Avec un titre comme L’Humanité en péril. Virons de bord, toute !, Fred Vargas ne pouvait que se lancer dans une entreprise compliquée. Tout y passe, ou plutôt rien : pollution de l’atmosphère, des eaux, des sols, pesticides, plastique… L’urgence écologique force l’autrice de polars à faire un pas de côté.
Genèse
« Mais bon sang, dans quel bourbier ai-je été me fourrer ? », c’est ainsi que commence cet étrange objet qu’est L’Humanité en péril. Virons de bord, toute !. Dans ce livre composite, Fred Vargas délaisse pour un temps les enquêtes du commissaire Adamsberg qui l’ont rendue si célèbre. Ce qui l’a poussé à se détourner du roman policier – momentanément, que ses fans se rassurent – est le chemin parcouru par un de ses textes écrit en 2008. Ce petit texte appelant à une Troisième Révolution, une révolution écologique, a été lu par Charlotte Gainsbourg à l’ouverture de la COP24. La douloureuse portée de ce court texte est à l’origine de la naissance du pamphlet écologique L’Humanité en péril. Quand Fred Vargas se lance, difficile de l’arrêter, et ce livre qui ne devait pas excéder 50 pages se clôt à la 223e page.
« Eux » contre « nous »
Au cours de ce long texte est développé un long réquisitoire contre « eux », « nos gouvernants apparemment impuissants et les industriels milliardaires à la tête de lobbies qui les tiennent sous leur coupe », et « nous », « les Gens, les petits, les plus grands, les moyens, les bourgeois, de gauche, de droite ». L’accusation est sans appel : le gouvernement n’a pas prévenu, n’a rien dit, n’a pas averti du danger qui existe à continuer à mener sa vie comme avant. Fred Vargas, archéozoologue et chercheuse au CNRS de formation, s’appuie sur de très simples recherches sur les sites des différents gouvernements qui lui ont démontré qu’il n’y a quasiment aucune information à disposition des citoyens sur les dangers de consommer tel ou tel aliment, le risque environnemental à se servir de telle ou telle matière dans ses constructions, la dégradation engendrée par le tourisme de masse, etc. C’est pour combler ce manque que l’autrice écrit ce livre.
« C’est contre cette désinformation intolérable que je désire lutter, à la hauteur de mes petits moyens. Ainsi serez-vous, enfin, au courant de l’avenir qui nous attend dans un temps très proche, et de manière précise. »
L’énumération des catastrophes présentes et à venir
Comme pour représenter l’asphyxie vers laquelle l’être humain se dirige, il n’y a aucun chapitre pour faire respirer le texte. Pourtant deux parties se distinguent clairement : la première partie du livre est dédiée à toutes les dégradations que l’homme, l’industrie, l’agriculture, l’élevage, le tourisme, ou plus généralement la consommation en excès ont fait subir à la planète et à son écosystème. Litanique, cette énumération laisse sans voix. Gaz à effet de serre, gaz fluorés, méthane, salinisation des sols, empoisonnement des poissons, déforestation… rien n’est laissé au hasard et les nombreux chiffres qui appuient la démonstration sont très sérieusement documentés (23 pages de notes terminent l’ouvrage).
Un nouvel espoir
Ponctué des interventions d’un Censeur imaginé par l’autrice pour créer une complicité avec les lecteurs, le récit se déroule vertigineusement, entre chiffres et énumérations de produits toxiques. L’autrice laisse parfois poindre quelques petites lueurs d’espoir en détaillant l’invention ou l’initiative d’une start-up, d’un scientifique ou d’un groupe de citoyens ayant une action bénéfique pour l’environnement et réparatrice des excès passés. Mais Fred Vargas ne donne pas dans le compromis et n’hésite pas à critiquer les panneaux solaires, les éoliennes, le soja et autres alternatives qui semblaient positives pour le simple mortel. Toutefois, l’autrice enjoint à l’action plutôt qu’à la résignation. L’objet de cet ouvrage est donc tout simple : changer ses habitudes de consommation, de vie, pour forcer les puissants – « eux » – à changer de même.
Ravage, René Barjavel
Comme une prédiction, Ravage annonçait dès 1943 les risques d’une trop grande dépendance à l’électricité. Dans ce roman post-apocalyptique, René Barjavel envisage un monde où une panne d’électricité force les hommes à reconstruire une civilisation en petit groupe, à la campagne, sans aucune machine. À l’aune du réchauffement climatique, cette solution ne paraît plus si incongrue.
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Parution le 1er mai 2019 – 256 pages
L’Humanité en péril. Virons de bord, toute !, Fred Vargas (Flammarion) sur Fnac.com
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