
« Grey’s Anatomy » a fait son grand retour pour sa 20e saison. Vingt ans déjà que les chirurgiens du Grey Sloan Memorial se débattent de bloc en bloc, entre la vie et la mort, entre drames et émotions. Une incroyable longévité qui n’est pas sans susciter quelques interrogations. Ne fallait-il pas stopper le show avant ? Ne pourrait-on pas y voir une forme d’acharnement thérapeutique ?
Grey’s Anatomy, ce sont vingt ans de télévision, plus de 200 nominations et 70 récompenses. C’est un épisode à près de 38 millions de téléspectateurs – célèbre « épisode de la bombe » –, diffusé le 5 février 2006, juste après le Super Bowl. Et avec plus de 400 épisodes au compteur, soit plus de 300 heures de show, Grey’s Anatomy est officiellement devenue en 2019 la plus longue série médicale diffusée en prime time de toute l’histoire de la télévision américaine, devant Urgences et autre Dr. House.
En vingt ans, le show TV créé par la prêtresse du binge-watching Shonda Rhimes aura su imposer son ton drôle et sexy tout en se confrontant, souvent en pionnier, à des sujets délicats tels que l’homosexualité, le handicap, la violence faite aux femmes, le racisme, le suicide médicalement assisté ou encore le droit des personnes transgenres… De quoi imposer Grey’s Anatomy comme un pilier de la télévision US, et un véritable phénomène culturel à travers le monde.
On ne prend pas les mêmes et on recommence
Alors que la 20e saison est diffusée en France sur TF1 depuis le 19 mars dernier, et qu’une 21e est déjà en cours aux États-Unis, les beaux jours semblent décidément éternels au sein du Grey Sloan Memorial. Un succès que Grey’s Anatomy a su construire autour de ses héros « historiques ». À commencer par Meredith Grey, figure de proue du casting, campée par l’incontournable Ellen Pompeo qui, après avoir largement levé le pied dans la saison 19 et exprimé ici et là quelques velléités de départ, se retrouve pourtant bel et bien alignée à la distribution de cette nouvelle édition.
Bande-annonce de la saison 20 de Grey’s Anatomy
À ses côtés, autres confrères hospitaliers de la première heure, on retrouve les Dr Miranda Bailey (Chandra Wilson) et Richard Webber (James Pickens Jr). Ils sont les seuls rescapés de la promo originelle de 2005. Un noyau d’irréductibles qui, vingt saisons durant, auront vu valser les internes dans les couloirs du CHU de Seattle. Un renouvellement des effectifs devenu pour les fans un rendez-vous toujours très attendu et, pour les scénaristes, de la matière première pour nourrir – à l’infini ? – leur inspiration.
Catastrophes en cascade
Des scénaristes à l’imagination sans limite, il faut bien le dire, ne reculant devant rien, année après année, pour préserver la santé de l’audimat. À l’image de ce patient débarquant à l’hôpital, dès la saison 2, avec un obus explosif coincé dans le thorax. De Meredith plongée dans un profond coma à la suite d’un accident de ferry dans la saison 3. Ou encore de Derek (Patrick Dempsey) blessé par un tireur fou dans le double épisode final de la saison 6. Puis c’est le crash de l’avion en sortie de saison 8, l’une des catastrophes les plus lacrymales de la série qui coûtera une jambe à Arizona (Jessica Capshaw), mais surtout la vie à Mark (Eric Dane) et Lexie (Chyler Leigh).
Citons encore et en vrac une portion de rue qui s’effondre à Seattle, une super-tempête à deux doigts d’emporter le Dr Webber, la mort de George, renversé par un bus, ou celle de Derek, fauché par un camion, le départ de Cristina Yang (la géniale Sandra Oh qu’on a retrouvé avec bonheur dans Killing Eve), le tout entre fausses-couches, agressions en tout genre et diagnostics de maladies rares et/ou incurables. Rien n’arrête les scénaristes de Grey’s Anatomy. Un seul objectif : éviter coûte que coûte la léthargie émotionnelle, à coups de twists et de cliffhangers parfois bien perchés. Trop ?
Coup de blouse à Seattle
Voilà quelques années déjà que s’exprime une certaine lassitude au cœur de la fanbase. Lassitude à voir l’équipe du Grey Sloan Memorial s’acharner contre vents et marées à garder les portes du CHU ouvertes quand, pour certains, il s’agirait de savoir « débrancher ».
Parmi les principaux griefs imputés à la série : un Grey’s Anatomy en manque de Grey, Meredith brillant de plus en plus par son absence et jouant les voix-off. Trop de départs également, trop d’anciens qui s’en vont, laissant la place à des nouveaux sans saveur. Le fait d’un manque de créativité, note-t-on. De vieilles ficelles qui épuisent et s’épuisent – on attend, sans ciller, la prochaine mort ou le prochain cœur brisé –, des arcs narratifs bâclés – comme le départ pour le moins brutal d’Alex Karev (Justin Chambers). Autant de raisons qui poussent certains fans de la première heure à quitter l’aventure.
Reste qu’en dépit d’une réelle chute d’audience, Grey’s Anatomy demeure l’une des séries les plus regardées de la chaîne américaine ABC. Et Dana Walden, présidente du divertissement chez Walt Disney Television, n’en démord pas : « Grey’s Anatomy est un véritable phénomène, adoré par les audiences du monde entier », confiait-elle à Hollywood Reporter en janvier 2022. On était alors à la veille d’une 19e saison déjà record.
Depuis, la showrunneuse Krista Vernoff a cédé les rênes à Meg Marinis. De quoi insuffler une nouvelle dynamique, selon certains. En tout cas, Shonda Rhimes en pense évidemment le plus grand bien : « Les scénarios de Meg Marinis sont des cadeaux qui permettent de garder la série dynamique, convaincante et vivante, et j’ai hâte de voir ce qu’elle a en réserve pour cette saison », confiait-elle en avril 2024 à Deadline. Enthousiasme sincère ou de façade ? À vous de voir. Notre avis ? Ne pas oublier que toutes les bonnes choses ont une fin…