Critique

The Wonder : le miracle de Netflix ?

16 novembre 2022
Par Lisa Muratore
Florence Pugh dans “The Wonder”.
Florence Pugh dans “The Wonder”. ©Netflix

Attendu ce mercredi 16 novembre sur Netflix, The Wonder signe le retour de Florence Pugh devant la caméra. Entre drame et mysticisme, le film de Sebastián Lelio est une proposition de cinéma alléchante, qui se perd cependant dans des genres trop nombreux.

En septembre dernier, Florence Pugh s’est illustrée dans le drame dystopique réalisé par Olivia Wilde, Don’t Worry Darling (2022). Si le film n’a pas su convaincre la critique, la prestation de son actrice principale a séduit le public. Un exercice que renouvelle la comédienne britannique dans The Wonder, attendu ce mercredi 16 novembre sur Netflix.

Nouvelle étoile montante d’Hollywood, Florence Pugh y incarne une infirmière anglaise, Lib Wright, envoyée dans les Midlands irlandais, en 1862, afin de surveiller une petite fille (Kila Lord Cassidy) qui prétend ne rien avoir mangé depuis plus de trois mois. Anomalie médicale ou véritable miracle ? C’est ce que va tenter de découvrir la jeune femme dans le film réalisé par Sebastián Lelio. Pour cela, elle va devoir confronter ses convictions scientifiques à la foi d’une famille et d’un village tout entier.

Un drame mystique

Ce n’est pas la première fois que Florence Pugh s’essaye aux films d’époque. Après avoir incarné une meurtrière dans The Young Lady (2016), ainsi qu’une des sœurs de la sororité March dans Les Filles du Docteur March (2019) de Greta Gerwig, l’actrice se plonge une nouvelle fois dans un drame historique. Pour autant, The Wonder se distingue de ces précédents films par son aspect mystique.

Florence Pugh incarne Lib Wright dans The Wonder.©Christophe Barr/Netflix

En adaptant le livre éponyme d’Emma Donoghue, le réalisateur nous entraîne dans des paysages à la photographie inédite et au cœur de décors dans lesquels l’opposition entre religion et science fait écho à ce que le folklore nordique raconte à notre imaginaire collectif : un village sectaire et secret, une campagne brumeuse, qui pourrait rappeler un univers fantastique entre Tim Burton (Sleepy Hollow, 1999) et Robert Eggers (The Lighthouse, 2019). Si le premier confronte les croyances d’un enquêteur et médecin légiste dans une bourgade menacée par le mythe du Cavalier sans tête, le deuxième embarque le spectateur sur un phare, aux côtés de deux gardiens entre solitude et folie.

La dualité de Lib Wright pourrait rappeler la personnification de Johnny Depp dans Sleepy Hollow, tout comme il est possible de rapprocher The Lighthouse de The Wonder en raison de la mythologie et de l’aspect méta que ces deux films convoquent. Après le mythe de Prométhée, le long-métrage Netflix convoque celui de la manne céleste, une nourriture que Dieu fit tomber du ciel. Pourtant, là où le film de Robert Eggers poussait les allégories à son paroxysme, The Wonder a du mal à trouver son identité méta.

Florence Pugh, Tom Burke et Kila Lord Cassidy dans The Wonder. ©Aidan Monaghan/Netflix

À mi-chemin entre le film fantastique et le drame mythologique, le long-métrage de Sebastián Lelio se rapproche également du thriller. Ici, difficile de ne pas penser au Nom de la rose (1986) étant donné le parallèle entre les dogmes religieux et une conception plus pragmatique d’événements inquiétants. Le duo Lib Wright et William Byrne (Tom Burke) rappelle notamment celui de Guillaume de Baskerville (Sean Connery) et d’Adso de Melk (Christian Slater) dans le film de Jean-Jacques Annaud.

Un portrait de femme

Pourtant, malgré les évocations que le long-métrage réunit dans l’esprit des cinéphiles, The Wonder puise sa raison d’être dans les drames personnels de Lib Wright et d’Anna O’Donnell. Avant d’être un thriller psychologique fantastique, le film est avant tout un moyen de dresser le portrait de femmes résilientes. Il étudie également les notions de sacrifice et de maternité – qu’elle soit empêchée ou corrompue – et scrute ainsi une nouvelle part de la féminité de ses personnages. Une appréhension féministe qui a toujours inspiré la filmographie de Sebastián Lelio.

Kila Lord Cassidy et Florence Pugh dans The Wonder. ©Aidan Monaghan/Netflix

On le voit notamment dans Gloria Bell (2018) qui filmait Julianne Moore dans la peau d’une femme farouchement indépendante, adepte des soirées dansantes pour célibataires, mais aussi dans le sulfureux Désobéissance (2017), ou encore dans Une femme fantastique (2017). Par ces portraits féminins, Sebastián Lelio raconte des histoires puissantes, dérangeantes ou inquiétantes, opérant une réflexion sur la religion – juive orthodoxe dans Désobéissance – ou la question du deuil comme dans Une femme fantastique.

The Wonder apparaît donc comme le catalyseur de sa filmographie, le raisonnement autour de ces thématiques offrant un poids significatif au film. Pourtant, malgré ces nombreuses références, le long-métrage peine à convaincre par son aspect dualiste, privilégiant trop souvent le drame de ses personnages au thriller ésotérique qui se joue en second plan.

The Wonder apparaît comme un film accessible, et témoigne de la volonté de Netflix de proposer des créations originales plus indépendantes, proches du cinéma d’auteur. Si le long-métrage souffre de quelques répétitions, il faut aussi saluer le travail sur les costumes et les décors. Rarement la plateforme a proposé une création aussi concluante sur ce point.

Bande-annonce VO de The Wonder. © Netflix

Avec The Wonder, Sebastián Lelio poursuit donc son étude de la féminité, en l’adaptant cette fois-ci au drame historique et mystique. Un contexte convaincant, notamment en termes de mise en scène, qui fait du film une proposition cinématographique globalement intéressante. Cependant, le mélange des genres peine à convaincre. Le film semble avoir du mal à trouver sa paroisse entre fantastique, thriller et drame. Il ne va pas non plus au bout du suspense scénaristique entre sacralité et science. Malgré la prestation impeccable de l’ensemble de son casting, on est donc loin du miracle de Netflix.

The Wonder, de Sebastián Lelio, avec Florence Pugh, Tom Burke et Kila Lord Cassidy, 1h48. Le 16 novembre 2022 sur Netflix.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste