Et si vos lectures ressemblaient à une partie de jeu ? Dans la LitRPG, les quêtes, niveaux d’expérience et mécaniques de jeu s’invitent dans les pages des romans, offrant une immersion totale aux lecteurs.
Mixer littérature imaginaire et mécaniques de jeu de rôle : à première vue, l’alliance semble improbable. Et pourtant, elle existe bel et bien. Ces dernières années, un genre inédit a fait son apparition sur les étagères des librairies : la « LitRPG ».
Ce courant novateur, à la croisée de la fantasy, de la science-fiction et des jeux vidéo, a récemment gagné en visibilité avec la sortie en France d’une œuvre emblématique de cette tendance, le 7 novembre dernier : Dungeon Crawler Carl de Matt Dinniman. Retour sur les origines, les codes et les singularités de ce genre en plein essor.
Les œuvres fondatrices
Contraction de « Literature » et « Role playing game », la LitRPG prend officiellement son essor en 2013 en Russie, portée par des auteurs comme Vasily Mahanenko (La voie du chaman) ou Dmitry Rus (Play to live). Mais ses prémices remontent en réalité plus loin. Dès les années 1980, des œuvres comme Quag Keep d’Andre Norton et Dream Park de Larry Niven et Steven Barnes posaient déjà les bases de cette littérature hybride.
Qu’est-ce qui fait de ces romans les ancêtres de la LitRPG ? Leur capacité à intégrer des mécaniques de jeu dans leurs récits. Dans Quag Keep, les personnages évoluent dans un monde fantastique régi par des règles explicites : leurs actions sont influencées par des jets de dés. Dream Park pousse l’immersion plus loin en imaginant un futur où les joueurs participent à des aventures mêlant réalité virtuelle et défis.
Des récits aux règles explicites
Ces romans introduisent deux éléments fondamentaux qui définissent désormais la LitRPG : une structure narrative basée sur des systèmes de progression, et une mise en avant explicite des règles qui régissent l’univers. À l’instar des jeux vidéo, les personnages évoluent en accomplissant des quêtes, en gagnant des points d’expérience et en améliorant leurs compétences. Ces mécanismes, bien plus que de simples artifices, deviennent une composante du récit.
Si ces œuvres ne portaient pas encore l’étiquette « LitRPG », elles en ont posé les bases. Il faudra attendre les années 2000 et l’essor des MMORPG (jeux de rôle en ligne massivement multijoueur), tels que World of Warcraft, pour que ces récits gagnent en popularité. Ces univers immersifs, où les quêtes et la progression des personnages sont au cœur de l’expérience, ont consolidé l’attrait pour ce type de narration hybride.
Une parenté avec d’autres genres littéraires
De fait, la LitRPG se rapproche d’autres genres, mais s’en distingue nettement. Par exemple, contrairement aux « livres dont vous êtes le héros » comme la célèbre collection de Gallimard, où le lecteur décide de l’issue, la LitRPG suit un protagoniste central défini par des statistiques. Le lecteur y observe son évolution, sans intervenir directement.
Elle partage aussi des points communs avec les isekai, ces récits où le héros est transporté ou réincarné dans un monde parallèle souvent fantastique, comme Re : Zero – Starting Life in Another World. Cependant, là où l’isekai se concentre sur l’adaptation du personnage à un nouvel environnement, la LitRPG met en avant des mécaniques de jeu intégrées, qui structurent directement l’intrigue.
Enfin, à la différence des romans issus de franchises comme Assassin’s Creed, la LitRPG invente des mondes originaux où les règles du jeu dictent l’intrigue et l’évolution des personnages, rendant le genre unique.
Le phénomène Dungeon Crawler Carl
Publié le 7 novembre dernier, le nouveau roman de Matt Dinniman, Dungeon Crawler Carl, illustre parfaitement ce qui fait la singularité de la LitRPG. Le récit suit Carl, un homme ordinaire, et Princesse Donut, le chat capricieux de son ex, alors qu’ils se retrouvent dans un jeu télévisé sadique où la Terre entière a été transformée en un gigantesque donjon. Chaque niveau est truffé de pièges, de monstres et de butins, et les participants doivent non seulement survivre, mais aussi séduire un public extraterrestre avide de divertissement.
Ce roman incarne les codes du genre : une progression constante des personnages, des mécaniques de jeu explicites, comme les quêtes et les compétences, et un univers où les règles dictent la survie. Avec son mélange d’humour noir, d’action frénétique et de tension permanente, Dungeon Crawler Carl pousse aussi à réfléchir sur la société du spectacle et sur la manière dont les individus s’adaptent à des systèmes absurdes pour survivre. Une première lecture idéale pour découvrir ce genre prometteur.