Sans cette entreprise américaine, l’IA n’existerait pas. Ou en tout cas pas sous la forme que l’on connaît. Le géant des processeurs graphiques vit un succès spectaculaire ces dernières années. Explications.
Jensen Huang, Chris Malachowsky et Curtis Priem. Peut-être que ces trois noms ne vous disent rien. Pourtant, ils sont à l’origine de l’une des entreprises les plus influentes de la Silicon Valley : Nvidia. Fondée en 1993, cette firme a transformé le paysage technologique en se concentrant initialement sur les graphiques 3D pour les jeux et le multimédia. Que des technologies clés pour les PC portables.
Leur innovation ? Les puces graphiques, ou GPU, conçues pour exécuter les calculs complexes nécessaires à l’affichage d’images en haute résolution dans les jeux vidéo. Malgré un premier échec commercial en 1995, ils n’ont pas abandonné. Leur persévérance a été récompensée en 1997 avec le succès de leur deuxième microprocesseur, ouvrant les portes de partenariats prestigieux avec Microsoft pour les consoles Xbox, puis Sony pour les PlayStation.
Un bénéfice net trimestriel en hausse de… 769 %
Au fil des ans, grâce à d’importants investissements en recherche et développement, Nvidia est devenue une référence incontournable dans son domaine. Mais c’est sa capacité à anticiper et à s’adapter aux tendances émergentes, comme l’intelligence artificielle et les cryptomonnaies, qui a véritablement propulsé son succès. Le bénéfice net de l’entreprise a ainsi connu une augmentation spectaculaire de 769 % (12,29 milliards de dollars) entre octobre et décembre 2023 par rapport à la même période en 2022.
Sur cette période, son chiffre d’affaires s’est établi à 22,10 milliards de dollars, soit une hausse de 265 %. « Le calcul accéléré et l’IA générative ont atteint un point critique. La demande augmente partout dans le monde, dans toutes les entreprises, tous les secteurs et tous les pays », a souligné Jensen Huang, cofondateur et PDG.
Nvidia : des puces toujours plus puissantes et “plus difficiles à trouver que de la drogue”
Le GPU Hopper H100 illustre parfaitement la capacité d’innovation de Nvidia. Vendu 40 000 dollars l’unité, ce processeur graphique embarque 80 milliards de transistors gravés en 4 nm, offrant des performances de pointe pour l’accélération matérielle. Cette prouesse technique représente un tournant majeur pour l’industrie, en rendant possibles des avancées considérables dans des domaines comme l’apprentissage profond, la simulation scientifique et les analyses de données massives. Un succès qui a fait dire à Elon Musk que les H100 étaient « plus difficiles à trouver que de la drogue ».
Aujourd’hui, la firme de Santa Clara (Californie) détient au moins 80 % du marché mondial des puces d’intelligence artificielle. Et pourrait bien se trouver en situation de quasi-monopole sur le marché de l’IA avec sa nouvelle « superpuce » nommée Blackwell B200. On estime qu’elle pourrait multiplier par cinq l’accélération de la puissance de calcul pour l’entraînement des modèles… De quoi inquiéter un peu plus encore la concurrence : Intel, AMD, Micron ou encore Texas Instruments.
Des puces oui, mais aussi des écosystèmes logiciels complets
Mais la stratégie de Nvidia ne s’arrête pas à la production de matériel de haute technologie. Et c’est aussi ce qui a permis une réussite aussi insolente. L’entreprise a développé des plateformes logicielles et des écosystèmes de développement pour encourager l’utilisation de ses produits dans diverses applications d’IA, allant de la conduite autonome aux soins de santé, en passant par la finance et l’industrie du jeu. Leur framework CUDA, par exemple, permet aux développeurs de tirer parti de la puissance des GPU pour l’exécution de programmes informatiques parallèles, ouvrant ainsi de nouvelles voies pour le traitement des données et l’IA.
Par ailleurs, Nvidia a su se positionner comme un acteur clé dans le domaine de l’intelligence artificielle grâce à ses investissements stratégiques dans des start-up d’IA. Ces collaborations ont permis à l’entreprise non seulement de renforcer son avance technologique, mais aussi de diversifier ses applications dans le domaine de l’intelligence artificielle. Nvidia a par exemple pris des parts dans AnyVision, spécialiste de la reconnaissance faciale, ou encore DeepMap – spécialisée dans la cartographie de haute précision pour la conduite autonome. Elle a également noué des partenariats avec des centres de recherche : le Berkeley Artificial Intelligence Research Lab et le Massachusetts Institute of Technology. Avec ce dernier, Nvidia explore les frontières de l’intelligence artificielle et du machine learning.
Nvidia, leader des technologies avancées… Pour combien de temps ?
En se positionnant au cœur de l’écosystème de l’innovation en IA, Nvidia assure sa place de leader dans le secteur des technologies avancées, tout en contribuant activement à l’avancement de la recherche et au développement de solutions révolutionnaires. Pour l’heure, la stratégie de l’entreprise porte ses fruits et profite largement à ses investisseurs. Le cours de son action approche les 1 000 dollars. Elle cote actuellement à plus de 900 dollars, en hausse d’environ 50 % depuis le début de l’année, après avoir plus que triplé en 2023. Le titre atteint même une valorisation de 161 fois les bénéfices des 12 derniers mois. Mais cette ruée vers le succès va-t-elle encore durer longtemps ?
La réussite fulgurante de Nvidia suscite des inquiétudes quant à un possible ralentissement des commandes. Bien que le PDG Jensen Huang affirme que « les conditions sont fondamentalement excellentes pour la croissance », certains analystes s’interrogent sur la durabilité de cette croissance exceptionnelle, notamment en raison des fluctuations du marché des cryptomonnaies et de l’émergence de puces alternatives.
Apple développe en effet ses propres semi-conducteurs après avoir abandonné Intel, et Tesla et Google travaillent eux aussi sur des puces maison pour des applications d’intelligence artificielle. Autre source d’inquiétude : Nvidia sous-traite la production de ses puces à la fonderie taïwanaise TMSC. Or, la production pourrait être à la peine dans les prochains mois, car la Chine a décidé dernièrement de limiter les exportations de métaux nécessaires à la fabrication de semi-conducteurs. La vigilance reste donc de mise même si, pour l’heure, tout semble au beau fixe pour Nvidia.