[Rentrée littéraire] Porté par une plume foudroyante de sensibilité, l’acteur et réalisateur irlandais Gabriel Byrne relève avec succès le défi de l’autobiographie.
Acteur – mais aussi scénariste, réalisateur et producteur –, Gabriel Byrne a été à l’affiche de nombreuses pièces de théâtre et de plus de 80 films, dont Excalibur (Boorman, 1981), Miller’s Crossing (Coen, 1990), Usual Suspects (Singer, 1995), ou encore Le temps de l’aventure (Bonnell, 2013). Il a récemment été récompensé du Golden Globe du meilleur acteur pour sa prestation dans In Treatment – la version américaine d’En thérapie.
Gabriel Byrne est né en 1950 dans une famille modeste des faubourgs de Dublin, en Irlande. Et ce sont précisément dans ces faubourgs que rôdent ses « fantômes », ce sont ces faubourgs qui servent de décor aux souvenirs d’enfance de celui qui connaîtra le succès en embrassant la carrière d’acteur.
La plume élégante et sensible de l’auteur dessine alors avec une rare délicatesse les contours de l’Irlande qui l’a vu grandir, une Irlande marquée par la pauvreté, déchirée par les conflits religieux et politiques et hantée par le souvenir de sa Grande Famine.
Les soirs d’été, je pédalais jusque dans les montagnes ou sur la côte, à Howth, la tête remplie de génériques de films. Je mettais de l’argent de côté pour m’acheter un costume de chez Burton, dans Dame Street, un truc en mohair bleu marine à revers étroits qui, avec une chemise blanche et des bottines lacées, me transformerait en Michael Caine.
Gabriel ByrneMes fantômes et moi
Loin des projecteurs, l’acteur-écrivain ne s’épargne rien et évoque sans fard son alcoolisme, le viol qu’il a subi enfant, la maladie mentale de sa sœur – et la « mélancolie lourde de solitude » qui l’accompagne toujours, partout. Entre honnêteté et pudeur, Gabriel Byrne se raconte ; revient sur l’appel de la prêtrise qui l’a d’abord porté, puis sur les petits boulots qu’il a enchaîné, et enfin sur ses débuts dans la comédie – avant le succès qu’il connaîtra grâce au cinéma.
Je suis sorti courir dans les rues désertes, espérant chasser les ténèbres qui faisaient tache d’huile dans mon cerveau. J’ai couru, couru, dépassant des drapeaux qui flottaient au vent, les panneaux qui annonçaient un millier de films, jusque dans les collines bâties de villas à portiques, cachées par des bougainvillées et des cyprès. Mais, quand je me suis arrêté, j’étais encore en proie à un tel tumulte intérieur que je craignais de m’effondrer et d’être retrouvé en pleurs dans la rue.
Gabriel ByrneMes fantômes et moi
Mes fantômes et moi n’ont rien en commun avec les mémoires d’un acteur-star qui égrènerait avec complaisance ses anecdotes hollywoodiennes ; Gabriel Byrne y ouvre plutôt une fenêtre poétique sur la vie dans l’Irlande de l’époque, autant qu’il y parcourt avec autodérision sa propre humanité.
Les chansons que vous avez aimées dans votre jeunesse, dit-on, vous brisent le cœur quand vous devenez vieux.
Gabriel ByrneMes fantômes et moi
Ces mémoires exceptionnels s’achèvent sur des pages superbes, d’une délicatesse et d’une justesse infinies, en forme d’hommage aux parents de l’auteur. Reste le souvenir d’une écriture bouleversante – à laquelle la traduction française rend parfaitement justice – et d’une intense sensibilité.