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Le slasher movie, un succès à double tranchant

12 janvier 2022
Par Lisa Muratore
Ghostface sera de retour ce mercredi 12 janvier au cinéma dans “Scream”.
Ghostface sera de retour ce mercredi 12 janvier au cinéma dans “Scream”. ©Paramount Pictures Germany

Entre sous-genre original du cinéma d’horreur et nanar complet, le slasher movie a évolué au fil du temps. Retour sur la place de cet enfant terrible du septième art à travers les décennies, et son avenir sur nos écrans.

Scream est attendu ce mercredi 12 janvier dans les salles obscures. Le mythique Ghostface fera son retour dans les cinémas face à la vaillante Sidney Prescott, pour un dernier duel à l’arme blanche. Après l’énième retour de Michael Myers dans Halloween en octobre 2021, c’est donc au tour du tueur de Woodsboro de nous faire hurler de peur. L’occasion pour les spectateurs de replonger dans l’univers horrifique des slasher movies.

Considéré comme un cinéma de « niche » au sein du genre horrifique, il obéit à des codes fondamentaux : un tueur effrayant (dont le charisme se reflète à travers son arme, son masque ou son attitude) poursuit ses victimes dans un environnement d’apparente sécurité. Cette définition s’est construite au fil des adaptations jusqu’à ce que le genre gagne ses lettres de noblesse. Elle semble par ailleurs perdurer au point qu’aujourd’hui, malgré des cycles de dégringolade, le slasher symbolise un élément phare de la pop culture.

L’évolution du slasher movie : d’Alfred Hitchcock à Wes Craven

Il est difficile de retracer son origine précise. Pour certains, le célèbre Psychose d’Alfred Hitchcock ou Le Voyeur de Michael Powell ont servi de prémices à ce sous-genre de l’horreur. Pour d’autres, il s’agit de Massacre à la tronçonneuse, dans lequel Tobe Hooper a préféré les dents de scie au couteau.

Les slasher movies doivent aussi beaucoup au giallo italien, un genre à la frontière entre le film policier, l’horreur et l’érotisme. Ce dernier va se démocratiser à l’horizon des années 1970, à l’instar des films d’horreur sur ces tueurs maniaques. C’est notamment durant cette décennie que les contours des slasher movies que l’on connaît aujourd’hui sont dessinés, tout d’abord avec Black Christmas, en 1974, suivi quatre ans plus tard par la pierre angulaire du genre, Halloween de John Carpenter.

Norman Bates dans Psychose (1960), le premier slasher du cinéma.©DR

Après quoi, une myriade de films vient asseoir le genre et ses codes dans le paysage cinématographique des années 1980. Parmi eux, on retrouve Vendredi 13, Freddy – Les Griffes de la nuit, Hellraiser, Jeu d’enfant, sans oublier Halloween 2. Mais cet âge d’or prolifique du cinéma d’horreur s’essouffle rapidement au début des années 1990, au point d’être relayé au rang de vilain petit nanar. Même le cinéma français se moque. On se souvient de La Cité de la peur en 1994, personnifié par la bande des Nuls. Les stéréotypes de caractérisation des personnages se multiplient aussi vite que le vide scénaristique et la pauvreté esthétique s’installent. Plutôt que de proposer des œuvres innovantes, les majors mettent la main sur un genre d’une rentabilité redoutable.

La résurrection du slasher movie grâce à Scream

Ce mécanisme va rapidement lasser les foules, fatiguées de voir le retour de Michael Myers & Cie sur grand écran. La fin des années 1990 sonne donc le glas des slashers, chacun de ces tueurs mythiques s’éteignant dans des suites relativement passables, voire médiocres… jusqu’à l’arrivée d’un certain long métrage intitulé Scream, en 1996.

L’arrivée du Ghostface au cinéma dans Scream (1996) a marqué le genre et la pop culture.©Dimension Films

Alors en perdition, ce genre horrifique et ses amateurs ont en effet pu compter sur l’arrivée du Ghostface devant la caméra de Wes Craven. En replongeant dans un genre usé, ce génie de l’horreur redonne au slasher movie ses lettres de noblesse, en filmant la traque de Sidney Prescott (Neve Campbell) par un tueur au masque désormais devenu culte. Le « neo-slasher » est né.

La place du slasher movie dans la pop culture

À travers les thématiques abordées, les slasher movies sont généralement le reflet d’un mouvement sociétal et générationnel qui aura pour conséquence d’ancrer ces œuvres dans la pop culture. L’attachement du public pour le genre trouve tout d’abord son origine dans le mythe du meurtrier. Ces créatures, omniprésentes et surhumaines, animées d’une passion dévorante pour le meurtre d’adolescents, sont au centre du long métrage. Elles fascinent par leur violence et leur psychologie, et les victimes sont finalement relayées au second plan. Le slasher puise également son pouvoir dans l’environnement dans lequel il agit. À la différence du survival, qui se déroule dans un lieu hostile pour les victimes, le slasher movie prend pour décor un cadre familier. Ces éléments vont participer à construire un attrait populaire autour de ces boogeymen du septième art.

Leur duel face à des personnages féminins combatifs est également l’une des thématiques abordées, tout comme la métaphore sexuelle. Les travaux critiques de Vera Dika et Carol Clover dans Games of Terror et Men, Women, and Chainsaws: Gender in the Modern Horror Film tendent à montrer que le genre possède une place prédominante dans les slasher movies, le dernier survivant étant généralement une femme. Sa virginité est questionnée, celle-ci représentant le dernier rempart face au Mal. Cette interprétation est perçue comme le reflet de préoccupations sociales, ayant pour objectif la moralisation des foules.

Michael Myers a marqué durablement la pop culture des slashers dans Halloween (1978).©Splendor Films

Le slasher représente alors un élément subversif. Son ascension dans les années 1980 a montré que la censure n’avait pas disparu, en repoussant la limite de ce qui est montrable sur grand écran, notamment aux États-Unis, dans une Amérique encore puritaine.

Néanmoins, Scream va venir inverser une certaine tendance. Si le film de Wes Craven réunit de nombreux codes du genre, l’œuvre va plus loin en représentant finalement un slasher dans un slasher. Le réalisateur utilise par touche les codes qui ont fait le succès du genre dans les années 1980, mais casse aussi le quatrième mur en évoquant la culture de l’horreur et en bousculant la figure du tueur. Ce dernier n’est plus un monstre surnaturel, mais un véritable psycho-killer sadique qui prend un malin plaisir à torturer ses victimes. Le mystique disparaît et les protagonistes, comme le public, sont plus âgés. Ça participe à renverser le symbole de l’Amérique puritaine défendu dans les premiers slasher movies, tout en inaugurant une nouvelle forme de film d’horreur inspiré du genre.

Quel avenir pour le slasher movie ?

Le début des années 2000 est marqué par un nouvel essor de ce genre horrifique. Scream a donné naissance à plusieurs suites, mais inaugure également l’arrivée de films comme Souviens-toi l’été dernier, Destination finale, Jeepers Creepers ou encore Haute tension. Cependant, et bien qu’elles aient conservé leur brutalité, ces adaptations se sont éloignées de l’esthétisme initial. Des slashers inédits voient également le jour, plusieurs cinéphiles voyant en Jigsaw la nouvelle figure de ce cinéma d’horreur, dès 2004. Le slasher bascule alors dans le gore avant d’opérer un véritable changement de genre qui représentera les prémices d’un cinéma qualifié de torture-porn.

Le cinéma d’horreur observe également l’ascension des films de zombies, les slasher movies étant quant à eux condamnés à l’univers des parodies – comment oublier Scary Movie ? – ou à celui des remakes dans lesquels les tueurs ne seront pas aussi mémorables que Ghostface.

La série anthologique American Horror Story 1984 s’est inspirée des slasher movies pour sa saison 9.©Fox

On observe une nouvelle tendance depuis les années 2010 : les séries sur les slashers. On peut notamment citer Harpers Island, Scream, Chucky, Scream Queens, American Horror Story 1984 ou encore en Souviens-toi l’été dernier (2021). Ces nouveaux formats participent à donner un nouveau souffle à l’univers de ces meurtriers sanguinaires, et à l’adapter à la réalité d’une nouvelle génération de spectateurs. On note aussi la création hybride Fear Street, à mi-chemin entre la série et le film, sortie sur Netflix l’an passé.

Difficile, donc, d’enterrer définitivement le slasher. Bien qu’il soit tombé dans le piège du succès, il représente un pan important du cinéma d’horreur depuis plus de 40 ans. Par ailleurs, et en dépit de plusieurs défauts, les nouveaux formats sériels, tout comme les retours récurrents des tueurs sur grand écran, sont bien la preuve que ce genre a toujours une place dans la pop culture actuelle. Selon Vincent Maia, auteur du livre À couteaux tirés, l’histoire du slasher movie, le genre pourrait connaître un regain d’intérêt ces prochaines années si des cinéastes connaisseurs du genre, désireux d’offrir un scénario solide et capables de parler à la nouvelle génération, s’attaquent à un projet original. Happy Birthdead en 2017 représente une première tentative. Le retour de Michael Myers dans la dernière trilogie Halloween a signé un nouvel essai en 2021. Et peut-être que ce Scream de 2022 pourrait encore une fois sauver ce genre qui nous manque tant aujourd’hui.

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Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste
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