La conclusion de Jujutsu Kaisen, avec son ultime chapitre publié le 30 septembre, marque la fin d’une histoire qui a redéfini les codes du shōnen. Dans la noirceur et l’intensité caractéristiques de l’œuvre, Gege Akutami donne un point final imprévisible mais fidèle à son style, loin des réponses explicites et convenues.
Le rideau tombe. Ce 30 septembre, après une course effrénée de plusieurs années, Jujutsu Kaisen s’éteint avec la publication de son dernier chapitre, le 271, dans les pages du mythique Weekly Shōnen Jump. Une date qui marque la fin d’un voyage commencé en 2018, lorsque Gege Akutami a lancé cette saga hors norme.
Il y a quelque chose de vertigineux à voir s’achever une telle épopée, une histoire qui, du premier coup de crayon à son dernier point final, a constamment défié les attentes et redéfini les codes du shōnen moderne. Car Jujutsu Kaisen, ce n’est pas seulement une histoire de combats et de sorcellerie : c’est une plongée dans l’âme humaine, une réflexion sur les peurs et les espoirs enfouis. Et maintenant que le manga touche à sa fin, il est difficile de ne pas se sentir à la fois reconnaissant et mélancolique.
Un adieu marquant pour une saga légendaire
Gege Akutami a réussi à tenir ses lecteurs en haleine jusqu’à la toute fin, et il faut reconnaître que peu de mangas peuvent se vanter d’une telle constance. Multipliant retournements de situation, apparitions et disparitions inattendues, l’auteur a su tisser un scénario d’une complexité certaine, sans jamais perdre de vue ses objectifs.
La Bataille de Shinjuku, l’arc succédant à La Traque meurtrière, représente l’apothéose de tout ce qu’Akutami avait mis en place : des personnages riches et profonds, des sorts complexes, des combats extraordinaires, et surtout une plume nerveuse, presque brute, qui rend chaque planche intense, spontanée, viscérale.
En prenant en compte les quelques chapitres consacrés aux préparatifs, La Traque meurtrière débute à la fin de l’arc de Shibuya, marquant également la conclusion de la saison 2 de l’anime. Orchestrée par Kenjaku, cette traque plonge les protagonistes dans un jeu morbide visant à accumuler suffisamment d’énergie occulte pour fusionner l’humanité avec Tengen, un être ancestral, et ainsi la « faire évoluer » vers une nouvelle forme d’exorcisme. Ce volet culmine avec l’arc final, La Bataille de Shinjuku, où l’issue de ce conflit se dévoile dans une conclusion aussi imprédictible que dévastatrice.
La Bataille de Shinjuku : le point culminant
Durant cette période, les lecteurs ont été maintenus en haleine par de nombreuses interrogations : qu’adviendra-t-il de Gojo Satoru ? Nobara est-elle encore en vie ? Quand Sukuna dévoilera-t-il enfin toute sa puissance ? Yuji est-il condamné à mourir pour sauver ses amis et l’humanité ?
Autant de questions auxquelles Akutami a su répondre, sans jamais faillir à sa promesse de grandeur et d’imprévisibilité. Comme attendu, il n’a pas offert des fin heureuse à tous ses personnages, et jusqu’à une dizaine de chapitres avant la conclusion, personne ne pouvait prédire l’issue de l’œuvre.
Le mangaka a fait du suspense son arme principale, tout en satisfaisant parfois les attentes des lecteurs, notamment en réintroduisant des personnages clés comme Yuta Okkotsu et Gojo. Malgré ses efforts, certains fans seront sans doute déçus : quelques protagonistes n’ont pas bénéficié d’un développement aussi approfondi que d’autres et plusieurs questions cruciales restent en suspens.
Cependant, cela n’a rien de surprenant pour ceux qui connaissent un tant soit peu l’auteur : Akutami n’a jamais été adepte de l’explicite. Son style, marqué par des choix narratifs subtils et souvent énigmatiques, laisse volontairement de nombreuses zones d’ombre, fidèle à l’esprit de l’œuvre.
Violence, noirceur et esthétique : la signature Akutami
Graphiquement, Akutami a conservé son coup de crayon unique jusqu’au bout. Mieux encore, il a porté son esthétisme à des sommets inégalés, multipliant les scènes de combat ultraviolentes et les affrontements sanglants, tout en immergeant ses personnages dans une noirceur toujours plus profonde. La rage, la tristesse, le désespoir et la vengeance se déchaînent dans ce final, et personne ne symbolise mieux cette descente aux enfers que Yuji Itadori.
Le héros initial, dont le destin était lié à Ryomen Sukuna, roi des fléaux, a parfois été relégué au second plan pour laisser briller les nombreux autres personnages de la saga. Pourtant, alors que tous, lui compris, pensaient qu’il n’était qu’un rouage dans cette vaste machine, c’est bien Yuji qui clôt cette histoire. Dans une lutte désespérée, il incarne parfaitement le héros tragique, retrouvant ainsi toute sa légitimité en tant que personnage principal, et obtenant justice de la plus belle des manières.
Absurde et philosophie percent la violence
Pour apprécier la fin de Jujutsu Kaisen, il faut être prêt à embrasser une succession de combats intenses, parfois interminables, où à peine un affrontement s’achève qu’un autre s’enchaîne. Dans cette cadence effrénée, Gege Akutami parvient à maintenir l’intérêt en glissant des moments inattendus, où l’absurde et l’humour percent à travers la tension.
C’est ainsi que, même après un drame majeur de l’histoire, il introduit des scènes improbables, comme le combat entre Takaba et Kenjaku, un affrontement déroutant qui, étalé sur plusieurs chapitres, témoigne encore une fois de sa capacité à nous surprendre.
Au-delà de la violence omniprésente, Jujutsu Kaisen conserve en outre une profondeur rarement égalée dans le genre. Entre deux explosions de haine, on trouve des moments de suspension presque poétiques et philosophiques, ramenant les personnages à leur condition humaine.
L’affrontement entre Yuji et Sukuna illustre parfaitement cette dualité.
Dans les dernières pages, les deux protagonistes se retrouvent enfin face à face, un duel attendu depuis les premiers chapitres. D’un côté, Yuji, marqué par son humanité, et de l’autre, Sukuna, être vil et cruel. Pourtant, à mesure que leurs échanges s’intensifient, la frontière entre eux se brouille. Jusqu’au bout, Yuji tente de comprendre les motivations de Sukuna, cherchant désespérément à savoir s’il reste en lui une parcelle d’humanité.
Des mystères encore à explorer
Comme on pouvait s’y attendre, de nombreux lecteurs espèrent une suite ou un développement supplémentaire de Jujutsu Kaisen. Et, comme pour toute œuvre de cette ampleur, il y aura des mécontents : certains critiquent déjà une fin jugée précipitée. Les rumeurs d’une possible continuation se propagent, nourrissant l’impatience des fans.
Gege Akutami a en effet laissé plusieurs portes ouvertes. Avec un univers aussi vaste et des zones d’ombre encore nombreuses, une suite centrée sur les personnages restants, traumatisés, mais obligés d’avancer, est tout à fait envisageable. L’évocation de l’école de l’ombre à la fin du manga, mystérieuse et peu développée, ouvre également la voie à de nouvelles intrigues.
Quant au passé du maître des fléaux, Sukuna, il demeure un mystère, malgré des allusions à son époque glorieuse. Autant de pistes non explorées qui pourraient être approfondies. Reste à voir si l’auteur choisira d’y revenir ou de clore définitivement ce chapitre historique.