Polo est un ado de banlieue qui déplore sa condition sociale mais qui aide régulièrement son père, dont il a honte, à faire le ménage. Il décide donc qu’il ne sera pas comme l’homme qui l’élève. Il se cultive, se constitue une identité propre hors du cadre de son milieu. Peut-être alors pourra t’il sortir avec cette petite bourgeoise dont il s’est épris.
Saphia Azzeddine revient donc en poche pour mon plus grand plaisir et pour le malheur de mes zygomatiques.
Polo est un ado de banlieue qui déplore sa condition sociale mais qui aide régulièrement son père, dont il a honte, à faire le ménage. Il décide donc qu’il ne sera pas comme l’homme qui l’élève. Il se cultive, se constitue une identité propre hors du cadre de son milieu. Et peut-être alors pourra t-il sortir avec cette petite bourgeoise dont il s’est épris.
La romancière Saphia Azzeddine revient donc en poche pour mon plus grand plaisir et pour le malheur de mes zygomatiques.
La plume de l’auteur est acerbe mais toujours terriblement drôle. C’est effrayant oui ce paradoxe qui confirme le fait que nous pouvons rire de tout. M’enfin on rit avec la dame mais nul n’est question de bouffonneries. Derrière ce rire, il y’a une forme de gravité, un constat socio culturel grinçant, comme un bruit d’ongle sur un tableau noir. Azzedine est douée pour faire comme si de rien n’était pour mieux servir des messages sous-jacents. Une caresse un claque et vlan !
Dans ce très/trop court roman, Saphia Azzeddine se positionne en tireur d’élite pour tuer le père. Un père qu’elle rend au demeurant super attachant pour mieux le dézinguer ensuite par le biais du fils. Le monsieur n’est pas un intello et incarne une figure du prolétariat. Ce que d’aucun aurait pu moquer comme il est de bon ton aujourd’hui, Azzeddine, même si elle n’évite pas toujours les clichés, en brosse un joli portrait. Ici on ne fait pas de procès à l’ouvrier dont la vie s’articule autour du travail et dont la culture semble limitée. En tous cas si la romancière s’en abstient Polo le fils lui s’en donne à cœur joie. Il se pourrait que certains ne l’apprécient pas beaucoup et rêve de lui en coller une. Néanmoins, Azzeddine participe de nous faire comprendre le ressentiment du gamin qui finalement ne rêve que d’ascenseur social. Cette ascension ne vient pour lui que par les mots, les livres. Ce garde fou culturel entretien l’ambition qu’il nourrit de sortir de cette classe sociale à l’intérieur de laquelle il se sent étouffer. Polo refuse simplement que le milieu de sa naissance ne détermine en le conditionnant, comme pour son père et les reste de sa famille, sa vie. Il fait acte de résilience. De résistance même. Par sa différence, c’est-à-dire la voie qu’il a choisi de suivre en se cultivant, il s’oppose à son milieu. Sur ce terrain et comme il est le seul il fait la différence et s’en sert pour séduire le sexe/milieu opposé. Polo fait donc double emploi de sa « culture » dont il se sert comme une arme contre les siens mais et aussi comme d’un appât. Saphia Azzeddine comme à son habitude, le fait redescendre sur terre et Polo gagne en humilité à mesure qu’on avance dans la lecture. Cette humilité est paradoxalement développée par les discussions qu’il peut avoir avec ce père méprisé mais aimé. Nous sommes là dans l’attraction répulsion pure et simple. Amour fillial vs compétition masculine, c’est à dire, quand la relation père fils se fracture, que le père n’est plus un modèle sur lequel on forge sa propre masculinité et qu’on endosse son propre rôle d’homme dans la société.
Saphia Azzeddine nous propose un livre touchant et dur à la fois. Les dialogues sont succulents, crus mais raccords avec l’environnement, le décor du roman. Son écriture plus ample et moins directe ne perd ni en rythme ni en musicalité. Son sens de la formule fait mouche à chaque fois, on rit, on est ému, on réfléchit, le tiercé gagnant d’un bon bouquin en somme.