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Au Palais Galliera, Frida Kahlo se redécouvre au prisme de sa garde-robe

16 septembre 2022
Par Apolline Coëffet
Frida Khalo par Toni Frissell, Vogue US 1937.
Frida Khalo par Toni Frissell, Vogue US 1937. ©Toni Frissell, Vogue / Condé Nast

Jusqu’au 5 mars 2023, le Palais Galliera donne à voir une autre image de Frida Kahlo dans Au-delà des apparences. Justement nommée, l’exposition transcende les clichés et propose aux visiteurs d’entrer dans l’intimité de l’artiste mexicaine.

Si le nom de Frida Kahlo est connu de tous, la réalité de ses jours demeure méconnue pour beaucoup. Afin de pallier ce manquement, le Palais Galliera – en étroite collaboration avec le Museo Frida Kahlo – a imaginé Au-delà des apparences, une exposition qui rassemble plus de 200 objets provenant de la Casa Azul, maison dans laquelle l’artiste mexicaine est née et a vécu une grande partie de sa vie. Vêtements, correspondances, accessoires, cosmétiques, médicaments, prothèses médicales… À sa disparition, son mari – le peintre muraliste Diego Rivera – a placé tous ses effets personnels sous scellé. Il faudra attendre 2004, soit cinquante plus tard, avant qu’ils ne soient redécouverts. Objets du quotidien, tous témoignent de la construction identitaire de l’artiste, sa manière de se montrer au monde, mais également de le percevoir.

Une variation de motifs récurrents

Première en France, l’exposition invite les visiteurs à entrer dans l’intimité de l’artiste au travers de films et de photographies mis en regard de cette précieuse collection. Plus qu’un simple apparat, la mode est irrémédiablement politique et constitue pour Frida Kahlo un moyen d’expression sans pareil. Abîmée par de nombreux maux médicaux qui la contraignent à l’alitement, c’est par ce biais qu’elle exprime ses préoccupations identitaires, façonne son image et compose avec son handicap. Les colliers précolombiens qu’elle collectionne, de même que les robes traditionnelles Tehuana qu’elle revêt quotidiennement se présentent ainsi comme une signature vestimentaire qui la distingue et lui permet d’asseoir sa mexicanité.

À cela s’ajoute bien évidemment la peinture, art auquel elle s’initie à la suite du grave accident de la route dont elle est victime à l’âge de dix-huit ans. Ses tableaux offrent alors une variation de motifs récurrents qui l’aident à s’affirmer en tout point. Parmi eux se trouve notamment la figure du double. Celle-ci prend forme dans un isolement de longue durée, contraint par la poliomyélite qu’elle contracte enfant. Esseulée, la jeune malade s’invente alors une amie imaginaire qu’elle n’oubliera pas. Plus tard, le drame qui faillit lui coûter la vie nourrit également son œuvre. Annihilant son rêve de se faire médecin, elle profite de sa convalescence pour se lancer dans l’autoportrait grâce à un chevalet pliant et un à miroir encastrés dans le baldaquin de son lit. « Je me peins moi-même parce que je suis souvent seule », confie-t-elle alors. 

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Une figure d’avant-garde

Par le vêtement ou la peinture, Frida Kahlo modèle ainsi son image selon ses propres volontés. Si elle n’a d’autre choix que de porter corsets et autres appareils médicaux, l’artiste les ornemente de telle sorte à les transformer en chef-d’œuvre. Sur ses toiles, le corps et l’esprit souffrants se muent en une résilience sans précédent dans l’histoire de l’art. En élaborant un vocabulaire propice à la réappropriation du handicap, elle parvient à créer du sens, mais également de la joie et de la beauté dans ce que la société préfère encore dissimuler. En contrepoint, les photographies qui la représentent cristallisent le style hybride qu’elle a pensé avec soin.

Inspirée par ses origines maternelles, Frida Kahlo s’identifie largement aux femmes de Tehuantepec. Blouses brodées, longues jupes, coiffures sophistiquées, parures anciennes et châles tissés… Dans un entremêlement d’éléments culturels de régions et d’époques disparates, elle imagine un style qui convient à ses besoins. Unique et transgressive, son interprétation de la mexicanité n’a alors eu de cesse d’influencer les créateurs – et tout particulièrement les directeurs artistiques à la tête de maisons de mode – qui lui ont succédé. Parmi eux se trouvent Jean-Paul Gaultier, Yohji Yamamoto, Maria Grazia Chiuri pour Dior, Alexander McQueen ou Riccardo Tisci pour Givenchy, Rei Kawakubo pour Comme des Garçons ou bien Karl Lagerfeld pour ne citer qu’eux. Une exposition-capsule évoquera également, jusqu’au 31 décembre, la figure d’avant-garde, muse et icône, que Frida Kahlo incarne aujourd’hui encore dans le monde de la mode.

Frida Kahlo, au-delà des apparences, au Palais Galliera jusqu’au 05/03/2022.

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Article rédigé par
Apolline Coëffet
Apolline Coëffet
Journaliste
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