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Présidentielle 2022 : quel est le programme numérique des candidats ? [MàJ]

11 mars 2022
Par Marion Piasecki, Kesso Diallo
Présidentielle 2022 : quel est le programme numérique des candidats ? [MàJ]
©sdecoret/Shutterstock

Innovation, Internet, réseaux sociaux, dématérialisation, fracture numérique, IA, protection des données, cryptomonnaies… Le numérique est au cœur de nos vies. Il est cependant peu présent dans les discours des candidats à la présidentielle. L’Éclaireur a épluché chaque programme et analysé les récentes déclarations de chaque candidat sur ces différents sujets. Tour d’horizon des (rares) propositions.

[Mise à jour du 21 mars 2022] Ajout du programme numérique d’Emmanuel Macron.

Il fait partie de notre quotidien et est au coeur de nombreux enjeux. Il soulève de nombreuses questions d’ordre politique, juridique, éthique et moral. Il est considéré comme un levier majeur de l’économie française et pourtant, le numérique est, comme en 2017, quasiment absent des programmes et des débats des candidats à la présidentielle.

Fin janvier, Laurence Devillers, chercheuse au Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique, que nous avons rencontrée, publiait un manifeste pour justement encourager les candidats à s’emparer du sujet au cours de cette campagne. La plupart d’entre eux l’abordent dans leur programme, mais, chez certains, cette thématique est à peine mentionnée, voire carrément absente.

Nathalie Arthaud

Il n’y a aucune mention du numérique sur le site de la candidate de Lutte ouvrière.

Nicolas Dupont-Aignan

Le numérique fait partie des thématiques abordées dans le programme de Nicolas Dupont-Aignan sous le titre « Retrouver notre souveraineté numérique ». Le candidat axe son programme sur le fait de ne plus laisser le contrôle aux États-Unis et en particulier aux Gafam. Pour ce faire, il veut encourager la création de moteurs de recherche et de réseaux sociaux pour les pays francophones, à l’instar des pays asiatiques, et le développement de logiciels libres et d’un cloud français.

Il insiste également sur l’importance de la formation au numérique : une école primaire sans écrans, mais un programme plus exigeant à partir du collège, avec des cours sur la programmation, les algorithmes et la conception 3D. Son programme mentionne aussi la lutte contre l’illectronisme et la précarité numérique, ainsi que la nécessité d’intensifier les formations aux métiers du numérique proposées par Pôle emploi.

Anne Hidalgo

La candidate socialiste lie le numérique à l’écologie et demande un engagement total des Gafam dans la transition écologique. Elle prévoit également d’instaurer une « politique de labellisation exigeante » contrôlée par l’État et la société civile. Objectif ? Empêcher tout marketing abusif comme le greenwashing. Anne Hidalgo a aussi pour projet d’œuvrer pour la sobriété numérique, en développant notamment les filières de réemploi et de reconditionnement d’équipements électroniques, et en faisant bénéficier ces activités d’un taux réduit de TVA. Elle prévoit en outre d’obliger les centres de données à établir une charte de réduction de leur empreinte carbone.

Yannick Jadot

Si le numérique n’est pas spécifiquement mis en avant dans le programme du candidat écologiste, il propose tout de même quelques mesures sur le sujet. Dans la partie sur l’école, il dit vouloir renforcer « l’usage démocratique et sobre de l’outil numérique » par l’usage de l’open data et de logiciels libres. De plus, il entend embarquer les enseignants dans la formation des élèves à un usage « raisonné » du numérique.

Il considère que « comme l’eau ou l’électricité », une bonne connexion à Internet est aujourd’hui indispensable. Il suggère donc de rendre le numérique accessible à tous grâce à des dotations « à tarifs très sociaux » et des filières de reconditionnement locales. Pour les handicapés, le candidat écologiste veut créer une Agence de l’accessibilité universelle, entre autres pour leur garantir l’égalité de l’accès au numérique.

Le numérique fait aussi partie de sa politique culturelle. Il souhaite défendre le droit d’auteur, les créateurs et l’exception culturelle, y compris face aux nouveaux usages. Il propose également une « taxe Google » qui consisterait à imposer les géants du numérique pour financer la création de contenu culturel. Ses propositions s’accompagnent d’une volonté de réflexion sur l’impact environnemental du numérique, notamment dans la culture.

Jean Lassalle

Le programme de Jean Lasalle comprend quelques propositions. Pour assurer la souveraineté de la France en Europe et dans le monde, il propose de « renforcer [la] 4e armée pour la cyberdéfense, indépendante des sociétés informatiques » et de lui attribuer un budget correspondant au quart de celui consacré aux autres armées.

Dans la partie de son programme sur les zones rurales, sa grande cause nationale, il affirme sa volonté de « désenclaver » les campagnes entre autres grâce à l’installation de la 4G et de la fibre optique sur tout le territoire. Le numérique est également mentionné dans le domaine de l’éducation : « Créer une nouvelle discipline pour maîtriser les outils numériques (et non plus les subir) », soit la création d’un Capes spécifique.

Marine Le Pen

La candidate du Rassemblement national a résumé son programme en 22 mesures, mais aucune ne concerne le numérique. Dans une interview au magazine Le Point en novembre dernier, elle s’en est prise spécifiquement aux Gafam, envisageant « tout un arsenal de méthodes pour réduire [leur] emprise », notamment « les obliger à conserver et à traiter les données des Européens en Europe » et « obliger les maisons-mères dont des filiales exercent en Europe à rompre le lien hiérarchique qui les unit, afin que ces filiales européennes deviennent des sociétés indépendantes ». Elle encourage la création de géants du numérique français et européens pour les remplacer sur le continent et les concurrencer à l’échelle mondiale.

Emmanuel Macron

Le 17 mars, Emmanuel Macron a officiellement annoncé son programme, dont ses propositions pour le numérique. Parmi ses mesures phares, la création d’un metaverse européen afin de « ne pas dépendre d’acteurs ou d’agrégateurs anglo-saxons ou chinois qui pourront contourner les règles du droit d’auteur ». Concernant la sécurité sur Internet, il veut renforcer la lutte contre le cyberharcèlement, imposer le contrôle parental par défaut et recruter 1 500 « cyberpatrouilleurs » spécialisés.

Concernant l’économie du numérique, Cédric O avait déjà annoncé la principale mesure le 9 mars : porter les investissements dans les start-ups à 30 milliards d’euros par an, avec pour ambition de faire de Paris « le Nasdaq européen ». Du côté de la formation au numérique, Emmanuel Macron veut que les collégiens soient formés au code et aux usages numériques dès la 5e et que 400 à 500 000 experts du numérique soient formés sur le quinquennat.

Jean-Luc Mélenchon

Pour le candidat de la France insoumise, le numérique est une question de souveraineté. Il estime que la France ne doit pas dépendre des Gafam, mais qu’elle doit pouvoir prendre ses propres décisions. Pour garantir la souveraineté du pays, il propose surtout d’assurer la neutralité du Net, qu’il définit comme « l’accès égal de chacun et l’égalité de traitement ». Les autres propositions incluent la création d’une mission nationale de maîtrise de l’intelligence artificielle, le refus de la censure privée sur les réseaux sociaux des Gafam, ainsi que la garantie que les données des services publics et des entreprises essentielles soient hébergées sur des serveurs de droit français situés en France. Il projette en outre de réduire l’impact écologique du numérique avec, entre autres, des réglementations sur l’obsolescence programmée.

Jean-Luc Mélenchon considère par ailleurs qu’il faudrait faire du numérique un bien commun mondial. « La technologie doit servir le progrès humain, et non créer de nouvelles inégalités ou restreindre les libertés », affirme-t-il dans son programme. Dans ce cadre, il suggère de garantir le droit à un accès minimal gratuit à Internet, mais aussi de rendre constitutionnel le droit au chiffrement des données et des communications. Il cherche aussi à aider les Français souffrant d’illectronisme en exigeant que soient conservés les guichets et les formulaires papier bien que les services publics soient dématérialisés.

Valérie Pécresse

La candidate Les Républicains pense particulièrement aux jeunes. Pour faire vivre cette génération, elle prévoit de créer un million de « Talents numériques » d’ici à 2030. Repérés dès la seconde, ils passeraient par une École nationale du numérique dans laquelle les étudiants rémunérés devront travailler dix ans dans la fonction publique. Toujours dans cet objectif, Valérie Pécresse souhaite aussi fournir des ordinateurs à l’ensemble des lycéens français afin de lutter contre la fracture numérique.

De l’autre côté, elle a pour intention de protéger les jeunes. Une volonté qui passe par la création d’un « code pour la protection des mineurs en ligne », incluant un contrôle de l’identité en ligne pour leur interdire l’accès à la pornographie et l’instauration d’un droit à l’effacement des données personnelles dès 16 ans. Avec ce code, une peine complémentaire serait également introduite pour interdire aux personnes condamnées pour harcèlement ou cyberharcèlement d’utiliser les réseaux sociaux.

Philippe Poutou

Il n’y a aucune mention du numérique dans le programme du candidat du Nouveau Parti anticapitaliste.

Fabien Roussel

Le candidat du Parti communiste français souhaite permettre aux travailleurs des plateformes numériques d’obtenir un statut et des droits sociaux. « Les nouvelles formes d’organisation du travail, présentées comme porteuses de libertés individuelles sont en réalité un retour au travail à la tâche, un asservissement du temps de vie et une régression des droits collectifs conquis », affirme-t-il dans son programme. Il ambitionne d’introduire une loi permettant de leur accorder un statut, avec des garanties dans le droit du travail et le droit de la Sécurité sociale. Cette loi « établira les conditions d’exercice de la responsabilité sociale des plateformes numériques et des donneurs d’ordre ». Fabien Roussel projette de faire cesser l’opacité des algorithmes des plateformes qui, selon lui, ont pour conséquence de soumettre les travailleurs « à une dépendance économique et sociale aux conséquences néfastes sur leur santé psychologique et physique ».

Il veut par ailleurs que la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement soit décrétée « grande cause nationale », un label gouvernemental attribué chaque année à une campagne d’intérêt public autour d’un thème. Il permet aux organismes choisis de diffuser des messages gratuitement sur les télévisions et radios publiques pour mettre en avant la cause défendue. La lutte contre le cyberharcèlement passerait aussi par la proposition d’une éducation au numérique « tout au long de la vie » pour éviter les dangers des réseaux sociaux. Les plateformes seraient, elles, obligées de coopérer avec la justice et de supprimer les contenus violents, haineux et discriminatoires.

Éric Zemmour

Le candidat du parti Reconquête s’est démarqué dans son programme numérique en mentionnant le Web3 et la blockchain. Il propose quelques mesures. Concernant la souveraineté numérique de la France, il souhaite investir dans la cybersécurité, le cloud et des technologies émergentes comme l’intelligence artificielle et les ordinateurs quantiques. Une loi imposerait aussi l’hébergement et la sécurisation des données sensibles des Français en France. Il veut aussi encourager les Français à investir dans les start-ups et les entreprises du numérique.

Pour la vie quotidienne, il garantit une connexion haut débit sécurisée pour tous et souhaite accélérer la numérisation des démarches administratives. Concernant l’éducation, il préconise des cours de programmation dès le collège.

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Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste
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