Devenu en deux siècles un classique absolu de la littérature romantique, le roman signature de Jane Austen n’en finit plus de fasciner et d’inspirer les nouvelles générations d’auteurs grâce à son universalité et sa modernité. En version manga, en mode zombie ou à la sauce nouvelle romance du XXIe siècle, Orgueil et préjugés se réinvente à chaque nouvelle adaptation en confirmant son statut d’œuvre intemporelle.
Roman anonyme
Écrit au crépuscule du XVIIIe siècle, Orgueil et préjugés connaît déjà un certain succès dans les salons de lectures bourgeois, quand Jane Austen décide d’y mettre une touche finale en 1811. Il lui faudra attendre deux années supplémentaires pour que cette version définitive soit enfin publiée. Précédé d’une flatteuse réputation, le roman obtient un grand succès bien que le nom de son auteur(e) ne figure pas sur sa couverture. L’époque étant au rigorisme le plus strict, le droit d’être romancière, ou de faire commerce d’un quelconque talent, était alors absolument impossible pour une femme issue, comme elle, de la haute société anglaise. Cette fâcheuse réalité vient d’ailleurs paradoxalement appuyer avec force les propos sous-jacents qui traversent son roman.
Ironie féministe
En voilant d’un romantisme débridé sa satire espiègle des codes de la bourgeoisie, Jane Austen réussit l’exploit de brocarder malicieusement l’institution du mariage et la cupidité endémique de sa caste sans s’attirer les foudres des censeurs de l’époque. Progressiste convaincue, elle milite en sous-texte pour une certaine mixité sociale, à contre-courant du déterminisme qu’imposent ses semblables. Féministe avant l’heure, elle compose avec le personnage d’Elizabeth Bennet l’archétype romanesque de la femme moderne à l’esprit affûté, s’employant à être libre de ses choix, notamment celui d’épouser ou non un prétendant sujet à caution comme M. Darcy. Des trois sœurs de Raisons et sentiments jusqu’à Emma, l’auteure de Mansfield Park se fera d’ailleurs une spécialité dans la création d’héroïnes inoubliables qui ont toutes la même réjouissante et irrévérencieuse aptitude pour la liberté.
Adaptations baroques
Contemporain et universel dans le fond comme dans la forme, plus léger et plus pétillant que d’autres classiques romantiques anglais comme Jane Eyre qu’il précède de plus de trente ans, Orgueil et préjugés est l’un de ces romans incontournables et indémodables qui ne cessent de titiller la créativité des adaptateurs de tous poils.
Ces dernières années, l’histoire des filles Bennett, la valse de leurs soupirants et les réflexions mordantes d’Elizabeth ont été déclinées avec bonheur dans des versions pour le moins baroques. D’une haute fidélité à l’original, la version manga proposée par le duo PoTse / Stacy King fait le pari, osé et réussi, de mettre le roman de Jane Austen au goût de la pop culture d’aujourd’hui pour mieux l’introduire auprès des jeunes lecteurs. Changement radical d’ambiance mais pas d’intention avec Orgueil et préjugés & zombies : expert en pastiche littéraire qui a fait d’Abraham Lincoln un chasseur de vampires, Seth Grahame Smith n’hésite pas à faire déferler sur le domaine des Bennett des hordes de morts-vivants sanguinolents. Iconoclaste mais respectueuse du classique de 1813, cette version gore a d’ailleurs elle-même fait l’objet d’une adaptation BD en 2011 et cinématographique en 2016. Enfin, direction le XXIe siècle pour Amour, orgueil et préjugés, une réécriture moderne de l’intrigue de Jane Austen que la romancière belge Jess Swann implante en Irlande.
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Parution originale en 1813 – 384 pages
Orgueil et préjugés, Jane Austen (10/18) sur Fnac.com
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