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Pour la première fois, les mangas représentent plus de la moitié des ventes de BD en France

01 octobre 2021
Par Agathe Renac
Sans surprise, “One Piece” se retrouve encore dans le top 5 des mangas les plus vendus en 2020.
Sans surprise, “One Piece” se retrouve encore dans le top 5 des mangas les plus vendus en 2020. ©Éditions Glénat

29 millions de tomes vendus, de nouveaux lecteurs et une médiatisation toujours plus importante : 2021 est l’année de la BD japonaise. Pour la première fois depuis 30 ans, la vente de mangas dépasse celle des BD en France. Retour sur les raisons de ce succès grandissant.

2021 marque une année record pour la vente des mangas en France. Comme le rapporte BFM TV dans une enquête, 29 millions de tomes ont été vendus entre janvier et août, contre 20 millions pour la bande dessinée « historique ». Un chiffre encourageant pour l’industrie de la BD japonaise alors que 22 millions d’exemplaires avaient été vendus en 2020. Mis en avant par le Club Dorothée dans les années 1990, les mangas se sont progressivement installés dans les rayons de nos librairies jusqu’à devenir une véritable tendance. « Ça n’a pas toujours été le cas, se souvient Thibault Souloumiac, qui a participé à l’organisation de la convention Popcon dédiée à la culture geek. Dans les années 2000, beaucoup de personnes avaient des a priori et pensaient que c’était un univers réservé à un cercle fermé. Pendant un moment, plus aucun anime ne passait à la télé et les mangas étaient encore moins représentés. Depuis trois ans, la pop culture s’ouvre au grand public et il y a une certaine hype autour de la BD japonaise. » Une tendance qui n’a rien d’anecdotique, alors que la France a pris la deuxième place du classement des pays consommateurs de manga, juste derrière le Japon.

Parmi le top 5 des mangas les plus vendus en 2020, on retrouve des classiques. L’année dernière, un tome de Naruto se vendait toutes les 30 secondes. 1,2 millions d’exemplaires ont été écoulés, soit deux fois plus que l’année précédente. Un résultat qui peut étonner alors que le shōnen s’est terminé en 2016. One Piece, le plus vendu de l’histoire, continue de séduire les lecteurs et trouve sa place dans le haut du classement, tout comme Dragon Ball Super. Parmi les best-sellers, on retrouve aussi des séries plus récentes comme Demon Slayer, Jujutsu Kaisen ou encore My Hero Academia.

Confinements, effet Netflix et Pass culture : les raisons d’un succès croissant

Si le manga séduit toutes les générations, il reste très populaire chez les plus jeunes. Ces derniers ont d’ailleurs profité du lancement du Pass culture pour découvrir cet univers ou étoffer leur collection. En effet, 70 % des livres achetés avec le Pass en juin dernier étaient des BD japonaises. Fabien Hyzard, responsable marketing et commercial chez Ki-oon, une maison d’édition spécialisée, confiait à BFM que le Pass a eu un effet démultiplicateur sur les ventes de mangas. Ki-oon a réalisé la troisième meilleure semaine de vente de son histoire suite à sa mise en place. D’autres éditeurs sont plus mitigés quant à ses effets et le voient plutôt comme un bonus, l’industrie du manga se portant déjà très bien depuis quelques années.

Particuliers et professionnels s’accordent à dire que le confinement a joué un rôle majeur dans ce succès. Si certains ont profité de cette période pour se lancer dans la lecture de nouvelles séries, d’autres les ont découvertes à travers des plateformes de streaming. « Wakanim est un site dédié aux anime, mais le grand public les a surtout regardés sur Netflix, constate Thibault Souloumiac. Naruto, One Piece, Hunter x Hunter, L’Attaque des Titans… On peut y trouver les plus gros succès. Après les avoir visionnés, beaucoup de personnes sont ensuite passées au papier. » En 2020, la moitié des abonnés Netflix, soit 100 millions de personnes, ont vu au moins une série ou un film d’animation. Consciente du phénomène, la plateforme a décidé d’étoffer son catalogue. Elle a d’ailleurs profité de la convention AnimeJapan 2021 Expo à Tokyo pour annoncer qu’elle proposerait 40 nouveaux anime tout au long de l’année. Cette popularisation progressive a eu un autre effet : la diversification de l’offre. « Elle a toujours été diversifiée au Japon, mais maintenant de nouveaux mangas se vendent en France, confirme Thibault Souloumiac. Il n’y a qu’à regarder dans les rayons de la Fnac : avant, les coups de cœur concernaient surtout des shōnens classiques. Aujourd’hui, ils mettent en avant des pépites peu connues, c’est génial ! »

LeChefOtaku, LuccassTV, Tonton Benzz, DBTimes… Les influenceurs spécialisés participent aussi à cette explosion des ventes en partageant des revues, des critiques, et en conseillant la lecture de certaines productions à leurs abonnés. Plus proches du grand public, rappeurs, YouTubeurs et sportifs expriment aussi leur affection pour les mangas. Si Gringe et OrelSan rendent hommage au shōnen Saint Seyia et exécutent une fusion façon Dragon Ball Z dans leur clip Ils sont cool, l’interprète du Chant des sirènes a aussi prêté sa voix à la VF de One Punch Man. Une raison supplémentaire pour les fans du rappeur de découvrir cet univers. La chanteuse Dua Lipa a elle aussi fait un clin d’œil aux mangas en dévoilant une tenue 100 % One Piece lors de la Fashion Week de Milan. Du côté des sportifs, l’avant-centre d’Arsenal Pierre-Emerick Aubameyang a fièrement dévoilé sur Instagram son tatouage, en hommage aux personnages Goku et Gohan de Dragon Ball Z.

Après une année record et un intérêt croissant du grand public pour la pop culture, les mangas semblent s’imposer en force dans le paysage littéraire français, au côté des genres historiques.

Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste