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12 expositions photographiques à ne pas manquer aux Rencontres d’Arles cet été

16 juillet 2022
Par Apolline Coëffet
Image extraite de la vidéo "Below to the Deep South", 2021.
Image extraite de la vidéo "Below to the Deep South", 2021. ©Noémie Goudal / courtesy Galerie Les Filles du Calvaire

Les Rencontres d’Arles ont donné le coup d’envoi de leur 53e édition le 4 juillet dernier. L’Éclaireur était sur place et a sélectionné les douze expositions à ne surtout pas manquer si vous prévoyez de vous rendre au festival cet été.

Une Avant-garde féministe

©Renate Eisenegger / VERBUND COLLECTION, Vienna

Après une décennie à circuler dans toute l’Europe, Une Avant-garde féministe a pris ses quartiers d’été à la Mécanique générale. Dans les années 1970, le mouvement artistique a pris son essor dans un contexte de révolution sociale et sexuelle. Près de 200 œuvres, issues de la collection Verbund à Vienne, esquissent alors cette histoire de l’art – souvent relayée à la marge – à l’aune de celles qui l’ont bouleversée. L’exposition témoigne de l’inventivité de 71 femmes artistes qui, au travers de photographies, mais également de vidéos et de performance, ont su dénoncer le sexisme ordinaire, les inégalités sociétales et les structures du pouvoir patriarcal pour proposer une nouvelle « image de la femme ». Parmi elles se trouvent d’importantes figures du 8e art telles qu’ORLAN, Cindy Sherman ou encore Ana Mendieta pour ne citer qu’elles.

Une Avant-garde féministe, à la Mécanique générale. Jusqu’au 25/09/2022.

Capter le mouvement dans l’espace, de Babette Mangolte

L’opéra « Einstein on the Beach », de Robert Wilson et Philip Glass, libretto et scénographie par Robert Wilson, musique par Philip Glass et son orchestre. Acte 1 Train, avec, de g. à d., Lucinda Childs, Dana Reitz et Sherryl Sutton, 1976.©Babette Mangolte

Récompensée cette année par le Prix Women in Motion, Babette Mangolte a fait du mouvement son domaine de prédilection. Depuis New York, la cinéaste et photographe expérimentale s’est immiscée dans les coulisses de sa scène chorégraphique et performative pour développer son propre langage visuel. À l’Église Sainte-Anne, les clichés et autres vidéos en noir et blanc retracent ainsi plus de cinquante années de création articulées autour du corps gracieux et de son espace alentour. À l’image apparaissent des figures emblématiques des années 1970 et 1980, comme Yvonne Rainer, Trisha Brown, Richard Foreman, Lucinda Childs, Simone Forti, Robert Morris, Joan Jonas ou Robert Whitman.

Capter le mouvement dans l’espace, de Babette Mangolte, à l’Église Sainte-Anne. Jusqu’au 25/09/2022.

Phoenix, de Noémie Goudal

Image extraite de la vidéo « Below to the Deep South », 2021.©Noémie Goudal / courtesy Galerie Les Filles du Calvaire

Fascinée par l’histoire géologique de la planète et les différents climats qui y ont régné, Noémie Goudal se plaît à défaire et à retisser les liens qui unissent l’être et le non-humain. De ses tirages et films complexes, effleurant la performance théâtrale, surgit toujours une végétation luxuriante lorsqu’il ne s’agit pas de milieux rocailleux. Avec cette poésie qui lui est propre, l’artiste transforme le réel et déploie des illusions pour mettre à mal l’indexicalité de l’image comme repère de vérité. L’immensité spatio-temporelle et ses variations, prises dans un élan perpétuel, interrogent ainsi notre approche de l’écologie et témoignent de la nécessité de mieux appréhender l’environnement qui est le nôtre.

Phoenix, de Noémie Goudal, à l’Église des Trinitaires. Jusqu’au 28/08/2022.

Evergreen, de Lukas Hoffmann

Avenue Bronx River, New York, 2016.©Lukas Hoffmann

Dissimulé à l’étage du Monoprix de la ville, Evergreen dévoile deux ensembles de clichés monochromes signés Lukas Hoffmann. Pour le premier, l’artiste helvético-australien a arpenté les rues de Berlin pour en capter les mouvements imprécis, sans jamais regarder le viseur de son médium. Ces moments d’existence en suspens s’opposent à la seconde série, également prise à la chambre photographique. Ici, les déambulations pressées substituent la lenteur du geste précis. Capturés sous tous les angles, un mur abîmé ou les lettres estompées d’un container se décomposent jusqu’à l’abstraction et invitent celui ou celle qui contemple à exercer son regard.

Evergreen, de Lukas Hoffmann, Monoprix. Jusqu’au 25/09/2022.

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Waha (Oasis), Seif Kousmate

Portrait de Mustapha [responsable de la distribution de l’eau dans l’oasis], Tighmert, Maroc, janvier 2021, série « Waha (Oasis) ».©Seif Kousmate

Originaire du Maroc, Seif Kousmate soulève un problème d’envergure qui sévit dans sa terre natale : la disparition des oasis, pourtant essentielles à la survie des populations locales. La surexploitation de leurs matières premières, couplée à des épisodes de sécheresse de plus en plus nombreux poussent ainsi les nouvelles générations à fuir vers d’autres horizons. Dans Waha – terme arabe pour désigner ces sources en plein désert –, l’ancien ingénieur et photographe autodidacte matérialise la dégradation des points d’eau. À l’aide d’acide et de vestiges de la flore endémique, il contamine ses images et crée un trouble poétique. Fond et forme se superposent alors de manière sensible. 

Waha (Oasis), de Seif Kousmate, à l’Église des Frères Prêcheurs. Jusqu’au 28/08/2022.

Je n’ai rien fait de mal, Mika Sperling

Découpages de mon grand-père que je ne veux pas regarder, 2021, série « I Have Done Nothing Wrong ».©Mika Sperling

C’est un travail sensible et empreint de résilience qu’expose Mika Sperling à l’Église des Frères Prêcheurs. Dans Je n’ai rien fait de mal, la photographe entend briser un tabou familial et sociétal. Elle y aborde les crimes de son grand-père en trois temps. Des clichés immortalisés sur la route qui sépare la maison de l’enfance et l’habitation du coupable se juxtaposent à d’authentiques photos de famille, découpées et réagencées. En fin de parcours, un récit fictif met en scène un parent décédé et une artiste en attente de réponses, scénario réinventé qui traduit une tentative de réconciliation avec son passé douloureux.

Je n’ai rien fait de mal, de Mika Sperling, à l’Église des Frères Prêcheurs. Jusqu’au 28/08/2022.

Et pourtant, elle tourne

Ici, série « Comté du Sud », 2018 (exposition « Et pourtant, elle tourne »). ©RaMell Ross / MACK

Dans Et pourtant, elle tourne sont réunis plusieurs photographes qui partagent leur vision de ce qu’est la vie aux États-Unis au XXIe siècle. Les regards se confrontent et entament un singulier dialogue qui cristallise la complexité de l’existence. Le style post-documentaire, communs aux neuf artistes exposés, montre plus qu’il ne raconte une multitude de réalités, tantôt banales, tantôt hors du commun. Loin de s’embarrasser d’opinions quelconques ou de narrations réductrices, tous participent ainsi à asseoir une liberté parfois déroutante, mais qui aspire vers une authenticité de l’être.

Et pourtant, elle tourne, au musée départemental Arles antique. Jusqu’au 28/08/2022.

En son temps, Romain Urhausen

Sans titre, années 1950.©Romain Urhausen / AUTAAH, collection du Centre national de l’audiovisuel.

Méconnu en France, Romain Urhausen a pourtant eu une carrière des plus prolifiques. Son écriture photographique, résolument tournée vers l’expérimentation, se démarque par une oscillation singulière entre l’école française humaniste et l’école allemande subjective des années 1950 et 1960. L’artiste luxembourgeois se plaisait ainsi à étudier la structure de ses compositions avec humour et délicatesse pour mieux dépasser les représentations plus classiques du quotidien de son temps. Ses cadrages inattendus et contrastes appuyés se distinguent des œuvres de ses pairs, également exposés, çà et là, aux murs de l’Espace Van Gogh afin d’engendrer de nouvelles « affinités électives ».

En son temps, de Romain Urhausen, à l’Espace Van Gogh. Jusqu’au 25/09/2022.

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Lee Miller, photographe professionnelle (1932-1945), de Lee Miller

Femmes accusées d’avoir collaboré avec les nazis, Rennes, France, 1944.©Lee Miller Archives, Angleterre, 2022.

Tour à tour mannequin, icône du surréalisme, photographe de mode et correspondante de guerre, Lee Miller a eu une existence bien remplie. Son grand-œuvre, auréolé de succès, est néanmoins resté dans l’ombre jusqu’à sa redécouverte dans les années 1990. L’exposition éponyme revient sur la carrière prolifique d’une artiste dont l’histoire a préféré se souvenir comme l’une des muses de Man Ray. Travaillant pour de prestigieux magazines tels que Vogue et Vanity Fair, elle a œuvré pour la liberté en bien des aspects. Derrière son objectif, les femmes s’affranchissaient des carcans d’alors. Photoreporter accréditée auprès de l’armée américaine, elle fut également l’une des premières à documenter l’horreur des camps de Dachau et Buchenwald. 

Lee Miller, Photographe professionnelle (1932-1945), à l’Espace Van Gogh. Jusqu’au 25/09/2022.

En Inde. 1978-1989, de Mitch Epstein

Mitch Epstein, Ahmedabad, Gujarat, Inde, 1981. ©Black River Productions, Ltd./Galerie Thomas Zander/Mitch Epstein

Entre 1978 et 1989, Mitch Epstein s’est rendu en Inde à huit reprises. Là-bas, le photographe a constitué un corpus d’images d’une grande richesse. Lors de ses voyages, il aime à capturer un vaste ensemble de « sous-cultures » que ses liens familiaux lui permettent d’appréhender de l’intérieur, malgré une volonté s’apposer un regard extérieur sur ces sociétés et les traditions qui leur sont propres. Ce double point de vue livre finalement un témoignage aussi complexe que ne l’est ce pays où les codes de castes, les classes et les religions se heurtent encore avec fracas à la politique contemporaine.

En Inde. 1978-1989, de Mitch Epstein, à l’Abbaye de Montmajour. Jusqu’au 25/09/2022.

Le Voile interposé

Série « Magnifique agonie », 2021.©Joan Fontcuberta et Pilar Rosado

Initié par FisheyeLe Voile interposé explore les potentiels de l’image immersive. Des œuvres inédites – signées entre autres par le collectif Obvious ou le duo Pussykrew – mettent au défi notre capacité à distinguer la frontière entre le réel et le virtuel, et interrogent le devenir des technologies utilisant les intelligences artificielles et le deep learning. À titre d’exemple, Joan Fontcuberta et Pilar Rosado, également accrochés, se sont inspirés des deepfakes pour déformer les traits de politiciens accusés d’agressions sexuelles. En plein discours, leurs visages prennent alors des airs de jouissance inopportune. Leur projet se prolonge d’ailleurs avec l’expérience qu’ils proposent à la Croisière. Dans une série intitulée Déjà-Vu, le regard humain est cette fois-ci remplacé par des algorithmes qui utilisent des motifs récurrents pour générer de nouvelles œuvres.

Le Voile interposé, au Couvent Saint-Césaire. Jusqu’au 21/08/2022.

Bettina, poème du renouvellement permanent, de Bettina Grossman

Série « Photographies / Formes murales, collage », vers 1978. ©Bettina Grossman

Les Rencontres d’Arles présentent la première exposition monographique consacrée à Bettina Grossman. L’artiste américaine a passé sa vie entre l’Europe et les États-Unis, son pays natal. À la suite d’un incendie, elle perd l’essentiel de son œuvre et essaye, tant bien que mal, de se reconstruire dans le mythique Chelsea Hotel. Recluse, le hasard des jours lui fait croiser le chemin d’Yto Barrada. Les deux femmes nouent une relation très forte qui les inspirera mutuellement. Photographies, vidéos, peintures, sculptures, designs textiles… Les créations de Bettina Grossman déclinent les formes géométriques dans un système autoréférentiel à la dimension presque chamanique.

Bettina, poème du renouvellement permanent, de Bettina Grossman, à la salle Henri-Comte. Jusqu’au 28/08/2022.

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Article rédigé par
Apolline Coëffet
Apolline Coëffet
Journaliste
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