Article

Mike Flanagan, poète du petit écran, dans l’ombre de Stephen King

04 octobre 2022
Par Camille J.
Mike Flanagan, poète du petit écran, dans l’ombre de Stephen King

Mike Flanagan : ce nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant, vous le côtoyez depuis des années. Fidèle réalisateur pour Netflix (et Dr Sleep au cinéma dernièrement), il est en passe de devenir une figure du genre grâce à sa série TV événement, The Haunting, qui compte désormais 2 saisons très différentes. Retour sur cinq de ses films du petit écran, sans oublier la série du moment, d’un créateur aussi discret que fantastique, un genre qui lui va décidément comme un gant.

Un réalisateur qui monte, qui monte…

Il y a des réalisateurs que l’on suit sans le savoir. Et si vous avez Netflix, alors vous avez à coup sûr entendu parler de The Haunting of Hill House et The Haunting of Bly Manor la série événement et petite pépite du genre. Mais elle est avant tout créée et réalisée par Mike Flanagan, créateur dans l’ombre d’une bonne liste de films.

Mike Flanagan n’a pas la prétention de révolutionner le genre fantastico-horrifique, qui, pour certains, rime avec sang, tueur et peur. Pour Mike, tout est lié aux rêves, et à l’onirisme comme un doux cauchemar éveillé. On retrouve dans son style, un peu de Tim Burton, de Guillermo Del Toro et de Juan Antonio BayonaÀ chacun de ses films, il apporte sa touche personnelle, où se cotoient poésie et romantisme. Avec une mise en scène et des plans séquences à en inspirer plus d’un, il est aujourd’hui une figure incontournable du 7e art, dans lequel il excelle aussi avec la suite de Shining, Doctor Sleep, sorti en 2019.

Il aime aussi recycler ses acteurs, et quand un acteur est prêt à tourner plusieurs fois avec un réalisateur, ça ne peut être que bon signe. Sa femme Kate Siegel est bien évidemment en première ligne dans la majorité de ses projets. Henry Thomas (Elliot dans E.T. !) Carla Gugino, Victoria Pedretti, Samantha Sloyan, Elizabeth Reaser, Olivier-Jackson Cohen et bien d’autres, sont présents dans au moins deux de ses projets, si ce n’est plus. Une équipe d’acteurs formidables que l’on retrouve pour la plupart dans la série The Haunting.

La descendance secrète de Stephen King en films et séries


The Mirror (2013)

mirror-affiche-ok

Premier succès reconnu de Mike Flanagan, ce projet était en préparation depuis 2006, avec le court métrage et préquel, Oculus : The man with the Plan. Ce n’est que 7 ans plus tard que la version longue voit le jour, et ça valait le coup d’attendre. Une sœur et son frère se retrouvent dans la maison où sont morts leur parents des années plus tôt. Convaincus que le miroir qu’ils avaient acheté en est le responsable, ils décident de faire des expériences, et d’en sortir les esprits les plus maléfiques. Un huit clos surprenant, où le miroir, aussi magnifique qu’intriguant, est un personnage à part entière. D’un esthétisme ultra léché, se dégage de cette fable comme une sensation de légèreté face à l’atrocité des événements.

 

Pas un bruit (2016)

hush-ok

Tout comme l’excellent Sans un bruit (2018), avec un titre étrangement similaire, le film joue sur nos nerfs et nos sens. Un huit clos d’une efficacité redoutable, où finalement la simplicité l’emporte sur la démesure et la surenchère souvent présente dans ce genre de film. L’héroïne, sourde et muette est en proie à un dangereux et sadique psychopathe qui n’a visiblement rien d’autre à faire un samedi soir que d’effrayer les jeunes femmes seules et isolées au beau milieu de la nature. Mais on dit souvent que lorsque l’un de nos sens est moindre, les autres sont décuplés et prennent le dessus. Il n’en faut pas moins à notre héroïne pour nous le prouver, dans ce thriller haletant, sur fond de bruits ambiants où seul le souffle de la survie résonne comme une évidence.

 

Ne t’endors pas (2016)

before-i-wake-ok

Après la perte de leur enfant, un couple s’est décidé à en adopter un autre. Cody arrive alors dans sa nouvelle maison, mais il est traumatisé par un passé qu’il refuse d’affronter. Son esprit s’évade et se transforme en fantaisie onirique, rendant réels ses rêves les plus doux. Mais la frontière entre rêve et cauchemar étant très fine, lorsque ceux-ci prennent également vie et se confondent avec la réalité. On est alors plongé dans un monde aussi merveilleux que ténébreux. Rempli de poésie et d’enchantement baroque. Ce conte porté par l’excellent et attachant Jacob Tremblay a tout d’une histoire à raconter le soir avant de s’endormir.


Ouija 2, les origines (2016)

ouija-affiche-ok

Il s’agit du préquel de Ouija sorti en 2015. Le film se déroule dans la même maison que son prédécesseur, mais 50 ans avant. Une mère et ses deux filles arrondissent leurs fins de mois en montant une imposture des plus classiques : se faire passer pour médiums. Mais lorsque le faux esprit invoqué se manifeste pour de vrai, l’arnaque tourne au cauchemar et la famille va devoir surmonter la terreur pour sauver l’une des fillettes sous l’emprise du malin. L’ambiance est maintenue et la photographie est tout autant travaillée. Les réponses que l’on attendait à la fin du premier sont bien dévoilées dans ces origines.

 

Jessie (2017)

Jessie, Gerald’s Game en anglais, est l’adaptation du roman éponyme de Stephen King (1992). Le jeu est simple : Gérald et Jessie décident de pimenter leur vie sexuelle en s’adonnant au bondage dans sa forme la plus simple. Jessie est donc attachée au lit par des menottes. Jusque-là, rien d’anormal. Mais lorsque son mari fait une crise cardiaque, elle est livrée à elle-même, seule, sans clef, ni issue. Commence alors une douce descente vers la mort qui l’attend en se remémorant sa vie passée. Un huit clos où les cauchemars du passé et les phobies font ressurgir une terrifiante exploration de l’esprit et une force insoupçonnée pour s’en sortir.

jessie-ok   jessie-king

The Haunting of Hill House (2018)

Librement inspirée du livre de Shirley Jackson (1953) et adapté au cinéma dans La maison du diable de Robert Wise (1963), puis dans Hantise de Jan de bont (1999), The Haunting of Hill House s’offre pour la première fois sur le petit écran en format série de 10 épisodes d’une heure chacun. De quoi développer chaque personnage très singulier et nous en mettre plein la vue par une mise en scène irréprochable. Habitué des huit clos, même si l’espace utilisé est aussi une maison, c’est la première fois qu’il y fait jouer autant de monde. La famille Crain s’installe à Hill House, en vue de retaper la maison et de la revendre, pendant les vacances d’été. Mais cette maison a bien des choses à raconter, et les enfants comme les parents, vont tour à tour subir malgré eux l’influence fantomatique de ses habitants. On les suit de leur enfance en flashback à leur vie d’adulte. C’est magnifiquement interprété et tourné (le final de l’épisode 5 et le travelling de l’épisode 6 sont à couper le souffle). Cette histoire intrigue au plus haut point et la magie opère dès le premier épisode. Une intrigue qui monte crescendo et qui pourrait en laisser certains sur leur faim dans le final, mais si même Stephen King, le maître du genre, le félicite pour l’adaptation d’une œuvre qui n’est pas la sienne… je ne vois rien d’autre à ajouter.

haunting-of-hill-house-ok  shirley-jackson-ok  hantise-ok  haunting-ok

The Haunting of Bly Manor (2020)

the haunting of bly manorÉgalement inspirée d’un roman, Le Tour d’écrou de Henry James (1898), cette saison 2 qui se regarde indépendamment de la une, s’apparente plus à un conte amoureux qu’à une histoire de fantômes. Et pourtant des fantômes il y en a pleins, dissimulés dans les quatre coins du manoir, mais contrairement à la saison une, ce n’est pas le fond horrifique de l’histoire qui nous intéresse. Ce n’est que dans le huitième et avant-dernier épisode que l’on comprendra leurs significations et l’importance de leur position dans un épisode magnifiquement filmé en noir et blanc, d’une poésie fracassante.

Si dans la première saison l’intrigue commence de suite à nous interpeller, il faudra attendre l’épisode 5, L’Autel des morts, pour vraiment comprendre la mise en place des personnages, et leur signification face à ce manoir que personne ne semble vouloir quitter. De nouveaux personnages et acteurs font leur entrée, Jamie (Amelia Eve), Hannah Grose (T’Nia Miller), Owen Sharma (Rahul Kohli), que l’on espère retrouver dans un prochain projet de Flanagan. Mais au centre de l’histoire, c’est Dani Clayton (magnifique Poppins interprétée par Victoria Pedretti qui jouait le rôle de Nell dans la saison une) que l’on suit, et qui bien avant d’atterrir comme gouvernante des deux orphelins de Bly, est déjà en proie à des visions fantomatiques. Un spectre aux yeux luisants (qui nous sera bien évidemment expliqué par la suite) qui la suivra dans chaque moment de doute et de culpabilité.

Si le dernier épisode de Hill House, divisait les cœurs, le dernier de Bly Manor, les rassemblera de nouveau dans un final bouleversant, (jusqu’à la dernière seconde) et l’on aura qu’une envie, revoir instantanément l’épisode un afin de mieux comprendre et identifier tous les personnages de cette fable onirique sur fond d’amour inconditionnel et de sacrifices. Une saison Perfectly splendid.

Sermons de minuit (2020)

SERMONS DE MINUIT, ô sainte trouille ! - Les Heures Libres (Chroniques Ciné  de Francisco) Films, docs & SériesToujours sur la plateforme Netflix qui ne refuse rien à Mike Flanagan, c’est cette fois dans les tréfond de l’Amérique croyante qu’il a décidé de manipuler ses pairs. Pas de créature fantastique, ni de jump scare dans cette nouvelle mini-série mais de l’effroi à un autre niveau. Sermons de minuit (midnight mass), tranche dans le vif, mais celui du culte de la religion. Après une incarcération pour homicide involontaire, Riley retourne au bercail, retrouver sa famille et sa communauté, sur l’ile de Crockett Island. Lui qui a perdu le peu de foi qui l’animait en prison, va devoir réajuster son point de vue. D’autant plus que sur cette ile, beaucoup de phénomènes non expliqués commencent à poser beaucoup de questions dans cette bourgade. Ce sera au nouveau prêtre de l’ile, Paul Hill (excellent Hamish Linklater, nouveau venu dans la filmographie de Mike), de relancer l’élan communautaire en réinjectant une foi sans faille en chacun de ses disciples. Une série étonnante et intrigante au plus haut point, avec un final phénoménal. 

Cette fois, la magnificence de cette œuvre ne vient pas que de la mise en scène mais dans la qualité narrative, jamais un projet de Flanagan n’aura été aussi éloquent. Questionnant sans cesse ses sujets, dont nous, simples spectateurs au cours des 7 épisodes pour 7 chapitres de la bible. vous ne verrez plus jamais la religion de la même façon. 

Article rédigé par
Camille J.
Camille J.
Disquaire Fnac.com
Sélection de produits