
Dix expositions partout en France marquent notre printemps. L’occasion de revisiter ses classiques et de découvrir les nouveaux noms de la photographie.
Des grands noms de la photo contemporaine jusqu’aux talents émergents, en passant par certains thèmes philosophiques et artistiques plus actuels que jamais, les expositions photographiques du printemps élargissent nos représentations et enrichissent notre culture visuelle et nous replongent dans l’histoire grâce au regard affûté des témoins qui l’ont vécue. Parmi les rendez-vous à ne pas rater, Raymond Depardon à Montpellier et à l’IMA, William Klein à Lyon, et une exposition inédite sur les femmes reporters de guerre à Paris.
1 La douceur radicale de William Klein
Pour fêter ses 40 ans d’existence, la galerie Le Réverbère met son photographe phare William Klein et son atelier à l’honneur jusqu’au 30 juillet. La galerie de Catherine Dérioz s’occupe en effet depuis 1991 du photographe, l’un des pilastres de la photographie contemporaine. L’exposition met en lumière une centaine de photographies, parmi lesquelles huit contacts peints, des noirs et blancs de tous ses grands sujets – dont un tiers d’inédits –, mûrement choisis avec son tireur et son assistante dans son atelier. Le parcours nous présente un William Klein au regard tendre, en connivence avec ses modèles qui, dans cette série, sont majoritairement des enfants jouant dans la rue. Une forme de joie retrouvée s’exprime tout au long de cette rétrospective, préférant montrer ce qu’il y a de plus doux dans l’œuvre du photographe, qui décortique habituellement le monde au vitriol, plutôt âpre dans son langage. KLEIN + L’ATELIER donne à voir une forme d’engagement par la douceur radicale.

KLEIN + L’ATELIER. Du 12 mars au 30 juillet à la Galerie Le Réverbère, Lyon.
2 Harry Gruyaert explore la culture des bars belges
Harry Gruyaert met la culture du café et de la bière belge à l’honneur dans le livre Café Belgica, présenté en même temps que la série photographique à la librairie Artazart jusqu’au 10 avril. Membre de l’agence Magnum depuis 1981, Gruyaert est sans doute l’un des photographes coloristes contemporains les plus novateurs et réputés. Dans cette série chaleureuse, il rend hommage à son pays natal en mettant les réflecteurs sur la culture du bar belge : alors qu’il y a 50 ans on en comptait plus de 50 000, aujourd’hui il n’en reste que 10 000. Pourtant, la bière belge est un vrai enjeu culturel, reconnue comme patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco. Entre néons verts, tissus multicolores, décorations kitsch, rires et moments de convivialité, le photographe nous plonge dans un monde quotidien joyeux et insouciant. Un bon remède contre la dépression de la distanciation sociale en période de pandémie…

Harry Gruyaert – Café Belgica. Du 10 février au 10 avril à la galerie et librairie Artazart, Paris.
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3 Raymond Depardon dans l’arrière-pays montpelliérain
Dans Communes, Raymond Depardon continue l’exploration de la France des arrière-pays en se penchant sur les territoires du Larzac, de l’Auvergne, de l’Ardèche, de la Drôme et de l’Héraut, caractérisés par des ressources naturelles et touristiques très riches. Alors qu’une multinationale américaine avait conclu un accord avec le gouvernement français pour exploiter le gaz de schiste présent dans la région il y a plusieurs années, une lutte farouche s’est organisée du côté des habitants pour empêcher le pillage écologique.
L’affaire, ayant eu lieu pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, a profondément traumatisé les habitants, bien que l’abrogation du permis ait été validée en 2015. Le photographe explore ces villages avec une grande empathie en traduisant l’amour des villageois pour leur région. Son écriture photographique est contemplative, bien loin de l’agitation citadine qui a caractérisé la trajectoire du photographe à ses débuts. Dans la série, la présence humaine s’efface en laissant de vagues traces de son passage, comme pour témoigner de la désertification qui aurait suivi la trahison du gouvernement. Une démarche qui rappelle celle du livre sorti en 2020, Rural, retraçant une France souvent mise de côté au profit des grandes villes.

Communes, Raymon Depardon
Du 16 février au 24 avril, au Pavillon populaire, Montpellier
Retrouvez le livre Rural de Raymond Depardon par ici.
4 Les relations amoureuses par le prisme de la photographie
L’exposition collective Love Songs offre un nouveau regard sur l’histoire de la photographie à travers le prisme des relations amoureuses. Réunissant 14 séries réalisées par les plus grands photographes des XXe et XXIe siècles, l’exposition rassemble des chefs-d’œuvre de la collection de la MEP et des prêts d’artistes contemporains majeurs, dont certains sont présentés pour la première fois en Europe. Au sein de ce parcours photographique se saisissant de la question de la réinvention de l’amour, on retrouve les travaux de Nobuyoshi Araki et Nan Goldin.
Le parcours est organisé comme une playlist que l’on offrirait à son être cher. Une idée inspirée de la série de Goldin, Ballad of Sexual Dependency (1986). D’autres artistes dialoguent harmonieusement avec Araki et Goldin – René Groebli, Emmet Gowin, Larry Clark, Sally Mann, Leigh Ledare, Hervé Guibert ou Alix Cléo Roubaud – et d’artistes contemporains comme JH Engström & Margot Wallard, RongRong&inri, Lin Zhipeng (aka No 223), Hideka Tonomura ou Collier Schorr. L’exposition est traversée par l’approche délicate et crue de Nan Goldin, grande connaisseuse de l’intime photographique : « Pour moi, la photographie est le contraire du détachement. C’est une façon de toucher l’autre : c’est une caresse », disait-elle.

Love songs: photographies de l’intime. Du 30 mars au 28 août à la Maison européenne de la photographie, Paris.
5 Huit femmes reporters de guerre iconiques à l’honneur
L’exposition, déjà présentée en Allemagne et en Suisse, présente 80 photographies de femmes reporters de guerre. Des années 1930 et 1940 aux conflits les plus récents, ces photographes ont défié les stéréotypes de genre et contribué à forger notre représentation de ces conflits. Lee Miller (1907-1977), Gerda Taro (1910-1937), Catherine Leroy (1944-2006), Christine Spengler (1945), Françoise Demulder (1947-2008), Susan Meiselas (1948), Carolyn Cole (1961) et Anja Niedringhaus (1965-2014) nous mettent face à l’universalité du drame de la guerre, à sa violence inouïe, abordée par des regards trop souvent invisibilisés par l’histoire. À l’aide d’une centaine de documents, plus de 80 photographies, une douzaine de journaux et de magazines originaux, l’exposition met en évidence l’implication des femmes dans tous les conflits, qu’elles soient combattantes, victimes ou témoins.

Femmes photographes de guerre. Du 8 mars au 31 décembre au musée de la Libération/musée du Général Leclerc/musée Jean Moulin (Paris Musées), Paris.
6 Raymond Depardon et Kamel Daoud racontent l’Algérie
En 1961, Raymond Depardon réalise plusieurs reportages photographiques à Alger, puis à Évian, lors des premières négociations pour mettre fin à la guerre d’Algérie. Alors que les célébrations mémorielles ravivent les blessures du passé et confrontent la France à son histoire douloureuse, Depardon veut publier ce corpus avec une perspective algérienne. Il se rapproche alors de Kamel Daoud et leur projet commun voit le jour. Installé dans deux espaces de l’Institut du Monde arabe (niveaux -1 et -2), le parcours présente 80 photographies de Raymond Depardon et cinq textes inédits de Kamel Daoud. Les regards se croisent, l’un issu des années 1960 et l’autre plus actuel que jamais. C’est la rencontre fructueuse entre un cinéaste et photographe français avec un journaliste et écrivain algérien né après l’indépendance. Les textes et les photographies sont encadrés à l’identique pour en souligner l’égale importance. Les premiers sont des points d’accroche pour comprendre les images, des ponts entre 1961 et 2019, l’année d’une nouvelle série de luttes menées par une autre jeunesse qui souhaite désormais projeter son pays dans l’avenir.

Raymond Depardon et Kamel Daoud. Son œil dans ma main. Algérie 1961-2019. Du 8 février au 17 juillet à l’Institut du Monde arabe, Paris.
Retrouvez le livre de Raymond Depardon et Kamel Daoud, Son œil dans ma main. Algérie 1961-2019. par ici.
7 Le cri du cœur de Steve McCurry pour défendre la nature en danger
L’exposition Le Monde de Steve McCurry est constituée de plus de 150 photos imprimées en grand format, présentées pour la première fois à Paris. Conçue par Biba Giacchetti, elle suit le photographe autour du monde – de l’Afghanistan à l’Inde, de l’Asie du Sud-Est à l’Afrique, de Cuba aux États-Unis, en passant par le Brésil et l’Italie – et dévoile un vaste répertoire d’images qui mettent chacune l’humain au centre, même lorsqu’il n’est qu’évoqué. Toujours curieux, se laissant transporter par son intuition, McCurry n’est pas un planificateur : pour lui, le plus important n’est pas le point d’arrivée, mais le voyage, le parcours au cours duquel on fait des rencontres et l’œil du photographe s’aiguise. À travers ses portraits d’humains et d’animaux ou ses paysages bouleversants, McCurry nous livre une leçon de sagesse et d’amour nous exhortant par le sentiment et le langage universel du vivant à respecter notre planète.

Le monde de Steve McCurry. Du 9 décembre 2021 au 29 mai 2022 au musée Maillol, Paris.
Pour en savoir plus sur Steve McCurry, un livre collector est disponible ici.
8 L’itinérance photographique de Mathieu Pernot en zones de guerre
Lauréat du Prix HCB 2019, Mathieu Pernot présente à la Fondation HCB La Ruine de sa demeure, une itinérance photographique morcelée entre le Liban, la Syrie et l’Irak. Le point de départ du voyage est l’album de son grand-père, qui a parcouru ces mêmes régions en 1926. La série devient alors une errance de Beyrouth à Mossoul, entre les ruines des civilisations millénaires du Moyen-Orient et celles des tragédies de l’histoire récente. Pernot produit une juxtaposition des récits prolifique, poétique, croisant les expériences collectives de l’histoire et celles de sa propre famille.

Mathieu Pernot. La Ruine de sa demeure. Du 8 mars au 19 juin à la Fondation Henri Cartier-Bresson, Paris
9 La première rétrospective française consacrée à Graciela Iturbide
Heliotropo 37 est la première grande rétrospective consacrée à la grande photographe mexicaine Graciela Iturbide. Lauréate du célèbre prix Hasselblad en 2008 – récompense parmi les plus prestigieuses du monde de la photo –, Graciela Iturbide est une figure majeure de la photographie latino-américaine. Entre documentaire et poésie, ses images sont toujours marquées par une certaine spiritualité. Des Indiens Seris du désert de Sonora aux femmes de Juchitan, en passant par les traditions ancestrales, la photographe rend hommage dans toute son œuvre aux racines des communautés mexicaines. Une exposition-portrait qui entend rendre hommage à l’artiste et à son univers en nous emmenant jusqu’à son atelier au 37 calle Heliotropo, à Mexico, l’un des chefs-d’œuvre architecturaux de Mauricio Rocha, qui conçoit également la scénographie de l’exposition.

Graciela Iturbide, Heliotropo 37 . Du 12 février au 29 mai à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris.
10 Thibaut Cuisset parcourt les paysages de la Loire
Thibaut Cuisset est mis à l’honneur au Jeu de paume de Tours avec une exposition en forme d’éloge aux paysages ligériens du quotidien, que nous ne prenons plus le temps de contempler et dont nous la beauté peut nous échapper. Le photographe regarde les campagnes françaises sans patriotisme nostalgique, mais avec un amour sincère pour cette ruralité trop souvent effacée au profit des grandes villes. « Regarder ces lieux laissés de côté, qui n’ont rien de spectaculaire, mais qui fondent nos campagnes. En avoir un regard “d’ici et maintenant” sans patriotisme, sans nostalgie non plus ou, s’il y en a une, ce serait alors dans la chose elle-même », explique Thibaut Cuisset. L’approche du photographe se distingue par la régularité de son procédé et révèle les différents états de ce paysage, témoignant de sa variété et de ses variations. Contempler le territoire à travers ses photos incite à considérer avec le même intérêt les rives du fleuve et leurs aménagements, la campagne et ses « paysages intermédiaires », les terres marquées par les cultures ou encore les paysages urbains apparaissant près du fleuve, comme à Tours ou à Saint-Nazaire.

Thibaut Cuisset – Loire. Du 26 novembre au 22 mai au Jeu de paume/Château de Tours.
11 Notre-Dame d’hier et d’aujourd’hui
La galerie Fisheye, qui se plaît depuis plusieurs années déjà à défricher de jeunes talents et à représenter des artistes photographes aux écritures diverses, propose une balade entre deux époques où des images de Notre-Dame en flammes, ayant fait le tour de la presse mondiale, côtoient des archives visuelles de la cathédrale des années 1930 : un dialogue entre témoignage historique et vision contemporaine. L’idée de cette exposition qui réunit plusieurs photographes est née de la découverte d’une série de plaques de verre datant du début du XXe siècle montrant l’édifice sous ses différentes perspectives. Avec la participation de Ed Alcock, Boby, Yann Castanier, Alain Keler, Stéphane Lagoutte, Thibault Lévêque et Geoffroy Van der Hasselt.
Du 20 avril au 7 mai à la Fisheye Gallery, 2, rue de l’Hôpital Saint-Louis, Paris 10.