Critique

La Chronique des Bridgerton, saison 2 : raison et sentiments

25 mars 2022
Par Lisa Muratore
La saison 2 se concentre sur la romance de Kate Sharma et Anthony Bridgerton.
La saison 2 se concentre sur la romance de Kate Sharma et Anthony Bridgerton. ©Netflix

En 2020, La Chronique des Bridgerton a rencontré un succès fulgurant sur Netflix. Ce vendredi 25 mars, la série est de retour avec une deuxième saison, moins pimentée, mais qui interroge l’indépendance des femmes.

Chers abonnés, l’heure des parades amoureuses a sonné ! À l’instar de la précédente salve, La Chronique des Bridgerton s’ouvre sur le lancement annuel de la saison des fiançailles. Maintenant que Daphne (Phoebe Dynevor) file le parfait amour avec Simon (Regé-Jean Page), c’est au tour d’Anthony, l’aîné de la fratrie, de s’essayer au jeu des courtoisies. Décidé à trouver une épouse convenable pour faire respecter son nom, ses recherches pour dégoter une débutante qui réponde à ses normes impossibles semblent perdue d’avance, jusqu’à ce qu’il rencontre Kate et Edwina Sharma.

L’affection que leur porte le Vicomte risque néanmoins de lui rendre la tâche compliquée. Le défi d’un triangle amoureux va remplacer les subterfuges de Daphne et Simon. Anthony Bridgerton, incarné par le talentueux Jonathan Bailey, devra choisir entre la raison et les sentiments, ce qui n’est pas sans rappeler l’œuvre de Jane Austen, publiée en 1811.

Kate et Edwina Sharma face à Anthony Bridgerton.©Netflix

Les enjeux de cette nouvelle saison sont différents et, sur ce point, la série a su se renouveler. Malgré tout, ces nouveaux épisodes restent fidèles aux codes qui ont fait le charme de la précédente saison. La noblesse anglaise est toujours aussi accro aux ragots de Lady Whistledown qui, telle une Gossip Girl du XIXe siècle, parvient encore une fois à semer troubles et scandales à travers l’aristocratie. On retrouve également la patte de la showrunneuse Shonda Rhimes, tant par la diversité montrée à l’écran que par le mélange entre tradition et modernité qu’elle apporte. Le choix de couleurs vives et chaudes, les musiques revisitées de Madonna et de Rihanna, l’envergure des décors, ou encore le travail sur les costumes dans lesquels se glisse notamment la majestueuse Golda Rosheuvel (la reine Charlotte) sont impressionnants.

La mise en scène ne suffit pas à faire oublier les défauts du scénario

Il y a un réel effort de mise en scène, qui rattrape certaines lacunes de scénario. En choisissant d’aborder l’histoire d’Anthony, on s’attendait à ce que la série phénomène nous propose des éléments aussi amusants que sulfureux. Cependant, la saison 2 semble encore vouloir jouer sur les tourments et les mystères de son protagoniste principal. Il y a, certes, une évolution intéressante, le Vicomte parvenant par instants à nous émouvoir, mais celle-ci se fait au détriment d’une nonchalance plaisante qui entourait auparavant le personnage.

La reine Charlotte dans la saison 2 de La Chronique des Bridgerton.©Netflix

Quant à sa dynamique face à Kate, elle souffre de plusieurs longueurs. Bien que leur duo ait du mordant, leur joute verbale est le seul élément capable de susciter l’excitation des spectateurs. Le scénario joue durant de (trop) nombreux épisodes sur des explications bancales et une tension inaboutie. Un choix qui rend la saison 2 plus romantique, mais moins scandaleuse que sa grande sœur.

Heureusement, les intrigues autour des personnages secondaires sont là pour relever le niveau. La traque de Lady Whistledown par la reine, la trajectoire des Featherington, les mensonges de Penelope ou encore le destin d’Eloïse Bridgerton sont autant d’enjeux scénaristiques qui apportent du rythme.

Les femmes à la rescousse

On peut également saluer l’empreinte féministe de cette nouvelle saison. Si la première salve évoquait la libération sexuelle et l’indépendance des femmes, ces nouveaux épisodes sont l’occasion d’aborder davantage la question de leur épanouissement. D’abord à travers le rôle de Kate, à qui Simone Ashley prête ses traits. Découverte dans Sex Education, l’actrice interprète un personnage fort et libre, deux armes qui lui permettent de naviguer à travers la société anglaise, d’assumer ses choix, mais surtout de protéger les intérêts de sa sœur cadette.

Penelope Featherington et Eloïse Bridgerton dans la saison 2. ©Netflix

Edwina Sharma (Charithra Surya Chandran) semble plus sujette à l’influence de la morale aristocratique et à celle de sa famille. Elle parvient heureusement à s’en détacher dans un monologue prenant, bien que décousu. Grâce à cette scène, la saison 2 de La Chronique de Bridgerton offre plus d’espace à l’autonomie des femmes, à leurs perspectives et à leurs désirs. Elle montre aussi avec intelligence que la pression n’est pas uniquement exercée par les hommes, et que les femmes, aussi bienveillantes soient-elles, restent nuancées et pleines de contradictions.

Les sœurs Sharma dans la saison 2 de La Chronique des Bridgerton.©Netflix

Bien évidemment, le personnage féministe par excellence reste Eloïse Bridgerton. Incarnée par Claudia Jessie, cette féroce jeune femme poursuit une trajectoire déjà entamée dans la saison 1 et symbolise les premières réflexions sur la condition des femmes au XIXe siècle. En choisissant de ne pas se prêter au jeu de la Cour, préférant la lecture aux obligations de la drague (hello, Elizabeth Bennet dans Orgueil et Préjugés !), Eloïse personnifie des idées radicales pour l’époque, mais qui continuent de raisonner en 2022.

Cette thématique a toujours été chère à Shonda Rhimes. La showrunneuse est parvenue à insuffler un angle féministe à son empire de séries. Si sa dernière création, Inventing Anna, tombe dans des clichés faciles, souvent mal orchestrés, La Chronique des Bridgerton réussit davantage à convaincre.

Une partie de la famille Bridgerton dans la saison 2.©Netflix

C’est d’ailleurs le véritable point fort de la série. Bien que la mise en scène soit léchée, cette saison 2 apparaît moins fun et originale que la précédente. Malgré quelques moments surprenants, on regrette l’efficacité et le pétillant des premiers épisodes. Un constat regrettable étant donné qu’Anthony avait plus de potentiel que Daphne. Heureusement, les intrigues secondaires tout comme plusieurs personnages sont là pour nous happer durant les huit épisodes. Car force est de constater que, même si on ne veut pas s’y attarder trop longtemps, on a quand même envie de voir ce que La Chronique des Bridgerton nous réserve. Un plaisir coupable en somme, qui se dévore avec envie et regrets, qu’il ne vaudrait mieux pas que Lady Whistledown apprenne.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste