En résumé
Décevant sur de trop nombreux points, Fear Effect Sedna a seulement le mérite de déterrer une franchise injustement vouée à sombrer dans l’oubli. La remise à plat du système de jeu ne fera clairement pas l’unanimité, surtout auprès des amoureux des volets originaux, d’autant que le titre ne parvient jamais à se montrer suffisamment captivant pour nous donner envie de surmonter ses lacunes afin d’en connaître le dénouement.
Note technique
Les plus et les moins
- La démarche visant à redonner une chance à la franchise Fear Effect
- Le respect de l'esprit de la série et des personnages
- La remise à plat du système de jeu à travers des mécaniques exigeantes
- Merci pour la profusion de checkpoints et de médikits !
- Un produit fini largement en deçà des ambitions initiales
- La réalisation minimaliste alliée au manque de lisibilité critique
- Des gunfights trop brouillons et punitifs
- Une pause active souvent prise en défaut
- La lenteur des déplacements, pénible face aux boss
- Le caractère capillotracté de certaines énigmes/situations
- Assez court si l'on met de côté les innombrables « retry »
- Un système de peur sur lequel on n'a aucune emprise réelle
Notre test détaillé
À l’idée de revoir un vieil ami disparu depuis 17 ans, c’est logiquement la hâte et l’euphorie qui sont censées s’emparer de nous, avec peut-être un brin d’anxiété dû à la peur de ne pas retrouver exactement celui que l’on avait laissé. Dans le cas de Fear Effect Sedna, cette crainte apparaît comme toute légitime.
(Ce test a été réalisé sur PlayStation 4.)
Situé dans le prolongement narratif des deux premiers volets, le scénario de Fear Effect Sedna s’efforce de conserver cet amalgame singulier entre cyberpunk, sociétés secrètes et mysticisme, au travers, cette fois, d’un épais mystère entourant la civilisation inuit. Proposant une diversité de lieux plutôt appréciable, le titre fait même un saut à Paris dans le but de présenter Axel Chevalier, une toute nouvelle recrue venue épauler Hana, Rain, Deke et Glas dans leur quête de vérité. Reconnaissons cependant qu’il faut faire preuve d’une bonne dose d’imagination pour ne pas bloquer d’emblée sur le caractère minimaliste de la réalisation du titre qui nous inciterait presque à avancer notre prochain rendez-vous chez l’ophtalmo. Quant aux multiples cut-scenes doublées en anglais, si elles contribuent bel et bien à maintenir un lien constant entre le jeu et la narration dite « cinématographique », elles n’ont clairement pas la même saveur ni le même impact émotionnel que celles du premier Fear Effect ou de sa suite.
La malédiction du pharaon
Si l’on n’exhume pas n’importe quelle licence sans prise de risque, c’est pourtant dans une volonté de dépoussiérage salvateur que le studio français Sushee a proposé à Square Enix de redonner sa chance à la franchise Fear Effect. Il faut dire que, même si la série ne compte, en dehors de ce spin-off, que deux épisodes en tout et pour tout, le troisième ayant été tragiquement avorté, elle a indéniablement marqué les esprits au début des années 2000 en offrant une alternative audacieuse aux maîtres du survival horror qu’étaient alors Resident Evil et Silent Hill. La proposition de Fear Effect consistait surtout à projeter le joueur dans une sorte de film interactif au propos sans concession, en mettant l’entièreté de son gameplay au service d’une ambiance pesante et d’un scénario mature et audacieux. Empruntant autant au genre cyberpunk qu’à la mafia des Triades chinoises pour s’aventurer, en définitive, sur les terres du fantastique, la franchise était parvenue à se faire un nom respecté, et ce en dépit de lacunes évidentes sur le plan ludique.
Dans l’ombre du survival horror
On ne peut donc guère blâmer le studio en charge du projet d’avoir opté pour une franche remise à plat du système de jeu, afin de tenter de le moderniser via un surcroît de mécaniques de gameplay exigeantes à des fins plus tactiques. Exit donc l’approche typée survival horror à l’ancienne, et place à une toute nouvelle perspective en vue isométrique augurant d’un déroulement plus posé. Concrètement, si l’action se déroule bien en temps réel, il est possible, à n’importe quel moment, de recourir à une pause active afin d’attribuer des ordres précis aux différents membres de notre équipe. Intéressant sur le papier, mais loin d’être convaincant en pratique, ce système souffre hélas de trop nombreuses imperfections. D’abord parce que les décors sont largement masqués par une sorte de brouillard de guerre qui nous propulse en plein gunfight avant même que l’on ait pu débusquer nos ennemis et donc les neutraliser proprement via la pause active.
Ensuite parce que même avec cette dernière, les personnages s’emmêlent les pinceaux en donnant toujours priorité aux tirs au mépris de leur couverture, ce qui engendre des situations rocambolesques qui finissent trop souvent en carnage pur et simple. On rit jaune lorsque nos personnages se bornent à viser des ennemis situés de l’autre côté des murs alors qu’ils se font canarder à l’autre bout du couloir. Et, dans ces conditions, parvenir à garder en vie chaque membre de notre groupe relève de la gageure. Le plus triste est tout de même de constater que les choses se déroulent souvent bien mieux lorsqu’on met de côté la pause active pour revenir à des approches beaucoup plus directes…
Discerner l’invisible ou mourir
Dans tous les cas, on se retrouve dans l’obligation systématique de se bourrer de médikits, dont la profusion n’est évidemment pas anodine, pour compenser l’impossibilité de surmonter ces gunfights si mal calibrés. Pour le reste, s’il est recommandé d’abuser des capacités propres à chaque protagoniste (taser, carreaux d’arbalète, grenades, lance-flammes, leurres, balles rebondissantes…) pour limiter la casse, la plupart de ces gadgets ne méritent pas forcément qu’on leur sacrifie ce bon vieux flingue aux munitions illimitées. Surtout, le fait de devoir recommencer x fois les mêmes séquences jusqu’à déterminer ce qui fonctionne le moins mal devient rapidement usant. Le plus rageant est que la plupart des erreurs que l’on fait lorsqu’on découvre une nouvelle zone découlent du manque de lisibilité des décors en vue isométrique. Mieux vaut savoir à l’avance d’où proviennent les drones et autres cibles minuscules que l’on distingue à peine au milieu du tableau si l’on ne veut pas tomber x fois dans les mêmes pièges, faute de pouvoir discerner l’invisible.
Furtivité relative
Autant de « retry » à répétition qui cassent le rythme, sans oublier la frustration engendrée par le fait de ne pouvoir mener chaque action de manière propre en privilégiant les approches furtives. Les occasions de rester dans l’ombre sont en effet bien trop rares dans la mesure où les ennemis se baladent toujours par grappes et que le brouillard de guerre masque tout ce qui se trouve à plus de quelques mètres. Ajoutez à cela une lenteur de déplacement pénalisante face aux boss, des énigmes capillotractées et un système de peur sur lequel on n’a aucune emprise réelle, et il ne reste plus grand-chose de l’intention d’origine. Précisons aussi que, sur les 5 ou 6 heures que compte l’aventure, nous avons été victimes de plusieurs plantages sur la version PS4 du jeu, ce qui n’est jamais agréable.
Mais tâchons tout de même de terminer sur une note un peu plus positive. Si les trop nombreux écueils de ce spin-off ne placent pas vraiment la sortie de Fear Effect Reinvented sous les meilleurs auspices, on peut supposer que le lancement de Fear Effect Sedna donnera peut-être malgré tout envie aux nouveaux venus de partir à la découverte des deux premiers Fear Effect. Deux jeux qui, en dépit de leur jouabilité datée, comptent encore parmi les titres les plus marquants et insolites de la PlayStation.
Conclusion
Décevant sur de trop nombreux points, Fear Effect Sedna a seulement le mérite de déterrer une franchise injustement vouée à sombrer dans l’oubli. La remise à plat du système de jeu ne fera clairement pas l’unanimité, surtout auprès des amoureux des volets originaux, d’autant que le titre ne parvient jamais à se montrer suffisamment captivant pour nous donner envie de surmonter ses lacunes afin d’en connaître le dénouement.