Annoncé comme un « crypto winter », une correction temporaire de bulle spéculative, le revirement des cryptomonnaies, initié fin 2021, perdure. Et on peine encore à voir la lumière au bout du tunnel en ce début 2023.
Après le boom, le krach. Connues pour leur volatilité, les cryptomonnaies n’ont pas déçu depuis un peu plus de 12 mois maintenant. On a d’abord cru à un « crypto winter », un coup de froid sur des cryptomonnaies qui étaient jusqu’alors en surchauffe. Mais, d’abord annoncé comme temporaire, l’épisode semble bien décidé à s’inscrire dans la durée. Un « crypto winter » qui vire à l’âge de glace en somme.
Entre fin 2021 et l’état du marché en ce mois de janvier 2023, un monde s’est effondré. À l’époque, les cours étaient à leur plus haut historique. Une première chute, assez progressive, s’est installée entre novembre 2021 et janvier 2022. Après avoir retrouvé des couleurs jusqu’en avril, le cours a brutalement décroché. L’effondrement particulièrement brutal s’est joué en trois étapes : avril, mai et juin.
Dans cet intervalle, les cryptomonnaies ont, en moyenne, perdu plus de la moitié de leur valeur. Le Bitcoin, valeur de référence, a vu sa valeur reculer de plus de 73 % entre novembre 2021, à son plus haut historique, et fin décembre 2022. Son cours est passé de plus de 58 000 dollars l’unité à à peine plus de 15 000 en 13 mois. Et le rebond tant attendu se fait attendre. Au point que certains se demandent s’il aura lieu un jour. C’est ce qu’on appelle désormais le « crypto collapse ». Un phénomène inédit qui s’accompagne de la disparition soudaine de plateformes spécialisées dans le trading de ces valeurs ; des mastodontes comme Celsius, Three Arrows Capital ou encore FTX, qui a fait couler beaucoup d’encre.
Crypto Winter : la fin des cycles ?
Jusqu’à ce dernier effondrement, particulièrement brutal et long, les actifs numériques, Bitcoin en tête, avaient déjà connu plusieurs revers de fortune par le passé. C’est pour cela que le phénomène actuel, que l’on pensait similaire aux précédents, a été d’abord baptisé « crypto winter », caractérisé par quelques mois de corrections du cours… pour rebondir encore plus fort et plus haut juste derrière.
Le premier épisode du genre a eu lieu en février 2011, alors que les monnaies virtuelles émergeaient à peine. Le Bitcoin, né en 2009, est passé de 1,06 dollar à 0,67 dollar en quelques jours. Une chute de près de 40 % qui a incité les plus pessimistes à déclarer morte cette monnaie virtuelle. À peine un mois plus tard, le Bitcoin flirtait cependant avec les 30 dollars… Pour retomber à 2,14 dollars en novembre de la même année. De nouveau, on prédisait sa fin prochaine. Que nenni.
Fin 2013, la valeur du Bitcoin avait grimpé vitesse grand V à plus de 1 200 dollars. Mais un nouveau crypto winter pointa le bout de son nez en janvier 2015. Au plus bas, le cours affichait 180 dollars. On parlait alors de bulles spéculatives. Ce n’est qu’en 2018, lorsque, pour la première fois, un énième crash du Bitcoin a réellement fait parler de lui, que l’expression « crypto winter » s’est installée. L’année précédente, le Bitcoin était passé de 900 à près de 20 000 dollars en quelques mois. De quoi inciter, pour la première fois, le grand public à se ruer sur cet « argent magique ».
Las, en février 2018, son cours chute de 65 %. La ruée vers le Bitcoin se transforme en débandade. À la fin de cette année-là, le marché des actifs numériques avait perdu dans son ensemble 80 % de sa valeur par rapport à fin 2017. Adieu les rêves de retraite sur une île paradisiaque à 30 ans à peine. Ceux qui avaient investi toute leur fortune en espérant avoir trouvé une authentique martingale n’avaient plus que leurs yeux pour pleurer.
Et puis les choses sont rentrées dans l’ordre. Et, avec la montée en puissance du Web3 et du métavers, les cours se sont à nouveau emballés. Le grand public y croyait à nouveau dur comme fer. C’était maintenant ou jamais. Jusqu’au nouveau revirement de fin 2021. Depuis lors, une phase inédite s’est installée. De juin 2022 jusqu’à ce début 2023, le marché s’est montré anormalement atone, hormis un nouveau petit décrochage en novembre dernier avec la faillite de FTX.
La crise existentielle des cryptos
La chute du cours des monnaies virtuelles, Bitcoin et Ether en tête, alors que l’Internet décentralisé était sous le coup des projecteurs de la planète entière, a mis un coup d’arrêt brutal à la promesse d’un nouveau monde. Un monde virtuel, partagé, où les Gafam n’auraient plus tous les pouvoirs mais où, au contraire, chaque individu reprendrait le contrôle de ses données… et pourrait développer de la valeur au travers de son avatar et de son portefeuille dématérialisé.
« Nous nous trouvons à une croisée des chemins existentielle pour l’industrie. »
Yesha YadavProfesseur de droit
L’effondrement des cryptomonnaies ; le métavers qui peine à devenir tangible et crédible malgré les dizaines de milliards investis par le Meta de Mark Zuckerberg ; les investissements quasi sans limites des grandes marque pour construire des empires numériques sur des parcelles virtuelles achetées à prix d’or ; et même l’arrestation aux Bahamas de Sam Bankman-Fried, le patron de FTX soupçonné de fraude massive… Autant de raisons de tout remettre en cause. « Nous nous trouvons à une croisée des chemins existentielle pour l’industrie », a analysé Yesha Yadav, professeur de droit spécialisé dans la régulation des cryptos dans les colonnes du Washington Post. Ajoutant que le marché cherchait en ce moment à déterminer « quelle est l’étendue de la gangrène actuelle ».
2023 : l’année de la consolidation ?
La faillite de géants du trading de cryptos, FTX et son sulfureux patron en tête, incite à la prudence. C’est la preuve que le fameux « too big to fail » (trop gros pour échouer) n’est pas toujours une vérité. Et que l’industrie des actifs numériques manque encore cruellement de stabilité. Un assainissement et une consolidation du marché s’imposent pour que l’ensemble retrouve une certaine crédibilité aux yeux du grand public… et des investisseurs financiers. Davantage de transparence s’impose aussi.
Il est ainsi fort possible que le secteur se dote, comme c’est le cas pour l’industrie financière traditionnelle, d’outils de surveillance de ces plateformes (credit scoring, assurance, etc.) afin que les faillites inattendues ne se reproduisent plus dans le futur. En parallèle, les autres plateformes font le dos rond… et le ménage. Ainsi, Crypto.com et Coinbase viennent d’annoncer qu’ils allaient licencier 20 % de leurs salariés. La plupart des acteurs sont scrutés pour estimer la gravité de leurs manques de liquidités.
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Quoi qu’il arrive, au regard de la situation économique globale actuelle, « nous nous attendons à ce que la situation actuelle se poursuive encore au moins sur le premier semestre 2023 », a expliqué John Avery, responsable de la stratégie et des produits pour la cryptographie, le Web3 et les marchés des capitaux pour la société de services financiers américaine FIS.
Le recul n’est donc sans doute pas terminé. Mais le potentiel reste encore bien présent. Le cours du top 100 des cryptomonnaies est encore en hausse de 2 000 % par rapport à 2016, en moyenne. Surtout, la technologie de la blockchain et tout ce qui en découle demeure plus que jamais une révolution en devenir. La valeur que cela peut créer dans les années à venir est bien réelle. Selon les analystes, le rebond pourrait avoir enfin lieu sur la fin de 2023 ou début 2024. L’âge de glace est donc encore loin d’être fini. Et les actifs numériques restent encore bel et bien dans la tourmente à l’heure actuelle. Pour les propriétaires de crypto actifs, plus que jamais, « la patience est la mère de toutes les vertus ».