Le cinéma, et notamment la science-fiction, ne s’en est jamais caché : le manga est une source inépuisable d’inspirations d’univers, de scénarios ou encore de personnages.
C’est connu : l’art inspire l’art. En cherchant bien, toute œuvre a des références cachées ou revendiquées. Parmi tous les mangas, un en particulier remporte la palme du plus gros héritage : Akira. Et ce dernier soufflera ses 40 bougies l’année prochaine. On ne compte plus le nombre de films qui s’inspirent du monde cyberpunk imaginé par Katsuhiro Otomo. Comme l’explosion silencieuse de vaisseaux dans Star Wars, épisode VIII : les derniers Jedi ou encore la silhouette générale des villes de Coruscant, aux faux airs de Neo-Tokyo d’Akira.
Beaucoup de films sur la télékinésie tels que Chronicle, Lucy et Midnight Special doivent également quelque chose à Akira. Matrix et son bullet time, Looper et son personnage central Cid qui est un jumeau caché de Tetsuo… L’œuvre japonaise a laissé des traces et de nombreux mangas ont suivi son exemple.
Comics, dessins animés et manga : une histoire commune et… géopolitique
La Seconde Guerre mondiale est terminée, le Japon l’a perdue et le pays est occupé par des centaines de milliers de soldats américains. Un dessinateur du nom d’Osamu Tezuka publie ses premiers mangas. Il n’est pas l’inventeur du genre (on parle plutôt de 1798 et des livres imagés du poète Santo Kyoden), mais Osamu Tezuka est clairement le père du manga moderne. Plus ou moins ce que Walt Disney est au dessin animé aux États-Unis. D’ailleurs, le mangaka ne cache pas son admiration pour le réalisateur américain : il raconte avoir vu Bambi plus de 80 fois. Logique donc, étant donné le contexte géopolitique, que les deux pays se soient mutuellement influencés.
L’une des premières fois où la passerelle entre les deux univers a sauté aux yeux, c’était en 1994, l’année de sortie du Roi lion en salle. Pour les connaisseurs, c’est une évidence : le dessin animé est tiré du Roi Léo, manga d’Osamu Tezuka. Et pourtant, Walt Disney a toujours réfuté cette influence, bien que les similitudes soient troublantes : un jeune lion fougueux découvre la vie dans la savane, entouré d’un primate à la sagesse légendaire, d’un oiseau autoritaire, de hyènes stupides et d’un autre lion, le méchant, à la crinière noire et à l’œil mutilé.
Walt Disney s’entête à nier et la polémique commence à enfler. Il ne sera d’ailleurs pas le seul à être accusé de plagiat. L’Inception de Christopher Nolan est aussi passé par là. Le rapport au temps, le monde des rêves qui vient se mêler au réel et tomber en morceaux, les scènes de combat avec une pesanteur complètement revisitée… On retrouve tous ces éléments dans Paprika, un film d’animation japonais sorti en 2006, soit quatre ans plus tôt. Une influence dont le réalisateur britannique ne parlera jamais.
Des mangas à l’imagination sans limite bien avant l’arrivée des effets spéciaux
Au contraire, certains cinéastes assument cette influence. Le public a décelé de nombreux points communs entre le Man of Steel de Zack Snyder et Dragon Ball Z. Notamment une scène de combat en ville, où cette dernière n’est pas épargnée. La question a alors été posée au réalisateur. « Je sais que c’est une œuvre majeure dans l’histoire des mangas et qu’il y a des scènes magnifiques de combats à grande échelle, explique ce dernier. Cependant, pour répondre à votre question, il y a un autre manga (…) où des tas de bâtiments de la ville sont détruits. Je dirais que Man of Steel s’inspire davantage de Tetsuwan Birdy. »
Idem pour les sœurs Wachowski qui ne se sont jamais cachées d’avoir grandement puisé leur inspiration dans le manga Ghost in the Shell. C’est même cette œuvre qui a décidé les réalisatrices à se lancer dans Matrix : « On veut faire ça, mais en vrai. » Résultat, Neo et Motoko se partagent le même monde virtuel créé à partir de nombres verts.
Qu’on le veuille ou non, les mangas sont partout. Et surtout dans le cinéma occidental. Bien avant l’arrivée des effets spéciaux, la bande dessinée japonaise (tout comme le comics) a permis aux cerveaux en ébullition du pays d’imaginer et de coucher sur papier des univers, des villes, des personnages, des pouvoirs, des histoires qu’aucun réalisateur n’aurait jamais pu adapter à l’écran. Les années 1980, période phare pour le manga, ont donc dessiné des décors, costumes et coupes de cheveux que l’on retrouve encore aujourd’hui en salle de cinéma. Elles ont surtout semé bien des graines dans l’imaginaire collectif occidental en germe.