnues d’Howard. Red Sonja est assez avant-gardiste pour l’époque : elle tient tête aux hommes, décide de son propre destin, et va jusqu’à ironiser régulièrement sur son armure aussi sexy qu’inutile. Elle affirme souvent à quel point « les hommes sont stupides et facilement distraits » pour justifier sa tenue légère.
Dans le même temps, le personnage embarque initialement tout un tas de clichés alors déjà un peu éculés de la fantasy, qui lui colleront à la peau. Elle est devenue une guerrière après un viol dont elle cherche à se venger, se retrouve régulièrement présentée dans des poses lascives sans autre raison que d’attirer l’œil du lecteur… Et devient même un personnage relativement faible et stupide dans une infâme adaptation cinématographique dans les années 1980. Une dichotomie qui fait qu’elle est tour à tour citée comme une icône pop du féminisme et un symbole du patriarcat.
C’est ce qui explique que Marvel, puis Dynamite Comics (qui en récupère les droits en 2005) aient progressivement cherché à modifier le ton et l’écriture de ses aventures pour en faire un personnage plus moderne et moins réduit au simple rang de femme-objet avec une grosse épée. À partir de 2013, le personnage est ainsi confié à des scénaristes à même de faire évoluer cet univers, et particulièrement à l’autrice Gail Simone, spécialiste de ce genre de modernisations.
Une guerrière un peu oubliée
Le travail entrepris par Simone, puis par d’autres autrices comme Nancy Collins ou Amy Chu, sera salué par la critique, mais ne ramènera pas complètement Red Sonja sous le feu des projecteurs. La série est rebootée par Dynamite un nombre incalculable de fois et, bientôt, l’aventurière devient un simple personnage figurant annuellement dans quelques histoires courtes d’heroic fantasy à seule destination des fans de longue date de la série.
Une partie de ce manque d’exposition vient sans doute du faible nombre d’adaptations dont a bénéficié la licence en dehors des comics, du moins comparativement à d’autres héros plus en vue. Un des seuls films faisant figurer le personnage était donc ce nanar oubliable dans lequel Brigitte Nielsen peinait à incarner la charismatique guerrière.
La plupart des autres projets d’adaptation sont restés sans suite, à l’exception d’un moyen-métrage animé en 2016. Une tentative de recréer un film à gros budget pour relancer la licence a cependant vu le jour chez Dynamite Comics dès 2008, avant de s’enfoncer dans un long et fastidieux enfer de production.
Pressentie pour le rôle, Rose McGowan se blesse en 2010 et doit y renoncer. En 2011, le film se trouve un scénariste qui sera plusieurs fois remplacé avant que le projet ne soit complètement abandonné en 2015 après avoir usé plusieurs actrices et réalisateurs potentiels. Il est ensuite relancé en 2017, avant d’être à nouveau stoppé quand le magazine The Atlantic révèle que son réalisateur, Bryan Singer, est accusé de plusieurs viols sur mineurs. La pandémie de Covid a finalement retardé la production de deux ans et soulevé une question : la licence Red Sonja serait-elle maudite ?
Un film qui pourrait (enfin) populariser le personnage
C’est finalement mi-2024, plus de 15 longues années après le début du projet, que le film Red Sonja devrait enfin voir le jour, alors que le personnage vient de fêter les 50 ans de sa création. Et cette fois-ci, la production est ambitieuse. La talentueuse M. J. Bassett (Solomon Kane, Rogue) se retrouve à la réalisation, Matilda Lutz (Revenge, Reptile) reprend le rôle de la guerrière, et Tasha Huo, spécialiste de ce genre d’adaptations, signe le scénario. Ce dernier est basé sur la version Dynamite Comics du personnage et sur tout le travail de réécriture entrepris par Gail Simone il y a dix ans.
Dans ce sillage, Dynamite accompagne ce demi-siècle anniversaire par une série de BD destinées à remettre en lumière différentes versions de l’héroïne : une steampunk avec Legenderry Red Sonja prévue pour fin 2023, une suite aux aventures plus classiques de l’héroïne avec Red Sonja Volume 7, ou encore Savage Red Sonja, un retour aux sources qui se veut plus proche de l’univers d’origine de Robert E. Howard. Une frénésie de sorties qui devraient arriver en France dans les prochains mois chez Graph Zeppelin, l’éditeur qui détient les droits de diffusion du personnage en France. Autant d’occasions de découvrir enfin la guerrière la plus farouche d’Hyrkania.
