Test

Test de The Council – Episode 1 : La « french touch » réhabilitée

23 mars 2018
Par Valérie Précigout (Romendil)
Test de The Council – Episode 1 : La « french touch » réhabilitée

En résumé

Un premier épisode très encourageant pour The Council, ce huis clos narratif à la française qui se démarque intelligemment des productions Telltale. Jamais nébuleux dans ses mécaniques de choix, le titre incorpore juste ce qu’il faut de jeu de rôle pour contourner le piège des dialogues passifs tout en nous incitant à explorer chacune de ses ramifications narratives. Vivement la suite !

Note technique

Les plus et les moins

Les plus
  • Joliment écrit et servi par une galerie de figures captivantes
  • Une véritable emprise sur les dialogues avec des choix aux conséquences logiques
  • L'incorporation astucieuse des éléments de roleplay
  • La fouille des environnements « à l'ancienne », vraiment utile pour avancer
  • La qualité du doublage et l'efficacité de l'ambiance sonore
  • L'obligation d'assumer ses choix jusqu'au bout, quelles qu'en soient les répercussions
  • Les ramifications alternatives possibles qui poussent à tester de nouvelles approches
Les moins
  • Une durée de vie de 3-4 heures environ comportant quelques passages à vide
  • On aurait souhaité davantage d'énigmes à résoudre, telles que l'énigme de la méduse
  • Les déplacements et la caméra qui alourdissent un peu les phases d'enquête
  • Une exploration souvent bridée, qui laisse trop peu de marge de manœuvre

Notre test détaillé

Remis à l’honneur par l’entremise du studio Telltale, le jeu d’aventure épisodique accuse pourtant depuis quelque temps une sérieuse baisse d’attractivité qui résulte d’un manque de renouvellement profond dans ses mécaniques d’écriture. Résolu à faire bouger les choses, le « grand méchant loup » bordelais (le studio Big Bad Wolf) pourrait bien redonner au genre ses lettres de noblesse avec The Council.
(Ce test a été réalisé sur PlayStation 4.)

Si, en apparence, la démarche du studio Big Bad Wolf donne l’impression d’évoluer dans l’ombre des œuvres de Telltale (The Walking Dead, Wolf Among Us, Batman: The Ennemy Within), quelques instants suffisent pour réaliser que The Council s’en démarque à tous les niveaux. Que ce soit dans sa construction, dans son ambition narrative ou dans sa mécanique de choix, ce premier épisode d’une série de cinq annonce clairement la couleur : le jeu d’aventure évolue et se réinvente. Il était temps !

The Council_20180317125737

Huis clos historique

Invité dans le riche domaine d’un certain Lord Mortimer, sur une petite île isolée au large de l’Angleterre, Louis de Richet ignore qu’il est sur le point de pénétrer les dessous d’un gigantesque complot. Nous sommes en 1793, quelque part sur une branche alternative de l’Histoire de notre monde, dans un contexte fictif où les plus grandes figures du XVIIIe siècle vont se trouver réunies à l’occasion d’une réception privée. Membre d’une société secrète, notre protagoniste est, quant à lui, fermement résolu à retrouver la trace de sa mère disparue, là où des figures encore méconnues s’apprêtent à marquer l’Histoire.

The Council_20180317141739

Mixant sans complexe les destins de Napoléon Bonaparte et de George Washington à celui de personnages totalement imaginaires aux faciès dérangeants et aux caractères torturés, The Council emprunte également à la littérature fantastique une influence manifeste. Car si tous ses protagonistes ne sont pas aussi aliénés que ceux rencontrés dans les écrits de Lovecraft, le titre n’en dégage pas moins une aura de folie qui nous happe à mesure que l’on démêle les ficelles des intrigues de chacun. Certes, ce premier épisode ajoute davantage de mystères qu’il n’en élucide réellement, mais les enjeux n’en deviennent que plus troublants, la maturité de la réalisation du titre attestant du sérieux de ce huis clos narratif unique en son genre.

The Council_20180317141917

L’âme d’un détective

Sans dépasser les 3-4 heures de jeu attendues de la part d’un titre proposé au format épisodique, The Council réussit pourtant à nous convaincre d’emblée de la sincérité de ses ambitions. Tout dans sa conception témoigne en effet de la volonté de redynamiser le genre en s’inspirant de ce que la catégorie a su proposer de mieux au fil de son évolution. Ainsi, loin de se limiter à ses discussions à embranchements multiples, le jeu accorde une place essentielle aux phases de recherche et d’enquête durant lesquelles Louis de Richet profite de ses rares moments de liberté pour poursuivre ses investigations.

The Council_20180317144823

Occasionnellement, il lui faudra même tenter d’élucider des énigmes en se basant sur les indices disséminés autour de lui, au point de nous faire regretter que l’épisode n’en incorpore pas davantage. Dans un autre registre, on déplorera aussi le manque de liberté offerte durant les enquêtes, ainsi que les lacunes de la caméra et la rigidité des déplacements. Mais au-delà des rencontres potentielles et des situations autorisées par nos recherches approfondies, ces phases d’exploration ont surtout pour but de nous pousser à fouiller les environnements à la recherche d’objets cachés qui faciliteront considérablement nos joutes verbales.

The Council_20180317150637

Dilemmes et choix

Tout le système de discussion est en effet architecturé autour de nos talents d’orateur et de notre capacité à tenir tête à des interlocuteurs qui ont tous quelque chose à cacher ou à se reprocher. Ainsi, à moins de développer scrupuleusement chacun de ses domaines de compétence, notre personnage n’a que peu de chances de parvenir à ses fins. Mettre la main sur des babioles permettant justement d’optimiser les chances de faire aboutir nos actions, qu’elles soient physiques (comme forcer une serrure) ou verbales (manipulation psychologique), compense ainsi la dimension aléatoire que comportent nos choix.

The Council_20180317151010

Confronté à un nombre déraisonnable de compétences en tous genres liées aux domaines de l’occulte, de la diplomatie ou de l’érudition, pour n’en citer qu’un maigre échantillon, le joueur est obligé de construire son avatar en se privant d’aptitudes qui auraient pourtant chacune leur utilité. Le dilemme que constitue alors le recours aux objets assure la viabilité des dialogues. Une connaissance basique d’une capacité rend possible son utilisation, moyennant un certain nombre de « points d’effort ». Bien sûr, découvrir le profil psychologique d’une personne est clairement le meilleur moyen de révéler ses vulnérabilités et d’orienter les échanges de la manière la plus appropriée.

The Council_20180317151620

No retry

Directement héritée des jeux de rôle, l’arborescence de développement de Louis de Richet trouve ainsi sa place dans la construction logique du jeu, les discussions pouvant aboutir de plusieurs manières différentes selon l’approche choisie, afin de résoudre au mieux les confrontations. Bien plus intuitifs que dans Life is Strange, ces duels verbaux ont le mérite de rester parfaitement limpides pour le joueur qui peut véritablement anticiper les conséquences de ses choix. Même si le temps nous est toujours compté pour prendre nos décisions, ces dernières s’enchaînent conformément au bon sens. Soutenir une personne nous ferme logiquement la porte aux faveurs d’une autre, ou à la possibilité d’approfondir des relations tierces.

The Council_20180317151812

Dans The Council, le joueur doit accepter l’idée qu’il ne pourra ni tout voir ni tout expérimenter, avec l’obligation d’assumer jusqu’au bout les conséquences de ses choix. Le game over n’existe pas, mais Louis de Richet conservera jusqu’à la fin, à travers son intégrité physique et mentale, la marque des décisions que nous aurons prises, comme témoignage unique des aléas de notre aventure.

Conclusion

Un premier épisode très encourageant pour The Council, ce huis clos narratif à la française qui se démarque intelligemment des productions Telltale. Jamais nébuleux dans ses mécaniques de choix, le titre incorpore juste ce qu’il faut de jeu de rôle pour contourner le piège des dialogues passifs tout en nous incitant à explorer chacune de ses ramifications narratives. Vivement la suite !

Article rédigé par
Pour aller plus loin