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Cyberharcèlement : quels sont les moyens mis en place pour aider les victimes ?

28 février 2022
Par Kesso Diallo
Les moyens existants pour aider les victimes ne sont pas toujours efficaces.
Les moyens existants pour aider les victimes ne sont pas toujours efficaces. ©asiandelight/Shutterstock

Les victimes peuvent entreprendre plusieurs démarches pour dénoncer cette pratique punie par la loi, mais elles sont nombreuses à ne pas savoir à qui s’adresser.

41 % des Français ont déjà été victime de cyberharcèlement selon un récent sondage Ipsos commandé par l’association Féministes contre le cyberharcèlement. Comme son nom l’indique, cette pratique consiste à harceler quelqu’un en ligne, soit « le fait de tenir des propos ou d’avoir des comportements répétés ayant pour but ou effet une dégradation des conditions de vie de la victime » sur Internet. Il s’agit d’un délit puni par la loi, ce que la plupart des Français ignorent : « C’est un type de violence qui est encore très méconnu et qui est souvent associé à la jeunesse, à une erreur de jeunesse, à des trolls et à des gens ayant tendance à minimiser ces violences », déclare Coumba Samaké, cofondatrice du collectif à l’origine de la demande du sondage.

Même si les jeunes sont les plus touchés par ce phénomène, il concerne en effet l’ensemble de la population et en particulier les groupes minoritaires comme les LGBTQIA+ et les personnes racisées. Entre la collecte de preuves, le dépôt de plainte ou les signalements sur les réseaux sociaux, il n’est pas toujours facile de savoir comment réagir face au cyberharcèlement. Voici un tour d’horizon des moyens existants pour aider les victimes.

Les signalements sur les réseaux sociaux

Le cyberharcèlement tombant sous le coup de la loi, il est passible de sanctions financières et de peines de prison. Ces dernières varient en fonction de deux critères : le fait que l’auteur soit mineur ou majeur et l’âge de la victime. Dans le cas où l’auteur est majeur, la peine peut aller jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Dans le cas inverse, le cyberharceleur s’expose à une peine maximale de 18 mois de prison et 7 500 euros d’amende.

Aux yeux de la loi, les personnes à l’origine de cette forme de cyberviolence sont les premiers responsables, mais ils ne sont pas les seuls. Les intermédiaires techniques comme les réseaux sociaux ont aussi un rôle à jouer. Une victime de harcèlement en ligne a en effet la possibilité de demander le retrait des publications au responsable de la plateforme sur laquelle elles figurent. Un intermédiaire peut alors être reconnu comme responsable s’il n’agit pas rapidement pour retirer les contenus dès qu’il en a été informé. Dans le cas des réseaux sociaux, ils permettent de signaler un comportement inapproprié ou abusif pour ensuite retirer ou non le contenu impliqué selon ses propres critères. Facebook permet par exemple de signaler une publication pour harcèlement. Dans cette catégorie, la plateforme indique qu’elle n’autorise pas les contenus rabaissant ou humiliant une personne, encourageant à l’automutilation ou au suicide ou encore attaquant avec des termes sexuels dénigrants.

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Cependant, ce n’est pas parce qu’une personne alerte les réseaux sociaux sur une publication que celle-ci est retirée. Comme l’a démontré le récent sondage, dans plus de la moitié des cas où les personnes interrogées ont signalé un contenu ou un profil inapproprié, le responsable de la plateforme n’a pas répondu ou a fourni une réponse insatisfaisante. « Les conditions de signalement sont assez floues, il est difficile de voir les règles que les réseaux sociaux mettent en place pour gérer ces signalements. Il faudrait qu’ils soient plus clairs avec leurs critères de sélection », explique Coumba Samaké.

Les signalements auprès de la police et de la gendarmerie

Outre les démarches entreprises sur les réseaux sociaux – qui ne constituent pas une plainte officielle – une victime de cyberharcèlement peut également alerter la police et la gendarmerie. Elle dispose de plusieurs moyens pour cela, dont le site PHAROS (Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements). Géré par des policiers et des gendarmes spécialisés, il permet de leur signaler des contenus illicites. Un service du ministère de l’Intérieur destiné aux victimes de violences sexuelles ou sexistes peut aussi être sollicité lorsque le harcèlement en ligne est lié au sexe, au genre ou à l’orientation sexuelle de la personne. De plus, il est possible de réaliser une pré-plainte en ligne contre le ou les auteurs du cyberharcèlement.

Dans le cas d’un dépôt de plainte, la victime est autorisée à collecter des preuves du délit, notamment avec des captures d’écran, ou de confier cette tâche à un huissier de justice. Ces preuves sont susceptibles d’être utilisées lors du procès… Encore faut-il que celui-ci ait lieu. D’après le sondage, les Français sont nombreux à s’être vu refuser le dépôt de plainte et, dans le cas où ils ont été acceptés, plus de la moitié d’entre elles n’ont pas abouti à des poursuites judiciaires. « La plupart des victimes n’ont pas pu déposer plainte soit parce que les gendarmes ou policiers ne voulaient pas prendre la plainte sous prétexte que les faits n’étaient pas assez importants soit parce qu’ils ne savaient pas qu’il existait des lois condamnant le cyberharcèlement », déclare Coumba Samaké. La cofondatrice de l’association estime par ailleurs que le manque de poursuites judiciaires est lié au manque de moyens déployés par les réseaux sociaux et la police : « Les preuves matérielles les plus courantes sont les captures d’écran et les SMS, mais elles ne sont pas toujours acceptées. L’identification des utilisateurs grâce à l’adresse est une méthode rarement utilisée. Les agresseurs sont très peu condamnés à cause du manque de preuves ».

De nouvelles mesures pour aider les jeunes face au cyberharcèlement

Le gouvernement a récemment dévoilé de nouveaux moyens pour aider les jeunes victimes de cyberharcèlement. Début février, il a lancé l’application 3018 afin de permettre aux enfants de signaler des situations de cyberharcèlement par tchat et de conserver des preuves dans un coffre-fort numérique. Elle porte le même nom que le numéro national contre les violences numériques, qui est accessible par téléphone, par tchat en direct sur 3018.fr, sur Messenger et WhatsApp.

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De plus, l’Assemblée nationale vient d’adopter définitivement une proposition de loi pour combattre le harcèlement scolaire. Elle prévoit des mesures pour mieux lutter contre le cyberharcèlement, comme l’obligation pour les réseaux sociaux de modérer ce genre de contenus. Les portables et ordinateurs utilisés pour harceler un élève ou un étudiant sur ces plateformes pourront également être saisis et confisqués. Enfin, une information sur les risques liés à ce phénomène sera délivrée annuellement aux élèves et à leurs parents.

Bien que ces mesures soient bien accueillies, elles concernent uniquement les jeunes, alors que le cyberharcèlement est un problème touchant des personnes de tout âge. « Nous pensons que c’est une bonne chose, mais c’est dommage que beaucoup de ces mesures soient prises seulement pour les adolescents. Encore une fois, il y a cette vision que le cyberharcèlement est quelque chose que seuls les adolescents vivent. Pourtant, beaucoup d’adultes ne savent pas où se rendre ou ne sont pas pris au sérieux lorsqu’ils sont victimes de violences. Nous aimerions que les prochaines mesures élargissent le champ des victimes et des potentielles victimes », explique Coumba Samaké. Pour la cofondatrice de l’association Féministes contre le cyberharcèlement, il faudrait, entre autres, qu’une ligne d’écoute soit mise à disposition des adultes pour leur permettre d’avoir des solutions concrètes comme les lignes existantes destinées aux jeunes.

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Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste