INTERVIEW – Cadavres massacrés, morgues blafardes et sombres affaires de famille au cœur de la Françafrique : le onzième polar de Jean-Christophe Grangé réunit les codes habituels du romancier en y ajoutant une complexité humaine encore inédite dans son œuvre. Et nous offre, comme toujours, une immersion dans un univers sensoriel aussi précis que glaçant.
RENCONTRE
Jean-Christophe Grangé, L’art et la matière
Cadavres massacrés, morgues blafardes et sombres affaires de famille au cœur de la Françafrique… Le onzième polar de Jean-Christophe Grangé réunit les codes habituels du romancier en y ajoutant une complexité humaine encore inédite dans son œuvre. Et nous offre, comme toujours, une immersion dans un univers sensoriel aussi précis que glaçant.
1. Dans Lontano comme dans vos autres romans, le cadavre que vous nous offrez est massacré avec perversité. Pourquoi cet éternel carnage sur les corps ?
C’est la loi du genre. Il ne faut pas trop s’attarder sur ces mutilations qui sont presque… symboliques. Ce qui compte, c’est qu’elle dessine la folie, les obsessions d’un tueur. Je l’ai souvent dit : les scènes d’autopsie sont comme un voyage au sein de l’univers meurtrier du prédateur. C’est une cartographie. D’ailleurs, on peut considérer toute l’enquête comme un périple au sein d’une folie, le chemin qui mène à l’ogre lui-même.
« Un voyage au sein de l’univers meurtrier du prédateur »
2. L’histoire prend corps grâce à des détails matériels précis sur des univers bien différents : la boue africaine, le latex du monde du SM, les baraquements tristes de l’armée… Comment parvenez-vous à réunir tant d’informations sensorielles?
La plupart de ces détails sensoriels proviennent de mes reportages. J’ai eu la chance d’exercer pendant dix ans le métier de grand reporter, de parcourir le monde et de collecter ainsi une foule d’impressions, de sensations, de souvenirs tout à fait uniques. Aujourd’hui, s’il me manque des « sensations », je mène une nouvelle enquête. Par exemple, je ne connaissais pas l’univers « fetish » et j’ai dû me rendre à ce genre de soirées pour y prendre quelques notes…
3. Et vous, quelle sont vos matières de travail : café ou thé, papier ou ordinateur, images ou imagination ?
Je ne bois que du thé. J’écris à 90% sur ordinateur, mais je reprends le stylo (le crayon à papier) pour écrire mes synopsis. C’est le stade de l’esquisse et, pour dessiner mon intrigue à grands traits, je préfère le crayon. Images, oui : c’est le sens de toutes mes recherches sur la vraie violence, celle des guerres et des persécutions humaines. Mais surtout imagination : mes idées sont naturellement très noires alors que, paradoxalement, je suis dans la vie quelqu’un de très souriant et très heureux. Sans doute, mes romans sont-ils ma catharsis.
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Parution le 9 septembre 2015 – 778 pages