Ram V (Toutes les morts de Laila Starr) revient sur le devant de la scène comics avec Aquaman: Andromeda, un nouveau récit horrifique dans l’univers du roi des mers de DC.
Extrêmement prolifique ces dernières années, que ce soit chez Marvel ou DC Comics, Ram V s’est fait remarquer pour la qualité de ses intrigues, souvent teintées d’horreur. Chacune de ses créations est un succès, comme Blue in Green, et le public français va avoir l’occasion de s’en apercevoir, si ce n’est déjà fait, ce 7 juillet, avec la sortie de Batman Nocturne, chez Urban Comics.
La nouvelle star de la bande dessinée américaine aux commandes d’un récit sur l’un des plus grands super-héros de DC Comics : c’est l’événement de l’été. Pourtant, un autre titre signé Ram V sort aujourd’hui, plus discret, mais peut-être plus étonnant encore : Aquaman: Andromeda.
Fans d’Abyss, ce comic est fait pour vous
Composer une intrigue horrifique avec un super-détective qui parcourt une ville gothique habillé en chauve-souris, c’est assez facile. Mais réussir à effrayer les lecteurs en mettant en scène le super-héros qui « parle aux poissons », en en faisant autre chose qu’une petite sirène barbue, c’est un véritable challenge digne du talent de Ram V.
Personne ne l’attendait vraiment sur ce personnage, mais le scénariste s’est jeté sur l’occasion offerte par le Black Label de DC Comics, qui permet aux artistes de réinterpréter l’histoire de ses héros iconiques, dans des versions bien plus sombres. Avec Aquaman: Andromeda, il montre donc aux lecteurs, comme à ses confrères et consœurs, tout le potentiel d’un personnage trop souvent raillé.
Pour ce faire, Ram V convoque les grands classiques et plonge le héros dans un cadre bien connu des amateurs de science-fiction horrifique et abyssale. L’Andromeda est un sous-marin doté d’une technologie avancée, lancé dans une mission top secrète avec à son bord un équipage hétéroclite de spécialistes.
Leur objectif ? Entrer en contact avec une potentielle entité habitant l’ovni qui s’est crashé sous l’océan Pacifique, plus précisément au point Nemo, l’endroit le plus éloigné de toute terre émergée, qui sert également de cimetière sous-marin pour le matériel astronautique.
Comme le résume un des membres de l’équipage : « On est à 4 000 mètres sous la surface, là où quasiment rien ne survit. Tout est dangereux ici. » Très vite, la pression de l’océan se fait moins lourde que celle qui s’installe dans le sous-marin entre les membres de l’équipage confrontés sans cesse à de nouvelles péripéties. Ce récit en quasi-huis clos permet à Ram V de déployer toute l’étendue de ses influences.
De Lovecraft à Verne (qui a donné son patronyme à la protagoniste), d’Abyss à Premier Contact, l’auteur convoque tous les classiques du genre, ainsi que quelques originalités, comme la tenue de l’équipage, clin d’œil assumé à La Vie aquatique de Wes Anderson. D’accord, mais Aquaman, il est où dans tout ça ? Voilà peut-être l’élément le plus intéressant de cet album qui n’est pas une histoire de super-héros.
Un héros qui gagne enfin en profondeur
Toute l’intrigue d’Andromeda tourne autour des angoisses humaines et même le demi-dieu qui parcourt les mers est tiraillé par l’Arthur Curry qui se cache derrière Aquaman. Personnage solaire et épanoui, à terre, il devient sombre et taciturne au plus profond de son royaume. Un sentiment renforcé par les somptueux dessins et la colorisation de Christian Ward, qui a conçu une armure organique et marine pour son héros.
S’il garde l’aspect chamarré de l’uniforme traditionnel d’Aquaman, il le transforme en un assemblage de coraux aussi beau que dérangeant, comme s’ils s’étaient installés sur le corps d’un noyé avalé par les abysses.
Cette interprétation surprendra peut-être le grand public, mais c’est sans doute l’une des plus belles et des plus fidèles représentations d’un personnage loin d’être aussi ridicule qu’on ne le pense. Dirigeant d’un royaume aux intrigues au moins aussi sournoises et brutales que celles de Game of Thrones, et père d’un fils assassiné, Aquaman est un personnage profondément tragique. Ram V et Christian Ward le savent bien et c’est pourquoi ils en ont fait le gardien d’un équipage submergé par ses propres tragédies.
Évoluant à l’abri des regards, le héros observe, surveille et protège, sans grands éclats spectaculaires ni postures héroïques. À mi-chemin entre le simple élément de décor et le deus ex machina, Aquaman est une ombre de plus qui peuple ce récit de fantasmagories sous-marines. Une relative absence qui fait réaliser à la protagoniste, Yvette Verne, que « des dieux et des mythes marchent incognito parmi nous, et personne ne s’en aperçoit, sauf s’ils le décident ».
Ram V parvient donc, encore une fois, à surprendre son lectorat avec Aquaman: Andromeda. Non pas grâce à son intrigue, assez classique, mais grâce à la vision qu’elle propose des super-héros. Des dieux modernes qui, à la manière de leurs modèles antiques, restent cachés tout en continuant d’influencer l’existence des humains, que ce soit en faisant exploser de redoutables tempêtes ou en imposant des changements de cap plus discrets, mais aux effets tout aussi importants sur nos vies de mortels. Avatar de Poséidon, roi de l’Atlantide et figure digne des tragédies grecques, Aquaman était le héros parfait pour incarner tout cela.