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Deux hauts responsables de la BCE mettent en garde contre le Bitcoin

12 octobre 2021
Par Thomas Estimbre
Deux hauts responsables de la BCE mettent en garde contre le Bitcoin
©Creative commons

Cryptomonnaie populaire, le bitcoin n’a pas que de fervents défenseurs. Dans une tribune publiée par le Frankfurter Allgemeine Zeitung, deux hauts responsables de la Banque centrale européenne (BCE) assurent que les promesses du cryptoactif sont “irréalisables” et que “ses failles sont sous-estimées”.

Dans l’univers des cryptomonnaies, le Bitcoin occupe une place de choix depuis son apparition en 2009. Son succès a fait d’elle la plus célèbre des cryptomonnaies et si elle est loin d’être isolée – on recense plus de 6500 cryptoactifs – le Bitcoin reste la monnaie numérique la plus utilisée. Malgré quelques revers, le boom du bitcoin se poursuit et le marché a dépassé les 1000 milliards de dollars. Une success story derrière laquelle se cache une réalité bien moins enthousiasmante, selon Ulrich Bindseil et Jürgen Schaaf. Ces deux hauts responsables de la Banque centrale européenne (BCE), respectivement directeur général de la Direction générale Infrastructure de marché et paiements et conseiller de la BCE, mettent en effet en garde contre les risques liés à l’utilisation de la célèbre cryptomonnaie. Dans une tribune intitulée “Ne vous laissez pas berner par le bitcoin” et publiée par le Frankfurter Allgemeine Zeitung, les deux membres de la BCE assurent que “l’auto-illusion collective a désormais atteint une dimension susceptible de causer des dommages considérables à la société”.

Ils rappellent que le bitcoin repose sur trois promesses :“créer une monnaie mondiale efficace”, “être à l’abri de l’inflation et même permettre de fortes plus-values” et “libérer et autonomiser “l’individu souverain » » par rapport à l’État. Ulrich Bindseil et Jürgen Schaaf estiment que le bitcoin n’a pas répondu à ces attentes et que “le château de cartes menace de s’effondrer”.

Selon eux, l’intervention du législateur devient “de plus en plus probable” et le bitcoin n’aura jamais les qualités d’une monnaie. Considéré comme un “gadget” lors de sa création, il est désormais perçu comme “trop volatile et trop coûteux” pour remplir les fonctions classiques d’une monnaie, à savoir être “une unité de compte, un moyen de paiement et une réserve de valeur”.

Pour les deux responsables, son modèle économique “ne peut pas fonctionner à long terme” . Les deux spécialistes s’appuient sur les récentes difficultés du bitcoin à faire ses preuves au Salvador. Dans ce pays d’Amérique centrale, la plus célèbre des cryptomonnaies est devenue l’une des monnaies officielles depuis la rentrée, mais son adoption est compliquée. “La tentative a échoué pour l’instant, principalement en raison de l’absence d’acceptation par la population”, indiquent Ulrich Bindseil et Jürgen Schaaf dans leur tribune. Ces difficultés témoigneraient du fait que le bitcoin ne “peut pas être pris au sérieux comme moyen de paiement en dehors de niches”.

Bitcoin cryptomonnaie
Plus de dix ans après son apparition, le Bitcoin n’est pas considéré comme une monnaie par la BCE.©Creative commons

“Ne vous laissez pas berner par le bitcoin”

De plus, la comparaison avec l’or serait également “trompeuse”, car ce dernier est utilisé à la fois industriellement et a été valorisé en tant que bijou pendant des siècles avant d’être utilisé comme réserve de valeur, forme d’investissement ou réserve monétaire.

Cette mise en garde insiste également sur le fait que l’or, contrairement au bitcoin, conserve sa valeur même dans des circonstances “chaotiques ou en cas dé défaillance temporaire de l’infrastructure numérique”. L’avenir serait également compliqué pour ce cryptoactif et il n’est pas nécessaire d’avoir des connaissances approfondies en mathématiques pour comprendre “que le prix du bitcoin sera nul tôt ou tard”.

Les deux dirigeants de la BCE ajoutent que les spéculateurs qui tablent sur sa rareté se trompent, car “c’est seulement la demande subjective utile qui rend un bien rare et donc précieux”. Précisant au passage que l’enthousiasme ne suffit pas à long terme. Pour convaincre, ils mettent en avant l’arrivée de nouveaux cryptoactifs et la perte d’influence du bitcoin sur ce marché, arguant de la règle selon laquelle “les technologies sont remplacées par de meilleures technologies” peut aussi s’appliquer à ce secteur. “La fièvre autour du bitcoin a toutes les caractéristiques d’une bulle spéculative fondée sur la théorie du plus grand fou”, selon laquelle “la valeur augmentera tant qu’il y aura un “plus grand fou” qui suppose qu’il peut vendre ultérieurement à un prix plus élevé ».

Concernant le projet de libérer la monnaie de l’État et des autorités centrales “qui abusent de leur pouvoir”, les deux économistes évoquent une « illusion » et assurent que “la liberté a besoin de règles, sinon l’anarchie et la loi du plus fort menacent”.

Ils estiment en outre que le bitcoin n’est pas aussi “populaire” que sa communauté a pu le croire et qu’il est “dominé par des intérêts financiers et de puissants investisseurs”. Les “masses”, soit 75 % des adresses de la blockchain, “ne détiennent que 0,2 % du marché” et les “cent plus gros actionnaires du bitcoin détiennent plus de valeurs que les 38 millions les plus petits”. Cela en ferait un système bien “plus élitiste qu’égalitaire” dans lequel on remarque qu’une personnalité comme Elon Musk a le pouvoir de faire varier le cours.

Le bitcoin pourrait causer “des dommages sociaux considérables”

Enfin, cette critique évoque les effets néfastes de la cryptomonnaie pour la société et l’environnement. Le minage “gaspille l’énergie à grande échelle” et les cryptoactifs sont “largement utilisés pour des activités criminelles” comme le trafic de drogue, le blanchiment d’argent ou encore le financement du terrorisme. Ulrich Bindseil et Jürgen Schaaf s’attendent désormais à une “réaction des pouvoirs publics” et assurent qu’un bitcoin durable est quelque chose d’aussi impossible que la division par zéro.

Ces propos ne sont pas surprenants de la part de deux responsables de la BCE. Ils font d’ailleurs écho à ceux tenus en début d’année sur BFM Business et BFMTV par Christine Lagarde. La présidente de la Banque centrale européenne expliquait que le bitcoin n’était pas une monnaie. “Ce n’est pas une monnaie. Les cryptoactifs, ce n’est pas une monnaie. C’est un actif hautement spéculatif”, précisait-elle.

Rappelons qu’une cryptomonnaie n’est pas une monnaie sur le plan juridique et que les cryptoactifs sont considérés comme “des actifs virtuels stockés sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs les acceptant, de réaliser des transactions sans avoir à recourir à la monnaie légale ».

Article rédigé par
Thomas Estimbre
Thomas Estimbre
Journaliste
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