Tout comme les mangas dont elles sont adaptées, les séries animées connaissent un véritable carton ces dernières années. Entre une accessibilité facilitée et les mutations du public, analyse d’un genre qui ne cesse de prendre de l’ampleur en France.
En France, une bande dessinée vendue sur deux est un manga. Et ce chiffre augmente chaque année, que ce soit grâce au pass culture, à la multiplication des titres ou à leur ancrage dans la pop culture des années 2010 et 2020. Bien entendu, la popularité des mangas a entraîné celle de leurs adaptations en anime. L’inverse est vrai aussi, tant l’accès aux anime a été facilité ces dernières années. Demon Slayer, L’Attaque des Titans, One-Punch Man… Toutes ces séries de mangas et bien d’autres ont vu leurs ventes exploser à la sortie de leur adaptation animée. Aujourd’hui, une adaptation en série est décisive pour la popularité d’un titre, car c’est vers là que se dirige en tout premier lieu la majorité du public.
Celui-ci a d’ailleurs bien évolué depuis l’apparition des premières séries en France, dans le Club Dorothée, dans les années 1990. Alors que les mangas et leurs transpositions à la télévision étaient populaires surtout chez les jeunes garçons, l’audience a fortement muté en 30 ans. Finie l’époque où les amateurs de Naruto étaient minoritaires dans la cour de récréation et pointés du doigt par les populaires de la classe. Aujourd’hui, les plus populaires, ce sont justement ceux qui connaissent tous les anime du moment, garçons comme filles. Une tendance qui a émergé en 2015, avec l’apparition de titres devenus cultes pour la dernière génération de spectateurs, My Hero Academia et One-Punch Man en tête.
La place des plateformes dans la popularité des anime
L’accessibilité des anime est également décisive dans leur nouvelle popularité. Là où les premiers amateurs du genre devaient se tourner vers le format physique (VHS dans un premier temps, puis DVD) pour pouvoir mettre la main sur des titres plus pointus, le public actuel peut accéder à peu près à tout et n’importe quoi en seulement quelques clics. Les plateformes de streaming ont très rapidement flairé la bonne affaire et ont commencé à produire des adaptations animées en masse.
Netflix, par exemple, s’est très vite rendu compte qu’ils étaient bien moins chers à produire que les séries américaines, alors qu’ils ont souvent autant, voire plus de succès. Beaucoup de Netflix Originals sont des anime : Baki, Devilman Crybaby, Jojo’s Bizarre Adventure, Shaman King… De nombreuses séries classiques et cultes sont également présentes sur la plateforme, de quoi attirer et séduire les fans. On y trouve des titres tels que Naruto, Détective Conan, Assassination Classroom, ou encore L’Attaque des Titans. Aujourd’hui, être fan d’anime, c’est presque trop facile. Alors le public se jette sur ce contenu omniprésent.
Surtout, il existe plusieurs plateformes dédiées aux anime, comme Crunchyroll, ADN, ou encore Wakanim. Leur implantation sur le marché français a elle aussi profondément changé la manière de consommer l’animation japonaise. Elles ont fait du simulcast leur spécialité, permettant de visionner des épisodes 24 heures après leur sortie au Japon. ADN, leader du marché, compte plus de 100 000 abonnés en France, et Crunchyroll et Wakanim en comptaient plus deux millions dans le monde avant leur fusion en mars 2022.
Un genre réévalué par le grand public
Pour se rendre compte du boom des anime, il suffit de voir leur impact sur les ventes de mangas. Matthieu Pinon, co-auteur d’Histoire(s) du manga moderne, explique qu’avant l’explosion de son anime sur Netflix, le blockbuster Jojo’s Bizarre Adventure ne se vendait qu’à 1 400 exemplaires par an en moyenne. Un vrai bide ! Mais, en 2020, la série a dépassé le million d’exemplaires vendus. Autre exemple, One-Punch Man n’intéressait aucun éditeur français avant la sortie de son anime. Lorsqu’il a explosé tous les records, Kurokawa a lancé une sortie express et a battu le record du meilleur démarrage pour un manga, avec plus de 60 000 exemplaires vendus la première semaine.
C’est un cercle vertueux. Grâce à Internet, de nombreuses séries ont connu un énorme succès à l’international et en France. Les éditeurs s’inspirent alors de cette popularité pour faire l’acquisition du manga papier, et son succès peut aussi apporter une popularité nouvelle à l’anime. Et pour la première fois, les médias français voient la chose d’un bon œil. À chaque génération, les anime ont souffert d’une mauvaise réputation dans les médias généralistes : trop violent, trop bêtes, trop laids en comparaison avec les productions françaises. Aujourd’hui, le mépris n’est plus le sentiment prépondérant dans les critiques. Il n’y a qu’à voir le traitement qui a été réservé à L’Attaque des Titans (pour ne citer que lui) dans les titres généralistes pour s’en convaincre.
Mais cette tendance ne s’est pas exportée dans le monde entier. Les gros producteurs de séries animées que sont la France et les États-Unis ont conservé leurs techniques et leur style, plus cartoon. Il y a bien l’adaptation animée de Lastman, une bande dessinée française qui s’inspirait déjà du manga. Son anime a été produit avec la même ambition, et le succès n’a pas été au rendez-vous. Avec la multiplication du nombre de mangas français publiés, on peut s’attendre à voir apparaître des adaptations en anime produites dans l’Hexagone. Aucun projet n’ayant été lancé pour le moment, il faudra se contenter des productions japonaises pour quelques mois encore.