Critique

La venue de l’avenir au Festival de Cannes 2025 : un retour réussi pour Cédric Klapisch ?

22 mai 2025
Par Lisa Muratore
Suzanne Lindon dans “La venue de l'avenir”.
Suzanne Lindon dans “La venue de l'avenir”. ©StudioCanal/Coulours of Time/Ce qui me meut/Emmanuelle Jacobson Roques

Présenté ce jeudi 22 mai hors compétition au Festival de Cannes, La venue de l’avenir marque le retour de Cédric Klapisch sur grand écran. Dans ce nouveau long-métrage, le cinéaste de L’auberge espagnole (2002) interroge le passé et le présent dans l’une des œuvres les plus ambitieuses de sa filmographie.

Trois ans après En corps (2022), Cédric Klapisch est de retour au cinéma avec La venue de l’avenir. Récit choral et historique, le film suit quatre cousins éloignés, Seb (Abraham Wapler), Abdel (Zinedine Soualem), Céline (Julia Piaton) et Guy (Vincent Macaigne), chargés de régler la succession d’une maison abandonnée pendant des décennies. Cependant, au moment de la visite, ce groupe atypique va découvrir des trésors insoupçonnés et partir sur les traces de leur aïeule, Adèle Vermillard (Suzanne Lindon), une jeune fille qui, en 1895, a quitté sa Normandie natale pour s’installer à Paris, au moment où la photographie et les salons des impressionnistes émergeaient.

Présenté hors compétition au Festival de Cannes, dans l’enceinte du Grand Théâtre Lumière, le nouveau long-métrage du cinéaste, révélé en 1994 par Le péril jeune, se présente ainsi comme un véritable face-à-face entre deux époques (2025 et 1895). Une discussion à travers le temps grâce à laquelle les personnages contemporains vont interroger le passé et leurs origines afin de mieux comprendre leur présent.

Vincent Macaigne, Zinedine Soualem, Julia Piaton et Abraham Wapler dans La venue de l’avenir.©StudioCanal/Colours of Time/Ce qui me meut/Emmanuelle Jacobson Roques

Ce qui nous lie

Le réalisateur mélange la petite avec la grande histoire, n’hésitant pas, à la manière d’un Robert Zemeckis dans Forrest Gump (1995), à inclure de façon amusante et poétique ses héros de fiction dans une véracité historique. Un outil scénaristique qui donne du rythme au long-métrage, mais qui permet surtout à Cédric Klapisch de développer son propos.

En interrogeant la filiation dans un monde toujours plus connecté, le cinéaste invite ses personnages à ralentir, à prendre du recul, à contempler et à se questionner sur leurs racines. Un comportement qui, entre humour et poésie, résonne auprès des spectateurs et spectatrices tout en imprégnant le film d’un message universel.

La venue de l’avenir.©StudioCanal/Colours of Time/Ce qui me meut/Emmanuelle Jacobson Roques

C’est d’ailleurs à cela que l’on reconnait le 7e art « klapischien ». L’artiste est toujours parvenu, au fil de sa carrière, à proposer un cinéma populaire et accessible. Sans jamais tomber dans le misérabilisme ni l’intellectualisme poussé, Cédric Klapisch est avant tout un cinéaste de l’humain, capable d’offrir des récits pertinents sur son époque afin de comprendre ce qui nous unit.

Ainsi, après l’œnologie ou la danse contemporaine, deux arts qu’il observait respectivement dans Ce qui nous lie (2017) ou En corps (2022), le réalisateur questionne l’impact de la photographie et de la peinture comme témoins du temps, mais surtout comme moyen de reconnexion.

Paul Kircher dans La venue de l’avenir.©StudioCanal/Colours of Time/Ce qui me meut/Emmanuelle Jacobson Roques

Pour cela, Cédric Klapisch a également choisi de s’entourer de plusieurs générations de cinéma. Si on croise Cécile de France dans le rôle hilarant d’une conservatrice de musée, Zinedine Soualem dans celui d’un professeur bientôt à la retraite émouvant ou encore Vincent Macaigne dans la peau d’un cousin légèrement largué, La venue de l’avenir est aussi l’occasion de croiser la nouvelle garde du cinéma français. Suzanne Lindon, Paul Kircher, Vassili Schneider, mais aussi Abraham Wapler – véritable révélation du film – composent, en effet, ce casting intergénérationnel.

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Raconter l’histoire

Grâce à un regard unique, le réalisateur propose des histoires au fort potentiel identificateur. Cependant, avec La venue de l’avenir, il change d’échelle. Après le timide En corps – dans lequel il filmait le destin brisé d’une ballerine qui découvrait la danse contemporaine –, Cédric Klapisch offre avec La venue de l’avenir un film plus ambitieux. En s’autorisant des va-et-vient à travers les époques, en déployant une galerie de personnages haute en couleurs, et en jouant avec l’histoire de l’art, le réalisateur donne un souffle original à sa nouvelle création cinématographique. En témoigne le travail sur les décors et les costumes, dans un Paris en plein boom industriel au début du XXe siècle.

La capitale française est, par ailleurs, au centre de l’image. Après sa trilogie composée de L’auberge espagnole (2022), Les poupées russes (2005) et Casse-tête chinois (2013), dans lesquels il rendait respectivement hommage à Barcelone, Saint-Pétersbourg et New York, c’est au tour de Paris d’être la toile de fond de son récit, au point d’en faire un personnage à part entière.

La bande-annonce de La venue de l’avenir, présenté hors compétition au Festival de Cannes.

Tout en renouant avec les codes de son cinéma choral, entre comédie et drame moderne, le metteur en scène s’essaie pour la première fois au film d’époque. Un mélange des genres bienvenu après un détour par le cinéma d’auteur moins fantaisiste, qui lui offre aujourd’hui une place de choix au Festival de Cannes.

En effet, c’est la première fois que Cédric Klapisch montera les marches du Palais des festivals. Une reconnaissance méritée pour l’un des piliers du cinéma contemporain qui n’a cessé, au fil de ses œuvres, de construire un univers singulier et pittoresque. Aujourd’hui, avec La venue de l’avenir, il poursuit une filmographie unique. Toujours au travers de dialogues savoureux et d’une poésie mise au service des personnages, Cédric Klapisch adopte toutefois une envergure plus franche. Il fallait au moins ça pour qu’on lui déroule le tapis rouge.

La venue de l’avenir, de Cédric Klapisch, avec Suzanne Lindon, Abraham Wapler, Paul Kircher, Julia Piaton, Zinedine Zoualem, Cécile de France, 2h06, le 22 mai 2025 au cinéma.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste