Article

La France, premier pays sur l’informatique quantique ?

29 janvier 2022
Par Kesso Diallo
Les technologies du futur.
Les technologies du futur. ©Yurchanka Siarhei / Shutterstock

Depuis l’annonce de sa stratégie ambitieuse en janvier 2021, le pays poursuit ses efforts pour s’imposer dans un domaine où nombreux sont ceux qui se sont aussi engagés dans la course, en espérant bien pouvoir un jour être proclamé leader.

Le 21 janvier 2021, Emmanuel Macron a dévoilé une stratégie nationale sur les technologies quantiques. Reposant sur les principes de la physique quantique, ces dernières suscitent l’intérêt de plusieurs pays. Actuellement, l’ordinateur est l’une des technologies les plus connues de ce domaine. Avec ses capacités supérieures aux systèmes classiques, il serait capable de résoudre des problèmes complexes en quelques minutes, alors que cela nécessiterait plusieurs années de calcul pour les ordinateurs actuels, et par conséquent, une énorme quantité d’énergie. Google affirme par exemple que son système quantique est capable de réaliser une opération – qui prendrait 10 000 ans de calcul au meilleur superordinateur classique actuel – en trois minutes et vingt secondes.

Dans le futur, il serait alors possible de prédire finement les propagations épidémiques ou encore d’identifier les signes avant-coureurs des catastrophes naturelles. Ce ne sont là que quelques exemples de ce que les technologies quantiques permettraient d’accomplir. C’est principalement pour cela que les pays cherchent autant à les exploiter. « Les promesses d’applications sont tellement enthousiasmantes et potentiellement intéressantes que les pays veulent être sûrs d’y avoir accès et éventuellement obtenir une part du gâteau dans les perspectives commerciales que ça peut présenter », affirme Olivier Ezratty, consultant en technologies quantiques.

Des avancées en France et dans le monde

Avec sa stratégie lancée l’année dernière, le gouvernement espère placer la France parmi les premières puissances quantiques. Un investissement d’1,8 milliard d’euros est ainsi prévu pour « garantir et pérenniser l’indépendance du pays dans ce domaine technologique qui façonnera le futur ». Dans cet objectif, la France a notamment pour ambition d’être parmi les premières nations à développer un ordinateur quantique universel à grande échelle. Elle espère disposer « d’un prototype complet d’ordinateur quantique généraliste de première génération » dès 2023.

Depuis l’annonce du plan quantique, le pays avance lentement dans ses projets. Pour Olivier Ezratty, cela est dû à la complexité administrative française. En septembre, l’État a lancé son programme d’équipements prioritaires de recherche (PEPR) dédié aux technologies quantiques et doté d’un montant de 150 millions d’euros. Dirigé par le CNRS, le CEA et l’INRIA, il se focalise sur quatre axes, dont les qubits (unités de stockage d’information quantique) et l’outillage logiciel, soit les algorithmes et les codes correcteurs d’erreurs. Les premiers appels à projets devraient être publiés dans les prochaines semaines. Plus récemment, le gouvernement a annoncé le lancement d’une plateforme nationale de calcul quantique qui sera mise à disposition des chercheurs, startups et spécialistes afin de leur permettre d’identifier, de développer et de tester de nouveaux cas d’usage.

L’ordinateur quantique.©Bartlomiej K. Wroblewski / Shutterstock

D’autre part, certains pays ont aussi connu des progrès dans le secteur quantique. Dans le domaine de l’informatique, trois équipes de recherche japonaise, néerlandaise et australienne – dont les travaux ont été publiés dans la revue Nature – viennent d’annoncer qu’elles ont atteint un taux d’erreur inférieur à 1% avec leurs dispositifs quantiques. Parmi elles, l’équipe de l’université de Galles du Sud, en Australie, serait parvenue à atteindre une précision de 99,95% pour un qubit. « Lorsque les erreurs sont si rares, il devient possible de les détecter et de les corriger lorsqu’elles se produisent. Cela montre qu’il est possible de construire des ordinateurs quantiques qui ont suffisamment d’échelle et suffisamment de puissance pour gérer des calculs significatifs », a déclaré le professeur Andrea Morello, qui a dirigé les travaux.

Des alliances pour lutter contre la concurrence

Outre les progrès des autres pays dans les technologies quantiques, la France doit également faire face aux concurrents chinois et américains, qui disposent de moyens plus importants. Raison pour laquelle elle cherche aussi à faire de l’Europe un leader dans ce domaine, en multipliant les collaborations. Un partenariat a par exemple été signé avec les Pays-Bas afin de « renforcer la coopération bilatérale dans les technologies quantiques ». Par le biais de ce partenariat, les deux pays souhaitent, entre autres, développer la recherche et l’emploi dans ce secteur.

Pour Olivier Ezratty, ces collaborations européennes sont la bonne marche à suivre : « Il faut avoir une démarche internationale et c’est ce que les personnes qui gèrent le plan ont adopté. Il faut être malin et dans le quantique, cela signifie « stratégie d’alliance ». L’expert considère même qu’à terme, il sera nécessaire de créer des fonds d’investissements européens et pas uniquement des fonds locaux, pour combler la différence en termes de financements privés entre les États-Unis et la France.

Cette différence a été mentionnée par le PDG de Pasqal, une start-up spécialisée dans l’informatique quantique, à l’occasion d’une audition publique réalisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en octobre 2021. « Cette société [IonQ] vaut désormais 2 milliards de dollars. Et d’autres commencent à suivre la même trajectoire (…) Aujourd’hui, concrètement, j’ai des concurrents aux États-Unis qui ont 600 millions d’euros sur leur compte en banque pour mener à bien leur stratégie ».

Les projets de la France pour 2022

En 2022, la France va poursuivre ses efforts dans le cadre de son plan quantique. Dans les prochains mois, le gouvernement prévoit, par exemple, de lancer un appel à projets pour la cryptographie post-quantique, une branche de la cryptographie consistant à développer des algorithmes permettant aux ordinateurs quantiques de résister aux attaques. Avec le développement de l’informatique dans ce domaine, il devient en effet nécessaire de pouvoir garantir la sécurité des données.

Mais, pour Olivier Ezratty, l’État devrait aussi s’intéresser à la cryptographie quantique qui, elle, utilise les propriétés de la physique quantique afin de sécuriser le transport de l’information. « Le problème, c’est que l’État a l’impression que la cryptographie quantique est l’équivalent de la cryptographie post-quantique alors que ce n’est pas vraiment le cas ». Il explique par ailleurs que les technologies développées avec la cryptographie quantique « sont des technologies qui, ultimement, servent à développer l’Internet quantique, la communication entre ordinateurs quantiques, entre ordinateur et capteur quantiques ». Une raison de plus de ne « pas laisser tomber » ce sujet.

Lire aussi

Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste
Pour aller plus loin