Le Japon en compte plus de 10 000. Les idoles, ces figures parfaites et éphémères du divertissement, fascinent autant qu’elles interrogent, derrière leurs sourires éclatants et leur image calibrée à l’extrême.
La sortie de la série live-action d’Oshi no Ko sur Prime Video, prévue le 28 novembre, s’impose comme un événement incontournable pour les fans du manga à succès. En huit épisodes, suivis d’un film intitulé The Final Act prévu pour le 20 décembre dans les cinémas japonais, cette adaptation entend capturer l’essence d’une œuvre qui mêle thriller psychologique, critique sociale et exploration de l’industrie des idoles. Mais une question se pose : qu’est-ce qu’une idole, au juste ?
Les idoles dans les mangas
Dans Oshi no Ko, elles occupent une place centrale, incarnées par des figures marquantes comme Ai Hoshino. Adulée par ses fans, cette chanteuse et actrice incarne l’image parfaite qu’exige cette industrie. Pourtant, sous le strass et les paillettes se cache une vérité sombre : Ai mène une double vie, mère célibataire de jumeaux qu’elle doit cacher au monde. La tragédie qui entoure son destin devient le point de départ d’un récit complexe, où son fils, Aqua, cherche à venger sa mort, tandis que Ruby, sa fille, s’efforce de poursuivre son rêve d’idolâtrie.
Si Oshi no Ko explore avec brio les facettes les plus troubles de ce système, il n’est pas le seul à s’y pencher. Des œuvres comme Trapezium, qui détaille les rivalités entre jeunes filles dans le milieu, Perfect Blue, un thriller psychologique culte, ou encore Fool’s Paradise, qui plonge dans les abus et les désillusions des coulisses du divertissement, interrogent également les rouages de cette fabrique de rêves et ses dérives.
Une industrie de l’innocence et de l’apparence
Le concept d’idole, tel qu’il existe au Japon, est unique. À l’opposé de l’image d’une superstar occidentale, l’idole japonaise est avant tout un produit médiatique conçu pour incarner la pureté, l’innocence et une proximité calculée avec ses fans. Ces jeunes artistes, souvent recrutées dès l’adolescence lors d’auditions, sont formées au chant, à la danse et au jeu d’acteur, leur image publique étant façonnée jusque dans les moindres détails.
Cette perfection imposée par les agences repose sur des règles strictes. Le célibat est non seulement attendu, mais obligatoire, sous peine de scandale. Les idoles sont par ailleurs soumises à des standards physiques impitoyables : chaque kilo superflu ou signe de fatigue devient un risque commercial. Ce système bien huilé, pensé pour maximiser les profits, entraîne de fait un coût humain immense.
Derrière l’écran de fumée
Derrière les sourires éclatants et les foules enthousiastes, ces jeunes femmes sont traitées comme des produits. Leur temps est monnayé auprès des fans à des tarifs parfois exorbitants, mais elles touchent rarement les fruits de leur succès, l’essentiel des revenus revenant aux agences qui les contrôlent.
Plus troublant encore, l’hypersexualisation de certaines idoles, notamment mineures, met en lumière les dérives profondes de cette industrie. Des pratiques telles que celles des « Junior Idols » ou des « Gravure Idols », où de très jeunes filles posent dans des tenues suggestives ou jouent sur une sensualité calculée, suscitent des critiques virulentes à l’international. Ces usages, profondément ancrés dans la culture japonaise, interrogent sur les limites morales d’un système où l’apparence et la performance priment sur la dignité humaine.
Pression constante, surveillance étouffante, carrières fragiles stoppées au moindre faux pas… Oshi no Ko ne se contente pas de refléter cette réalité : il la dissèque avec une lucidité implacable, dévoilant les rouages d’un système qui broie l’humain au profit des fantasmes et de la rentabilité.