Critique

Rohff est de retour et il n’est pas là pour rigoler

13 septembre 2013
Par Grégory
Rohff est de retour et il n'est pas là pour rigoler
©dr

Rohff est revenu en faisant ce qu’il maîtrise le mieux, c’est-à-dire beaucoup d’egotrips bien énervés. Attention, il serait réducteur de ne parler que de cela. Il y a aussi des titres parfois très durs mais terriblement humains, des ambiances sombres ou d’autres plus légères. Mais parce que « P.D.R.G. » est un peu produit estampillé Rohff, ce qui se remarque en premier lieu, c’est la technique imparable, le flow toujours aussi fluide et les egotrips à nul autre pareil.

Trois ans de silence. Trois ans que l’on n’avait pas entendu Rohff sur un disque, mis à part sur quelques collaborations et à propos du clash qui l’oppose à Booba. Alors, forcément, l’attente devient quasiment insupportable. Pour récompenser les fans de tant de patience et combler le manque, Rohff revient donc avec un double album, P.D.R.G. Si c’est une rareté dans le rap français, c’est finalement quelque chose d’assez classique chez lui puisque c’est déjà son troisième double format. Sevrés depuis trop longtemps, les fans auront donc de quoi satisfaire leurs oreilles.

Musicalement, le choix des prods permet de laisser de la place au flow et aux paroles de Rohff. Épurées, assez simples, elles mettent plutôt en valeur la voix si reconnaissable d’Housni. Leurs BPM souvent peu élevés permettent aux morceaux d’être particulièrement compréhensibles. Si on ressent quelques influences américaines dans la construction comme dans certains gimmicks, elles offrent une variété intéressante qui permet à l’album de proposer des univers différents. Sur 27 titres, il y en a donc forcément pour tous les goûts. Mais que les fans se rassurent, Rohff est revenu en faisant ce qu’il maîtrise le mieux, c’est-à-dire beaucoup d’egotrips bien énervés. Attention, il serait réducteur de ne parler que de cela. Il y a aussi des titres parfois très durs mais terriblement humains, des ambiances sombres ou d’autres plus légères. Mais parce que P.D.R.G. est un produit estampillé Rohff, ce qui se remarque en premier lieu, c’est la technique imparable, le flow toujours aussi fluide et les egotrips à nul autre pareil.

 

Ce n’est pas pour rien que le disque s’ouvre avec King, un morceau qui rappelle les raisons du succès de Rohff et son talent. Le ton est indéniablement donné. Évidemment, on ne peut passer sous silence que Booba en prend pour son grade dans des punchlines disséminées un peu partout dans l’album, particulièrement dans Doggystyle qui constitue la réponse de Rohff au clash qui l’oppose au rappeur de Boulogne. On ne dévoilera rien ici, en vous laissant la possibilité de découvrir le morceau dans la version iTunes de P.D.R.G..

Voilà, une fois ce thème évacué, on peut se concentrer sur l’essentiel, le rap. On l’a dit, mais on le répète, comme souvent dans les albums de rap, il y a beaucoup d’egotrips. Trois ans d’absence ont donné des ailes à la concurrence. Qu’elle se rassure, Rohff a ce qu’il faut pour les couper… Finalement, on se dit que, comme l’explique si bien le morceau éponyme P.D.R.G., on tient là un bon résumé de la vie de Rohff et aussi un morceau qui prouve définitivement qu’il n’est pas revenu pour rigoler. Autre exemple dans Rap Jeux, quand il explique : « C’est la guerre, il ne peut en rester qu’un ». On tient là un aperçu évident de ses ambitions. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles sont très élevées et que rien, ni personne ne l’empêchera de retrouver sa place. Dans la même veine, on note des titres comme ZGAEn mode 3El Padre sur lesquels Rohff manie avec habilité les mots pour dérouler des exercices de style impressionnants de technicité.

Rohff a des choses à (re)prouver : non, le temps et les années n’ont altéré ni son talent, ni sa propension à faire des grosses punchlines. Mais, finalement, c’est peut-être un aspect moins évident qui retiendra votre attention. Car, outre ses egotrips puissants, Rohff sait aussi calmer sa plume pour réfléchir, notamment sur la vie. On en a eu un avant-goût avec Dounia dans lequel on sentait une personnalité tiraillée entre plusieurs directions. On en est certain après avoir écouté Maudit où Rohff se livre à une exploration sans fard de son côté lumineux comme de son côté obscur, où il met en évidence toutes les ambiguïtés qui l’habitent, tiraillé entre sa vie de Comorien, sa vie de famille, sa vie religieuse et sa vie dans la rue. Autre exemple dans Instable où sont exposées toutes ses contradictions. Rohff s’y met à nu, reconnaissant ses faiblesses, sa difficulté à se situer et son vécu déséquilibré. Autant de choses qu’il assume comme l’explique le morceau si justement nommé J’assume où il explique ne rien regretter parce que c’est cet ensemble de bonnes comme de mauvaises choses qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui.

 

Mais Rohff ne fait pas de lui son unique sujet. Le rappeur sait aussi parler de femmes et d’amour dans un enchaînement assez intéressant avec les titres ZlatanaTi Amo, t’es à moi en featuring avec Amel Bent. Il rend aussi un vibrant hommage à son public dans #teamRohff, explique sa notion de l’amitié dans Futurs nouveaux amis, ou évoque le délicat sujet de l’argent dans L’oseille. On insistera aussi sur la qualité d’un titre comme Mon son, où Rohff parle du rap, de son rap et du sens qu’il a donné à sa vie, un thème approfondi dans L’artiste, où il explique tout ce qui a fait de lui l’artiste qu’il est aujourd’hui. On en avait eu un aperçu avec K-Sos Music, mais Roh2f ne dédaigne pas non plus aller titiller son côté racailleux comme le prouve le titre Embrouille qui suinte le ghetto, en featuring TLF. Si les egotrips sont toujours aussi performants, on aime aussi comme Rohff s’empare d’un thème pour en faire un très beau morceau. Citons un dernier exemple, Différent, un très beau titre sur la différence ou plutôt sur son absence : « On crie, on pleure, il n’y a rien de très différent », rappe-t-il.

Bref, vous l’aurez compris, il y a beaucoup à dire et à entendre dans P.D.R.G, mais si on devait tirer une seule conclusion, on dirait que Rohff n’a pas fait les choses à moitié. On n’en attendait pas moins de lui…

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