Critique

Une brève histoire de la récidive avec Michaël Fœssel

24 avril 2019
Par Juliette1
Une brève histoire de la récidive avec Michaël Fœssel

Peut-on réellement dire que l’Histoire est une grande boucle vouée à se répéter ? Les politiques contemporaines semblent brandir la crise identitaire comme une diversion face aux questions sociales et démocratiques, or ce prétexte sonne étrangement familier à quiconque connait les années 30. Dans Récidive. 1938, le philosophe Michaël Fœssel interroge la possibilité d’une récidive historique de l’année 1938 en cours à notre époque.

Recidive-1938 michaël Fœssel1938 vs. 2018

« « Récidive », c’est évidemment l’hypothèse d’un parallèle entre les périodes. » Ces périodes sont celles polarisées par les années 1938 et 2018, qui ont bien plus en commun que ce qu’on pourrait croire. Michaël Fœssel interroge dans Récidive. 1938 les liens qui se tissent entre ces deux années, l’une constituant les prémices de la Seconde Guerre Mondiale, l’autre voyant la recrudescence des mouvements identitaires et des revendications sociales.

Philosophe et professeur à Polytechnique, Michaël Fœssel est également l’auteur de La privation de l’intime, une réflexion sur la mise en scène de l’intime et son rapport à la démocratie, et du Temps de la consolation, un essai qui fait de la philosophie un acte de consolation. Disciple de Paul Ricœur, il est connu pour être le philosophe de la liberté, cette notion difficile qui articule l’idéal à des expériences concrètes. 

Pourquoi 1938 ?

Dans ce court essai, Michaël Fœssel se plonge dans l’année 1938 en s’immergeant dans ses journaux. L’idée est de se mettre dans la tête d’un citoyen français qui perçoit l’actualité par la presse, et non de relever des dynamiques englobantes comme la discipline historique le voudrait. Le philosophe prend comme point de départ l’idée selon laquelle « les années 30 sont devant nous ». D’emblée, Fœssel rappelle qu’un retour des années 1930 n’est pas de l’ordre du possible car un certain nombre de facteurs qui ont conduit aux événements du début des années 40 ne sont plus présents.

« L’avantage de 1938 est de condenser en quelques mois des évolutions à l’œuvre depuis plus d’une décennie dans le présent » 

Mais un certain nombre d’éléments communs se distinguent : le libéralisme exacerbé, l’antisémitisme, la répression des grèves, etc. L’année 1938 est apparue à l’auteur comme décisive en de nombreux points : c’est l’année où les démocraties européennes se sont avérées incapables d’endiguer la montée du fascisme. Seulement : « Mon exploration de 1938 m’a pourtant moins convaincu de la faiblesse de la démocratie française que du fait que la France n’était plus, à cette date, que faiblement démocratique. »

Une analogie édifiante

Le texte retrace ainsi les divers événements politiques et sociaux qui ont jalonné l’année 1938, sans jamais faire de référence au contemporain, précaution appliquée par l’auteur pour éviter la comparaison superficielle. Le lecteur est donc livré à lui-même au sein de cette année où Léon Blum est démis de ses fonctions, où Daladier prend le pouvoir et défait les acquis sociaux du Front Populaire (congés payés, régulation du temps de travail et semaine des deux dimanches), où Hitler annexe les Sudètes et où l’antisémitisme devient de plus en plus virulent. Les parallèles se tissent naturellement : dans les deux cas, les régimes autoritaires et nationalistes fleurissent en Europe, les contestations populaires sont violemment réprimées et les angoisses identitaires sont exacerbées. 

« L’intention profonde de ce livre n’a pourtant pas été de convaincre d’une répétition de l’histoire. Elle est plutôt de permettre au lecteur de risquer un diagnostic du présent instruit par l’histoire. »

Michaël Fœssel élabore peu à peu l’idée que la politique n’a plus grand chose à voir avec la recherche du bonheur. En 1938 comme aujourd’hui, le sentiment que « la fête est finie » se traduit pour une volonté de remettre la France au travail, comme si les acquis sociaux avaient rendu la population molle et portaient la responsabilité de la crise économique et du chômage. 

« Il existe entre 1938 et 2018 un rapport d’analogie dont il est urgent de prendre la mesure. »

La-Memoire-l-Histoire-l-Oubli paul ricoeurLa Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paul Ricœur

Dans cet ouvrage, le philosophe Paul Ricœur met en relation les trois notions qui forment le titre, dans une réflexion qui interroge la fonction de l’historien dans le processus de mémoire. Publié en 2000, La Mémoire, l’histoire, l’oubli explore la dimension patrimoniale de la mémoire, et sa construction avec et contre l’histoire, des thèmes qui demeurent profondément problématiques à l’heure où la mémoire collective devient un outil d’identité nationale.

Parution le 27 mars 2019 – 180 pages

Récidive. 1938, Michaël Fœssel (PUF) sur Fnac.com

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