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Bitcoin addicts : plongée dans le monde de la cryptomania

17 avril 2022
Par Florence Santrot
L'addiction aux cryptomonnaies, un phénomène qui prend de l'ampleur.
L'addiction aux cryptomonnaies, un phénomène qui prend de l'ampleur. ©Shutterstock

Très volatiles, les cryptomonnaies peuvent provoquer dans la même journée ou presque un moment d’euphorie comme une peur panique tant leur cours peut fluctuer. Au point d’en devenir addictives, à l’instar des jeux d’argent. Témoignages.

« Il fut un temps où je me levais la nuit pour vérifier que je ne loupais pas une bonne affaire. » Alexandre, 27 ans, a découvert les cryptomonnaies en 2016. Après une phase d’intense boursicotage qui a duré près de trois ans, il a presque tout revendu avant de s’y intéresser à nouveau, en prenant davantage de recul. Au point d’avoir fait le grand saut il y a six mois et de faire de sa passion son métier, puisqu’il est devenu trader en cryptomonnaies.

« Après un BTS en commerce international, j’ai décidé de partir m’installer en Thaïlande. Alors que j’étais là-bas, j’ai entendu parler pour la première fois des cryptomonnaies et de leur hausse exponentielle », explique Alexandre. En 2018, il participe à la première bulle du Bitcoin, vite devenue le grand sujet de conversation dans tout le pays. « Le chauffeur de taxi, la coiffeuse… tout le monde en parlait. Mes investissements en crypto ont pris beaucoup de valeur », se souvient-il.

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Transpiration, sueurs froides… comme au casino

Les fluctuations des cours et la peur de rater une opportunité l’ont à plusieurs reprises propulsé dans une spirale infernale. « On croise les doigts, on transpire, on passe son temps à regarder les cours. C’est comme au casino, la volatilité rend fou. Dans ces moments-là, il ne faut pas paniquer. On peut voir du rouge pendant deux mois, puis une énorme bougie verte. Le cours remonte en flèche et, en deux jours, on a récupéré notre mise », note Alexandre, qui avait investi à une époque entre 10 et 20 000 euros dans les cryptos.

« En quelques jours à peine, c’est devenu un réflexe. Le matin, je regarde où en est mon investissement, puis je vérifie plusieurs fois dans la journée, au gré des alertes. Et je n’éteins pas le soir avant d’avoir jeté un dernier coup d’œil. »

Éva, Paris

Mais, en 2019, après avoir essuyé un sérieux revers, il revend presque tous ses investissements quand le cours est au plus bas et a perdu plus de la moitié de sa valeur. Il lui faut plusieurs années pour reprendre pied dans ce monde des cryptomonnaies. Rentré en France depuis quelques mois, il a mis au point un système de trading algorithmique. Pour ne plus réagir émotionnellement aux fluctuations des cryptos, ce sont des robots qui suivent des règles pré-écrites et les appliquent en temps réel. « On est sûr de ne plus rater une opportunité et ça évite de passer son temps à regarder son ordinateur ou son téléphone », souligne-t-il. Depuis six mois maintenant, il a même sauté le pas et est devenu trader à temps plein. « Je me suis formé sur le tas. J’ai beaucoup regardé YouTube et discuté sur des forums pour maîtriser mon sujet. Et puis j’ai fait toutes les erreurs possibles par le passé, c’est une force aujourd’hui. »

La cryptomonnaie comme un jeu

Éva, 42 ans, parisienne, a investi pour la première fois fin 2021 : « À force d’en entendre parler autour de moi, je me suis dit que je devais essayer, pour comprendre l’intérêt. J’ai investi 1 000 euros, moitié Bitcoin et moitié Ethereum, car c’était les deux seules cryptos que je connaissais. »

Sur une appli, elle peut suivre les cours : « En quelques jours à peine, c’est devenu un réflexe. Le matin, je regarde où en est mon investissement, puis je vérifie plusieurs fois dans la journée, au gré des alertes. Et je n’éteins pas le soir avant d’avoir jeté un dernier coup d’œil. En une journée, je peux “gagner” ou “perdre” plus de 100 €, c’est hyper ludique. En revanche, je me suis juré de ne pas vendre avant trois ans. Et peut-être d’investir un peu plus chaque mois. Il paraît que c’est ce qu’il y a de plus malin à faire pour lisser les risques. Moi, je vois avant tout ça comme un jeu, mais peut-être qu’à un moment je déciderai de m’y mettre sérieusement. »

D’un investissement “fun” à du long terme

Philippe, architecte des systèmes d’information basé à Bordeaux, a entendu parler de ce phénomène dès 2011-2012, alors qu’il travaillait dans des data centers. « Je me souviens avoir eu des discussions à ce sujet avec des collègues. Certains ont investi dans le Bitcoin, mais les ont très vite revendus pour acheter des jeux vidéo, par exemple. S’ils avaient gardé leurs cryptos, ils seraient peut-être millionnaires aujourd’hui. Mais ils ne regrettent rien, c’était dans l’air du temps. »

« Je n’ai jamais été accro au sens strict du terme. J’ai toujours refusé d’avoir des alertes ou des notifications, mais quand les cours montaient beaucoup, je surveillais. »

Philippe, Bordeaux

Il finit par lui-même investir dans le Bitcoin en 2016. « Je n’ai jamais été accro au sens strict du terme. J’ai toujours refusé d’avoir des alertes ou des notifications, mais quand les cours montaient beaucoup, je surveillais. J’ai eu plusieurs Bitcoin et j’en ai revendu à un moment pour m’acheter une voiture d’une valeur de 7 000 ou 8 000 €. J’ai même acheté un casque audio après avoir revendu des cryptos. Pour moi, ils doivent servir comme n’importe quel autre investissement », assure Philippe.

S’il croit dur comme fer à la monnaie numérique et à l’intérêt du Bitcoin comme une sorte d’étalon (au même titre que l’or), il estime que le marché n’est pas encore mûr. « C’est très bien pour payer des choses qui valent très cher, mais ce n’est pas encore utilisable au quotidien. Je ne crois pas à l’eldorado, mais cela aura une utilité certaine dans le futur », affirme-t-il. Philippe vient de revendre l’ensemble de ses actifs numériques pour financer un projet personnel : « J’ai investi en 2016, 2017 et 2018. Je n’ai rien vendu, même pendant les crypto winter [périodes de fortes chutes des cours des principales cryptomonnaies, ndlr]. Et je viens de tout solder en faisant un bénéfice x4 après impôts, je suis content. Ça paie d’investir sur le long terme. Et lorsque je recommencerai, je ferai de même. »

À l’heure actuelle, entre 3 et 5 % de la population mondiale possèderait des cryptomonnaies. Nombre d’entre eux sont arrivés sur le secteur ces deux dernières années et le plus souvent dans un objectif spéculatif, sans bien mesurer les tenants et aboutissants des cryptomonnaies et de la blockchain sous-jacente. Mais une chose est sûre : les cryptomonnaies sont là pour durer.

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