Critique

Le Sphinx : l’homme mystère et grand ennemi déjanté de Batman se dévoile

03 décembre 2021
Par Thomas Laborde
Le Sphinx avec ses acolytes Question et Réponse.
Le Sphinx avec ses acolytes Question et Réponse. ©DC Comics/Urban Comics

La collection Batman Arkham s’intéresse aux principaux méchants de l’univers de Batman, hors Joker. Le volume consacré au Sphinx, qui sort ce 3 décembre, est inégal, mais nous plonge dans une fascinante histoire.

C’est l’histoire d’un gamin, Ed Nigma (enigma), qui n’a pas de potes. D’un gosse invisible auquel on ne pense que pour le chahuter, un élève médiocre dont même ses profs déforment le prénom. Le jeune Edward, à qui personne ne donne les réponses à ses questions. C’est l’histoire de ce jeune garçon qui triche à un concours de puzzle et découvre qu’il peut ainsi se faire un nom. Et qui va se mettre en tête, désormais, de les poser lui-même, les questions. Le Sphinx, c’est cet ennemi de Batman entre excentricité et élégance, tout de vert vêtu, aussi nommé L’Homme-Mystère, dont le point d’interrogation est la grande signature. Un méchant dans le panthéon de ceux qui composent la galaxie Batman, un type pathétique en mal de reconnaissance malgré une grande malice, une vive intelligence. Et, évidemment, un sens développé et aiguisé de la ruse. Un Arsène Lupin version déglingue qui joue et cambriole, peu violent, loin de psychopathes comme Double-Face ou Joker. Mais sans cesse dans la transgression et le crime. Jim Carrey en a fait un personnage délirant dans Batman Forever de Joel Schumacher comme, à l’époque, Franck Gorshin dans la série télé de 1966-1968.

La collection Batman Arkham s’attelle à retracer le parcours en comics des plus célèbres ennemis de Batman. Le Sphinx est la cinquième anthologie à sortir, après celles consacrées à Double-Face, Poison Ivy, Le Pingouin et Mister Freeze, avant L’Épouvantail.

Énigme : d’où vient Le Sphinx ?

Le concept est d’évoquer l’histoire du personnage à travers le travail des auteurs qui l’ont fait naître, puis grandir, disparaître, puis revenir. De mettre en lumière son importance dans l’histoire de l’univers Batman et sa place dans les adaptations télévisuelles et cinématographiques. Neuf histoires composent Batman Arkham : Le Sphinx, de 1948 à 2013, et sont pour la plupart inédites en France. Méchant pas toujours respecté parce que considéré comme peu nocif, Le Sphinx y débarque plutôt dans le burlesque blagueur, puis voit ses névroses explosées pour devenir un type sadique et dangereux.

La première apparition du Sphinx en 1948.©DC Comics/Urban Comics

Dans leur essence, les sorties de Batman Arkham sont toutes plutôt inégales. Ceux qui ont constitué le corpus ont fait des choix subjectifs et n’ont pas estimé légitime de donner à lire les histoires de certaines périodes, comme les années 1960. Le Sphinx n’échappe pas à la règle, mais l’évolution est intéressante à suivre. On notera ici dans les énigmes et les jeux de mots un travail de traduction pas évident, mais toujours plutôt correct.

C’est le dernier vilain à faire son apparition dans les années 1940 dans deux épisodes sortis à deux mois d’intervalle. Le personnage est le fruit de l’imagination de Bill Finger, auteur passionné de lecture, d’anecdotes et… d’énigmes. Le Sphinx ne reviendra pas avant les années 1960, à temps pour être intégré à la série télé, qui stabilisera son aura d’ennemi de Batman. Pas au niveau du Joker, mais à égalité avec les autres. Il sera repris ici et là jusqu’à aujourd’hui selon les récits et les interprétations.

Deux récits décalés et inventifs parmi d’autres, plus classiques

Les deux premières histoires datent de 1948. C’est mignon, vintage, même dans les dialogues entre Batman et Robin, qui commentent tout ce qu’ils font à la seconde. Mais ce sont les premiers méfaits et ils ont leur importance. On retrouve ensuite Le Sphinx en 1982, après avoir sauté les années 1960. L’approche est plus sombre, Batman et Le Sphinx doivent collaborer, le récit se fait plus complexe.

Dans « Quand » est une porte, en 1989, Le Sphinx reçoit une équipe de télévision pour parler de ses origines. Batman a pris un virage plus radical (en tête, le mythique Killing Joke en 1988). Dans cette histoire, le Chevalier Noir est absent et la touche est beaucoup plus artistique, libre. Un épisode fascinant, écrit par le culte Neil Gaiman, où les questions ne trouvent pas vraiment de réponses et qui plonge dans la quintessence de la personnalité du Sphinx. Une des meilleures histoires. Parce que la plus abstraite, la plus originale.

Le Sphinx dans « Quand » est une porte en 1989.©DC Comics/Urban Comics

En 1995, Le Sphinx crie ses névroses dans Questions à choix multiples et plonge le lecteur, à nouveau, dans ses origines, mais de façon plus poussée. Génial. Même année, La Boîte aux devinettes est un épisode long. Le Sphinx y alterne costume et justaucorps. Il y anime une émission de télé clandestine à base de grosses énigmes morbides. L’Énigme première, en 1998, est longue. Trop longue. Batman y perd son âme et le récit patauge. Une nouvelle aube, en 2009, voit l’homme en vert et l’homme en noir collaborer à nouveau. C’est une formidable enquête, assez sanglante.

Enfin, en 2013, dans Solitaire, Le Sphinx propose plus qu’autre chose un monologue à travers une sorte d’errance dans le siège d’une Wayne Entreprises enivrante. Il y arbore un look plus rock’n’roll. Une conclusion, pour ce volume, soignée et fascinante, où Le Sphinx l’avoue : sans Batman, son principal public, il n’est personne.

Le Sphinx dans Solitaire en 2013.©DC Comics/Urban Comics

Les fans et connaisseurs du Sphinx y trouveront ce qu’ils aiment chez lui, les autres découvriront un méchant à part, peu porté sur la violence. À voir ce que l’acteur Paul Dano, qui lui prête ses traits, en fait face à un chevalier noir impulsif (Robert Pattinson) dans The Batman de Matt Reeves, prévu en mars 2022, film qui s’annonce profondément nerveux et sombre.

Batman Arkham : Le Sphinx, collection DC Nemesis, Urban Comics, 29 €.

Pour rappel : ce 3 décembre sort aussi une magnifique édition spéciale en noir et blanc de Batman White Knight: Harley Quinn chez Urban Comics.

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Article rédigé par
Thomas Laborde
Thomas Laborde
Journaliste
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