En résumé
À l’instar d’un certain Breath of the Wild, c’est bien la somme des détails contenus dans l’univers de Red Dead Redemption II qui fascine de par l’infinité de surprises et de déconvenues qu’elle engendre au hasard des expérimentations propres à chacun de nous. En cela, la cap franchi permet au jeu le plus attendu de l’année de remporter haut la main son pari en se montrant à la hauteur des espoirs pourtant déraisonnables que tout le monde plaçait en lui.
Note technique
Les plus et les moins
- Un Far West authentique, immersif et brillant
- Le sentiment véritable d'appartenir à une bande de hors-la-loi
- Des mécaniques à double-tranchant qui responsabilisent le joueur
- La recréation maladive de la faune avec un traitement poussé du rapport aux montures
- Le soin apporté à la narration et son importance pour le background de la série
- Le recours possible à la vue subjective, pertinent dans les intérieurs
- Les rouages inhabituels, mais logiques du développement du camp
- Une épopée qui dépasse allègrement la cinquantaine d'heures de jeu
- Des défis annexes pouvant justifier le retour dans les différentes missions
- Une rigidité qui nécessite d'être apprivoisée et risque d'en refroidir certains
- Des missions qui ont du mal à se renouveler et à s'affranchir du script
- Le « voyage rapide » à sens unique
- Devoir encore patienter pour accéder à Red Dead Online
Notre test détaillé
Omniprésent dans les esprits comme s’il incarnait d’office la proie ultime des chasseurs de primes que nous sommes, nous les joueurs, Red Dead Redemption II est-il digne de la réputation qu’il s’est forgée durant ces derniers mois ?
À sa sortie en 2010, l’impact de Red Dead Redemption sur PS3 et Xbox 360 fut tel que nul n’aurait imaginé devoir patienter huit longues années avant que Rockstar n’en livre un prolongement, même si son scénario s’avère chronologiquement antérieur à celui de son prédécesseur. Pour résumer le caractère événementiel de son lancement, on peut dire que Red Dead Redemption II concentre à ce point les attentes des joueurs et de la presse qu’on ne saurait l’imaginer autrement que comme un tournant du jeu vidéo. Pourtant, s’il est vrai qu’en faisant fi de toute cette folie qui entoure sa sortie, le soft a incontestablement de quoi revendiquer son statut d’incontournable sur la scène des titres en open world, il n’en révolutionne pas pour autant sa catégorie. D’ailleurs, aussi bouleversant puisse-t-il sembler aux yeux de ceux qui sont déjà acquis à sa cause, il comporte également une part d’ombre assumée qui explique pourquoi les retours ne sont finalement pas si unanimes à son sujet.
La dissolution de la communauté
En se positionnant une douzaine d’année avant les événements du précédent volet, Red Dead Redemption II laisse la porte ouverte aux retardataires qui pourront, sans complexe, suivre l’histoire d’Arthur Morgan au sein de la bande de Dutch Van der Linde avant que John Marston ne se retourne contre ses anciens associés. Ce qui légitimait les actes de Marston n’a plus lieu d’être dans ce nouvel opus centré sur le personnage d’Arthur Morgan, mais cela ne fait pas de ce dernier un anti-héros pour autant. Car en vivant aux côtés de la bande de Dutch durant cette période charnière de l’histoire du clan, le joueur apprend à connaître les motivations de chacun. Et si la manière d’agir bascule volontiers dans la spirale de la violence – un masque sur le nez pour éviter de devenir immédiatement la cible des autorités –, on s’attache malgré soi à cette forme de loyauté qui semble suffire à souder le groupe.
Parce qu’il n’est pas juste un cinglé à la gâchette facile, Arthur Morgan se place donc à la fois comme acteur et comme témoin des rouages narratifs qui se mettent en place pour conduire à l’éclatement inexorable du clan. Renégats idéalistes refusant d’être les grands perdants de la nouvelle ère qui s’annonce, ces hors-la-loi ne sont certes pas des enfants de chœur, mais ils suivent leur propre code de l’honneur. À vous d’orienter ensuite la balance d’un côté ou de l’autre selon votre manière d’appréhender les choses et de contribuer à la pérennité du camp en partageant vos profits avec votre petite communauté. Une approche pour le moins inhabituelle, mais qui s’incorpore de manière finalement assez logique dans le fonctionnement du jeu.
Pile ou face
Forcément, l’obligation de mener à bien des missions de nature criminelle n’aide pas vraiment à rester dans le droit chemin, mais qu’importe. Braquages de banques, chevauchées héroïques, attaques de trains ou de diligences, règlements de comptes sordides ou discrets, le degré de barbarie nous appartient généralement, même si les objectifs ont globalement du mal à s’affranchir du script. S’appuyant sur un art de la mise en scène digne de respect, Red Dead Redemption II s’attache surtout à faire ressortir toutes les facettes de l’Ouest américain : sa laideur, sa beauté, mais aussi ses distractions bien dans le ton de l’époque. Toujours généreux lorsqu’il s’agit de s’écarter du chemin balisé par la trame principale, le titre n’oublie de cocher aucune des cases attendues par les joueurs, quitte pour cela à rester finalement très conventionnel. Comportant des objectifs annexes qui conditionnent l’obtention d’une médaille plus ou moins glorieuse, toutes les missions peuvent être rejouées à volonté, démultipliant d’autant une durée de vie déjà largement supérieure à la cinquantaine d’heures de jeu. Le tout sans compter la proposition à venir par le biais de Red Dead Online, seule la campagne solo étant accessible pour le moment.
Into the West
Red Dead Redemption II impressionne cependant davantage dans sa volonté maladive de faire revivre une réalité disparue à travers des paysages d’un autre temps, une civilisation de plus en plus invasive et une faune qui aspire seulement à dénicher un coin de verdure pour subsister. Criante de vérité, cette faune tragique n’est clairement pas là uniquement dans le but de crédibiliser l’univers du jeu, la chasse faisant partie intégrante des rouages ludiques. De la même façon, le traitement poussé du lien avec les équidés rejoint intimement celui de Zelda: Breath of the Wild dans sa volonté de pousser la réflexion au-delà de la zone de confort du jeu vidéo. Dès lors, on ne s’étonne pas d’y retrouver les mêmes préoccupations relatives à la survie, notamment dans la gestion des tenues pour s’adapter au climat ou dans l’influence des aliments cuisinés sur le potentiel du personnage. Garder un œil sur l’état de santé de notre cow-boy et sur son équipement enrichit alors l’expérience de jeu sans pour autant représenter une contrainte qui risquerait d’empêcher les plus distraits de survivre en enchaînant les défis sans se préoccuper de tels besoins. Crédible sans être ouvertement accessible, logique, mais jamais trop intuitive, l’approche de Red Dead Redemption II se borne à frapper là où on ne l’attend pas.
Un aller sans retour
C’est la raison pour laquelle le titre nous pousse constamment à l’expérimentation sans jamais franchement nous dévoiler l’arrière de son décor, à l’image de cette opacité qui relie l’influence de nos actions à l’évolution des statistiques du héros. Cette part de mystère dans les rouages du jeu lui confère un aspect unique dans la manière d’appréhender ses systèmes, et cela passe d’abord par l’apprivoisement d’un maniement étonnamment rigide. Même en recourant à la vue subjective dans les intérieurs, la lourdeur de la prise en main a de quoi rebuter même les plus patients, mais elle est assumée au même titre que ces longues chevauchées imposées. Tardif et à débloquer, le « voyage rapide » pourra ainsi constituer une alternative viable aux trajets payants en train ou en diligence, mais il ne s’effectuera que dans un sens, comme un aller simple à l’autre bout de la map…
La remise en question
Tout semble avoir été à ce point millimétré dans Red Dead Redemption II que l’on ne peut douter du fait que Rockstar a choisi à dessein de nous mettre des bâtons dans les roues. C’est dans cette optique que le titre mise sur un apprentissage par l’erreur qui multiplie les déconvenues tant que l’on n’a pas encore parfaitement assimilé chacune de ses exigences, sa formule nous poussant à une remise en question permanente. Bien vite, on ne s’éloigne plus de son cheval sans prendre d’abord la précaution de vider les sacoches de la selle d’un arsenal approprié. De même, on prend garde à ne plus s’écraser lamentablement au bas d’une pente en s’élançant au triple galop durant une cavalcade effrénée… Tout en gardant à l’esprit qu’il faudra assumer les conséquences de nos actes pour réduire les risques d’être traqué mort ou vif à travers toute l’étendue du pays. Plus encore que pour son souci d’authenticité maladif et sa mise en scène maîtrisée, Red Dead Redemption II semble vouloir que l’on se souvienne de lui dans sa manière de nous prendre au sérieux. Une orientation qui, selon les cas, pourra donner envie de lui braquer un revolver sur la tempe ou de s’incliner devant son génie.
Conclusion
À l’instar d’un certain Breath of the Wild, c’est bien la somme des détails contenus dans l’univers de Red Dead Redemption II qui fascine de par l’infinité de surprises et de déconvenues qu’elle engendre au hasard des expérimentations propres à chacun de nous. En cela, la cap franchi permet au jeu le plus attendu de l’année de remporter haut la main son pari en se montrant à la hauteur des espoirs pourtant déraisonnables que tout le monde plaçait en lui.