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Matrix : retour sur le succès d’une saga culte du cinéma

22 décembre 2021
Par Lisa Muratore
Affiche du premier volet de la saga “Matrix”.
Affiche du premier volet de la saga “Matrix”. ©Warner Bros

Matrix 4 débarque dans les salles de cinéma françaises à partir du 22 décembre. L’occasion de revenir sur le succès d’une franchise mythique.

Si l’on devait décrire la saga Matrix en un seul mot, ce serait probablement : « révolutionnaire ». Sorti en 1999, le premier volet réalisé par les sœurs Wachowski a marqué un tournant dans le septième art. Les cinéphiles et la critique ont été rapidement séduits par les aventures de Neo, Trinity et Morpheus. Avec un succès au box-office de 400 millions de dollars et quatre Oscars techniques en poche, il n’est pas étonnant que le premier chapitre ait, par la suite, donné lieu à deux autres opus. Aussi novateurs que divertissants, ces trois films sont rapidement rentrés au panthéon de la pop culture, formant ainsi une œuvre inclassable.

À l’horizon du deuxième millénaire, cette saga visionnaire a métamorphosé le paysage cinématographique de la science-fiction de différentes manières. L’univers dystopique de Matrix s’est rapidement imposé comme une œuvre de référence dans laquelle les amateurs de science-fiction pourront replonger à compter du mercredi 22 décembre, avec la sortie de Matrix : Resurrections.

Keanu Reeves incarne Neo dans la trilogie Matrix.©Warner Bros

Mis en scène par Lana Wachowski, le long-métrage filme le retour de Keanu Reeves et de Carrie-Anne Moss dans la peau de Neo et de Trinity. Le duo de hackers fait son grand retour au cinéma, plus de 20 ans après la sortie du premier volet. L’occasion pour ce couple iconique de défier une nouvelle fois le redoutable monde des machines et, pour nous, de revenir sur les diverses raisons qui ont favorisé le succès de la saga.

Matrix : une révolution visuelle majeure

Dès sa sortie, Matrix est une véritable claque visuelle. Grâce à une mise en scène futuriste utilisant la désormais célèbre CGI (Computer Generated-Imagery), les sœurs Wachowski n’ont rien à envier à Peter Jackson et au premier volet du Seigneur des Anneaux, ni à George Lucas avec Star Wars I : la menace fantôme, ces deux sagas ayant également inauguré la décennie des années 2000. Que ce soit à travers les fameuses lignes de codes vertes, une photographie plastique encore jamais vue ou encore grâce aux scènes d’action vibrantes rendues cultes grâce au fameux bullet time, les réalisatrices ont permis à la franchise de s’inscrire durablement dans la pop culture.

L’empreinte de la saga a été importante, car elle est le reflet d’une évolution hollywoodienne inédite à la fin des années 1990. À l’époque, Matrix est en effet la métaphore du passage entre le physique et le numérique au sein du septième art.

Une œuvre aux multiples références artistiques

Cette modernité se mélange aux divers hommages et références à plusieurs œuvres artistiques. La trilogie apparaît tout d’abord comme la digne héritière d’une génération marquée par Blade Runner (1982), Terminator (1984), Total Recall (1990) ou encore Dark City (1998). Matrix sacralise ici le film cyberpunk et ne lésine pas sur les clins d’œil à ces œuvres hors norme. On note également l’hommage rendu à Johnny Mnesonic, film de référence du mouvement dans lequel Keanu Reeves incarne le premier rôle.

Par ailleurs, les sœurs Wachowski ne se cantonnent pas aux œuvres de science-fiction cultes du XXe siècle pour construire leur univers, elles vont aussi vers celui des mangas japonais. Par exemple, Ghost in The Shell sert grandement le travail des cinéastes, qui ont reconnu avoir emprunté de nombreuses références au monde de Masamune Shirow. Elles s’inspirent aussi des longs-métrages de kung-fu et rendent hommage à Bruce Lee à travers l’entraînement de Neo ou les scènes de combat contre l’Agent Smith.

Dans la saga Matrix, les sœurs Wachowski font notamment référence aux films de kung-fu, dont l’exemple le plus frappant est le duel de Neo et de l’Agent Smith.©Warner Bros

La trilogie emprunte également des éléments à des œuvres littéraires. En effet, difficile de ne pas voir la référence évidente faite à Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll avec le lapin blanc et, plus généralement, à travers le voyage initiatique de Neo. Les sœurs Wachowski se sont également inspirées de l’œuvre phare de George Orwell, 1984, qui décrit une société totalitaire basée sur l’ignorance dans laquelle ce que l’on croit est plus important que la vérité. Cette thématique est le fondement même de Matrix, la saga ayant toujours joué sur la différence entre réalité et illusion, à travers un scénario philosophique.

Matrix et son scénario parabolique

L’une des raisons du succès de Matrix, c’est aussi le cœur de son histoire. En effet, les réalisatrices sont parvenues à aller plus loin que le simple film de science-fiction et d’action à travers un scénario ingénieux, mais aussi métaphorique. La Matrice est ici l’adaptation moderne de l’allégorie de la caverne de Platon et la réalité représente le monde des idées. Le sujet humain est inconscient de son destin jusqu’à ce qu’il sorte du monde souterrain et se libère de l’emprise des machines. À travers cette métaphore, les sœurs Wachowski sont parvenues à populariser la métaphysique du réel, un élément qui apporte de la profondeur au scénario, alors que Matrix est également le reflet d’une parabole biblique.

Neo face au monde des Machines dans Matrix : Revolutions.©Warner Bros

Difficile en effet de passer à côté des nombreux clins d’œil faits à la religion et plus particulièrement au christianisme. Le rôle de l’Élu campé par Keanu Reeves, l’Oracle, ou encore Trinity sont en effet autant d’éléments paraboliques ayant apporté du sens à la saga. On note également le mythe du Léviathan défendu par Hobbes, le monstre biblique dont le but est d’atteindre la paix et l’ordre, que suivent aveuglément les hommes, à l’image du pouvoir que les machines exercent.

L’impact de la saga sur la société contemporaine

Plus que des films de science-fiction au scénario unique mis en scène avec inventivité, Matrix a également été le révélateur des préoccupations contemporaines du début des années 2000. Il s’agit tout d’abord du rapport des humains aux machines, avec l’émergence d’Internet, puis celle des nouvelles technologies, davantage développée dans le quatrième volet. La trilogie représentait à l’époque ce que pourrait à terme devenir cette révolution technologique. Internet et réalité s’entremêlent avec l’arrivée dans les foyers du Web et de l’intelligence artificielle, personnifiée par l’Agent Smith, jusqu’à créer une angoisse populaire face à un monde de plus en plus capitaliste et mondialisé.

Ce propos politique apporte du poids à la saga Matrix, qui a également exercé une influence sur notre société, notamment vis-à-vis de la sphère conspirationniste. Le choix binaire de la pilule bleue contre la pilule rouge s’inscrit en effet dans l’imaginaire populaire, tout comme l’illusion pilotée par les Machines, deux ans avant les attentats du World Trade Center, événement fondateur de ce nouveau siècle, souvent au cœur des théories conspirationnistes contemporaines.

Morpheus offrant le fameux choix de la pilule bleue ou rouge à Neo.©Warner Bros

On peut également évoquer l’allégorie trans tant rêvée par les sœurs Wachowski, qui, aujourd’hui, pourrait sonner comme l’annonce de leur future transition. Si, au moment de la sortie des films, cette métaphore était encore lointaine, celle-ci pourrait être un des éléments qui a pérennisé le succès de la saga au fil des années, au point d’en faire une œuvre contemporaine capitale. Plusieurs scènes sont plus ou moins évidentes. On pense au choix binaire que doit faire Neo, à l’homme blanc médian incarné par les Agents Smith, ou encore à l’ambivalence suggérée de Trinity lors de sa rencontre avec l’Élu.

Avec une mise en scène impactante et une histoire profonde (voire poétique), Matrix a connu un succès inédit dès sa sortie. La franchise a également pris pour trame de fond des thématiques philosophiques, métaphysiques et politiques. C’est notamment grâce à ce triptyque que la saga est parvenue à dépasser le schéma classique du blockbuster hollywoodien et à offrir une œuvre fondamentale. Cette gloire est encore aujourd’hui pérenne, la franchise symbolisant les préoccupations sociétales modernes, allant de l’analyse technologique à celle du genre. Du pur génie artistique comme le cinéma en produit rarement, qui a su s’inspirer de nombreuses références, tout en devenant elle-même une œuvre capitale du septième art.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste
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