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Les géants du Web se mobilisent pour tenter de sauver le chiffrement : pourquoi c’est important ?

28 février 2025
Par Pierre Crochart
Les géants du Web se mobilisent pour tenter de sauver le chiffrement : pourquoi c'est important ?
©Alberto Garcia Guillen/Shutterstock

Après que le Royaume-Uni a forcé Apple à amoindrir la sécurité de ses appareils, les grandes entreprises de la tech font front commun pour protéger le chiffrement des données en France.

En France, l’Assemblée nationale se prépare à examiner l’épineuse loi contre le narcotrafic, qui prévoit dans ses dispositions l’installation d’une porte dérobée, ou backdoor, qui permettrait aux forces de l’ordre d’accéder aux informations chiffrées sur les smartphones des suspects. Mais cet assouplissement des règles de chiffrement créerait un précédent dangereux, estiment Apple, Google, Samsung, Microsoft et d’autres entreprises de la tech, et appauvrirait la confidentialité et la sécurité de tous les internautes utilisant les services visés.

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Que prévoit la loi contre le narcotrafic en France ?

Nos confrères de L’Informé rapportent qu’à l’approche de l’examen de la loi visant à lutter contre le narcotrafic, l’Alliance française des industries du numérique, à laquelle les entreprises sus-citées adhèrent, monte au créneau. « L’efficacité du chiffrement de bout en bout repose, par nature, sur le fait qu’aucune personne extérieure aux échanges ne doit disposer de la clef de déchiffrement », rappelle l’Afnum, exposant de fait ce qui pose le plus gros problème dans cette histoire : on ne peut pas créer de backdoor uniquement pour les narcotrafiquants. Appauvrir le chiffrement pour qui que ce soit, c’est appauvrir le chiffrement pour tout le monde.

L’article 8 ter de la proposition de loi prévoit « une obligation [pour les plateformes] de mettre en œuvre les mesures techniques nécessaires afin de permettre aux services de renseignement d’accéder au contenu intelligible des correspondances et données qui y transitent. Cet accès serait limité aux seules correspondances et données ayant fait l’objet d’une autorisation spécifique de mise en œuvre des techniques de recueil de renseignements, après avis de la CNCTR ». Une disposition qui modifierait profondément la nature même des services de messageries chiffrées comme iMessage (Apple), WhatsApp (Meta) ou Signal, et qui fait peser sur les entreprises le risque d’une amende allant jusqu’à 2 % de leur chiffre d’affaires mondial en cas de refus d’obtempérer.

« Les modifications proposées par la PPL dépassent largement l’objectif de lutte contre le narcotrafic », oppose l’Afnum, qui demande ni plus ni moins que la suppression de cet article de la proposition de loi.

Tout ou rien

Les géants du Web s’alignent sur la position de l’Afnum, arguant qu’il est impossible de violer la confidentialité des données seulement pour quelques individus. Un trou dans la raquette qui non seulement rendrait vulnérables les échanges interpersonnels sur les messageries en ligne, mais exposerait également les citoyens, tout comme les politiques et les industriels, à des risques cyber accrus.

« Dans une situation où les communications ne seraient plus protégées par un chiffrement de bout en bout, des acteurs mal intentionnés pourraient en profiter pour récupérer des informations de personnalités du monde politique ou industriel. » Un argumentaire que soutient la Cnil française, mais également la Commission européenne des droits de l’homme, pour qui « les technologies de chiffrement contribuent de manière fondamentale au respect de la vie privée et de la confidentialité des communications, à la liberté d’expression, ainsi qu’à l’innovation et à la croissance de l’économie numérique ».

Une situation pour le moins critique, alors qu’Apple vient juste de réduire la portée de sa protection des données personnelles au Royaume-Uni et que la messagerie chiffrée Signal menace de quitter tous les pays qui voteraient une loi visant à amoindrir l’efficacité du chiffrement.

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Article rédigé par
Pierre Crochart
Pierre Crochart
Journaliste