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Remakes et remasters : vrai cadeau pour les fans ou simple manque d’innovation ?

30 janvier 2022
Par Alexandre Manceau
Bien plus qu’une simple refonte graphique, “Mafia: Definitive Edition” est un remake repensé de A à Z pour satisfaire le public d’hier et aujourd’hui.
Bien plus qu’une simple refonte graphique, “Mafia: Definitive Edition” est un remake repensé de A à Z pour satisfaire le public d’hier et aujourd’hui. ©2K Games

Entre les nouvelles versions de jeux vidéo qui misent d’abord sur la marque et celles qui tentent vraiment une refonte, difficile de s’y retrouver.

C’est un anglicisme qui s’est immiscé dans notre façon de parler presque en même temps que les smartphones ou les stories. Popularisé par le cinéma, le concept de remake s’est fait une place de choix ces dernières années dans le jeu vidéo. Sorti en 1988, le portage de Mario Bros. de l’arcade à la NES peut être considéré comme le premier titre à avoir bénéficié de cette pratique. Le célèbre plombier (qui pourrait bientôt faire son retour sur circuit) est décidément un pionnier, puisqu’on le retrouve en 1993, avec un Super Mario All Star qui reprend les quatre Super Mario sortis sur la génération précédente.

Les plus grandes licences succombent à cette mode

La tendance du remake a explosé durant la deuxième décennie du XXIe siècle. À une époque où le jeu vidéo évolue constamment, avec des technologies toujours plus poussées et de nouvelles méthodes (comme l’arrivée des cryptomonaies), ces remakes sont le bonbon de nostalgie qui vient caresser le palais des joueurs. Ces dernières années, des classiques du gaming tels que Resident Evil, Final Fantasy, Mafia ou Super Mario 64 (encore lui) ont tous eu droit à leurs versions 2.0. Une liste à laquelle on peut ajouter le géant Grand Theft Auto, dont la Definitive Edition comprenant GTA III, Vice City et San Andreas a été l’une des grosses déceptions de 2021.

Mais est-ce vraiment par envie de faire plaisir aux joueurs que les remakes se multiplient ? Cet argument, souvent utilisé par les éditeurs, est plutôt juste. L’accessibilité est le premier moteur de cette tendance. La technologie évoluant très vite dans le jeu vidéo et les consoles pouvant devenir vite obsolètes, de très bons jeux ne sont plus du tout accessibles de nos jours. À l’occasion de la sortie de Mafia : Definitive Edition en septembre 2020, Alex Cox, directeur de jeu remake au sein du studio Hangar 13, avait expliqué à Europe 1 que ce titre avait été pensé « parce que ça faisait un moment qu’il était sorti et que ça devenait difficile pour les joueurs qui ont découvert la franchise avec Mafia 2 et Mafia 3 de jouer au jeu original ».

Sortie en novembre dernier, la GTA Trilogy Definitive Edition n’a pas été la dose de nostalgie espérée par les fans.

Succès (quasi) garanti pour l’éditeur et le public

Ça ne surprendra peut-être personne, mais le business joue aussi un rôle majeur dans cette volonté de redonner une nouvelle vie à des titres cultes. Il y a d’abord un gain de temps (et d’argent) du côté du studio, qui démarre le travail à partir d’une base bien établie. Un jeu inédit implique en effet un long travail d’imagination, de recherche, qui peut durer des mois, voire plusieurs années. Mais l’intérêt se trouve aussi une fois la production terminée : un remake permet d’attirer à la fois les joueurs de la première heure et les plus jeunes qui cherchent à découvrir cette licence culte. Les bénéfices sont ainsi bien supérieurs aux coûts de production.

« Du point de vue de l’éditeur, il y a une forme de garantie dans les revenus commerciaux du jeu, car il existe un public déjà acquis, prêt à acheter le produit quand il sortira. Enfin, du point de vue du public, voir un ancien jeu apprécié en son temps remis au goût du jour avec des améliorations techniques ou visuelles sera toujours une bonne chose », confirme Thibault Coupart, data analyst et cofondateur d’Etheractive Studios.

Le remake, ou la difficile tentative de contenter tout le monde

En 2021, la tendance du remake s’est encore confirmée, notamment avec la madeleine de Proust Pokémon Perle et Diamant. Un titre revisité pour Nintendo qui illustre aussi l’une des principales critiques faites aux remakes : outre le fait de moderniser les graphismes du jeu de base, il ne propose pas de grande révolution. Évoqué plus haut, le retour de Mafia fait partie des rares remakes de ces dernières années, aux côtés de Final Fantasy VII ou Resident Evil 3, à avoir bénéficié d’un vrai travail de modernisation. Graphismes plus réalistes, plus de relief pour les personnages, scénario enrichi, décors étendus et temps de jeu multiplié par trois ou quatre… Ces jeux old school entrent ainsi dans la nouvelle génération de la meilleure manière.

Sans revisiter en profondeur les jeux de base, Pokémon Diamant et Perle version 2021 préfèrent jouer la carte du divertissement.©Nintendo

Mais offrir un remake réussi n’a rien d’évident, tant les paramètres à prendre en compte sont nombreux. « Si on reste trop fidèle, des fans reprocheront le manque de nouveautés ; si on sort trop des clous, ils reprocheront de ne pas respecter l’ancienne licence. Et ces deux groupes de fans ne sont pas les mêmes, donc c’est un combat un peu perdu d’avance, explique Thibault Coupart. En général, on préfère coller le plus possible à la licence originelle et ajouter deux, trois choses par-ci par-là ou se concentrer sur l’upgrade visuel. »

La nostalgie au programme des prochaines années ?

Annoncé en 2020, mais repoussé à une date ultérieure pour le moment, le remake de Prince of Persia : les sables du temps fait partie de ces remakes aussi attendus que redoutés. Remettre au goût du jour cette ancienne grande licence d’Ubisoft est un énorme défi et le moins que l’on puisse dire, c’est que les premières images dévoilées avaient refroidi les fans. Un accueil qui a sans doute poussé le studio à revoir sa copie pour offrir la meilleure version possible de ce classique du jeu vidéo. Recycler d’anciennes licences, est-ce paradoxalement l’avenir du jeu vidéo ?

Pour Thibault Coupart, « il est probable que cela devienne de plus en plus courant, mais il s’agit surtout d’une certaine prise de conscience de la part des éditeurs que ce genre de projet peut marcher ». À l’image des suites de jeux sans fin (FIFA, Zelda, Mario), l’idée est de limiter le risque et de faire des remakes semble finalement une stratégie assez logique par rapport au comportement des éditeurs. Entre la possible sortie de Prince of Persia et le remake de The Last of Us sur PS5 en 2022, sans oublier celui de Star Wars Knight of the Old Republic à une date encore inconnue, la vague de nostalgie n’a pas fini de déferler sur nos consoles.

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Article rédigé par
Alexandre Manceau
Alexandre Manceau
Journaliste