De Bong Joon-ho à Paolo Sorrentino, de l’Inde à l’Italie, la sélection de juillet célèbre un cinéma pluriel. Entre sagas familiales, thrillers conceptuels et regards poétiques sur le monde, un mois riche en émotions fortes et en propositions audacieuses à (re)découvrir dans son salon.
Ce mois de juillet 2025 s’annonce comme une prolongation des plus grands festivals, avec une moisson de films qui ont marqué la Croisette et les esprits. Les maîtres confirmés dialoguent avec la nouvelle garde, le cinéma de genre se réinvente avec malice et le drame intimiste explore les failles de l’âme avec une rare délicatesse. Des montagnes italiennes aux mégalopoles indiennes, en passant par les confins glacés de l’espace, préparez-vous à un voyage cinématographique aussi exigeant que passionnant.
L’Attachement, Carine Tardieu
Avec la délicatesse qu’on lui connaît, Carine Tardieu orchestre la rencontre forcée de deux solitudes. D’un côté, Sandra (Valeria Bruni Tedeschi), la cinquantaine farouchement indépendante et sans enfant. De l’autre, Théo (Pio Marmaï), un père qui vient de perdre sa femme et doit élever seul ses deux jeunes enfants. Le lien entre eux ? Une filiation inattendue, un secret qui va lier leurs destins.
Dans L’Attachement, la réalisatrice explore avec justesse le basculement d’une vie, la construction d’un attachement « malgré soi » et la manière dont la famille peut s’inventer là où on ne l’attendait pas.
In Vitro, Tom McKeith et Will Howarth
Huis clos anxiogène au cœur de l’Australie dans un futur pas si lointain… Coupés du monde, Layla et son mari Jack repoussent les limites de la biotechnologie pour sauver leur ferme d’élevage au bord de la faillite. Mais une série d’événements troublants et la découverte d’une présence étrange viennent fissurer leur isolement.
In Vitro – un thriller signé Tom McKeith et Will Howarth – quitte alors le champ de l’anticipation pour basculer dans un pur accès de paranoïa, transformant le huis clos en un duel psychologique toujours plus angoissant.
Vermiglio ou la mariée des montagnes, Maura Delpero
Ce Grand Prix cannois n’a pas été volé. Maura Delpero s’en est allée puiser dans ses archives familiales pour signer une fresque d’une beauté foudroyante. Vermiglio – « vermillon » – nous plonge dans le linceul de neige d’un village alpin du Trentin, au nord de l’Italie, en 1944. Au cœur du récit, une famille régie par un père instituteur et un patriarcat inflexible. L’arrivée de Pietro, un déserteur sicilien, agit alors tel un révélateur, faisant remonter à la surface les ambitions étouffées, les regrets et les amours perdues.
Loin du simple drame historique, Vermiglio se déploie en film choral d’une puissance tellurique, où la petite histoire familiale devient le miroir d’une nation fracturée.
The Monkey, Osgood Perkins
Attention, objet maudit ! Dans la foulée de son très remarqué Longlegs, Osgood Perkins (fils d’Anthony), orfèvre d’un cinéma d’horreur stylisé, adapte Stephen King avec The Monkey. L’histoire ? Celle des frères jumeaux Hal et Bill (Theo James à double emploi) qui découvrent un singe automate à cymbales semant la mort à chaque fois qu’il se met en marche.
Perkins troque le jumpscare facile contre une atmosphère de conte macabre, puisant dans l’imagerie des années 1980 pour une variation délicieusement rétro sur les malédictions familiales. De quoi regarder d’un autre œil les vieux jouets de votre grenier.
Mickey 17, Bong Joon-ho
De The Host à Parasite en passant par Snowpiercer ou Memories of Murder, il y a une constante chez Bong Joon-ho : cette façon de s’emparer d’un genre pour mieux en dérégler la mécanique. Il revient ici à la SF pour y greffer, comme à son habitude, une redoutable critique sociale. On y suit Mickey (Robert Pattinson), employé « sacrifiable » cloné à merci pour coloniser une planète hostile. À chaque mort, un nouveau corps est activé… jusqu’au jour où un clone refuse de disparaître.
Avec ce Mickey 17, le cinéaste orchestre une fable existentielle sur l’identité et la marchandisation de la vie, où sa verve satirique et son humour noir dévastateur font à nouveau merveille.
Parthenope, Paolo Sorrentino
Qui d’autre que Paolo Sorrentino pour ausculter l’âme de Naples ? Le cinéaste y cisèle l’épopée d’une vie, celle de Parthenope (magnétique Celeste Dalla Porta), de sa naissance dans les années 1950 à nos jours. Et à travers elle, le réalisateur d’y faire se refléter les beautés, les mystères et les excès de la cité parthénopéenne.
Entremêlant l’intime au mythologique, Sorrentino déploie une formidable fresque sensorielle, valsant autour de la fugacité du temps, du désir et de la quête d’absolu. Chaque plan est un tableau, chaque mouvement, une caresse, composant au final bien plus qu’un simple hommage à sa ville natale : une déclaration d’amour au pouvoir du cinéma.
On ira, Enya Baroux
La comédie dramatique est souvent une périlleuse ligne de crête où beaucoup trébuchent. Pas Enya Baroux qui, pour son premier film, s’empare du sujet difficile de la fin de vie choisie. Pour organiser son dernier voyage, Marie (magistrale Hélène Vincent) prétexte un héritage à toucher en Suisse et embarque dans un vieux camping-car son fils immature et sa petite-fille en crise.
On ira réussit ce petit miracle : faire jaillir un rire féroce des situations les plus sombres et trouver une tendresse bouleversante, loin de tout pathos, dans les non-dits d’une famille qui n’a jamais su communiquer.
All we Imagine as Light, Payal Kapadia
Autre Grand Prix cannois et autre miracle de grâce. All we Imagine as Light nous plonge dans la moiteur nocturne de Mumbai. Payal Kapadia y filme les trajectoires de deux infirmières partageant un appartement, leurs solitudes et leurs désirs secrets. Une escapade impromptue en bord de mer devient pour chacune d’elles l’occasion d’une libération intime.
Portée par une cinématographie flottante d’une sensualité folle, l’œuvre s’impose tel un magnifique poème sur la sororité comme refuge et l’invention d’espaces de liberté. Un geste politique d’une grande finesse et un chef-d’œuvre de délicatesse.
Ma Mère, Dieu et Sylvie Vartan, Ken Scott
Changement de décor… Avec Ma Mère, Dieu et Sylvie Vartan, Ken Scott s’empare du récit autobiographique de Roland Perez pour nous raconter l’histoire d’Esther (Leïla Bekhti, solaire) qui, dans les années 1960, met au monde un fils né avec un pied-bot. Contre l’avis de tous, elle lui fait une promesse folle : il marchera et aura une vie fabuleuse.
S’étirant sur plusieurs décennies, ce mélodrame assumé, drôle et bouleversant, est un véritable hymne à la vie, porté par des acteurs impeccables (Jonathan Cohen et Joséphine Japy complètent la distribution). Ken Scott signe le portrait attachant d’une femme au courage et à l’amour infaillibles, et une ode à la force d’une promesse.
Novocaine, Dan Berk et Robert Olsen
On termine avec Novocaine. Dan Berk et Robert Olsen livrent ici une comédie d’action aussi brutale que maline. L’idée, génialement régressive : un employé de banque né avec une insensibilité à la douleur se transforme en héros invincible pour sauver sa collègue (Amber Midthunder), prise en otage lors d’un braquage.
Porté par un Jack Quaid (The Boys, Companion) parfait en anti-héros indestructible, le film embrasse avec joie son statut de série B décomplexée. Le suspense est haletant, les combats, d’une brutalité sèche et l’humour, toujours borderline. Efficace, jouissif et sans anesthésie.
