L’Éclaireur revient sur la série littéraire à succès L’Épouvanteur à l’occasion de la sortie, en France, du dernier tome de la saga.
Quand la quatrième de couverture du premier tome alerte le lecteur avec la mise en garde « Attention ! Histoire à ne pas lire la nuit… », l’adolescent désireux de découvrir un univers fantastique macabre est instantanément attiré par cette promesse. Illico presto, la première page est ouverte, en pleine nuit, et le monde imaginé par Joseph Delaney prend vie.
L’Épouvanteur est un récit initiatique aux codes classiques et fonctionnels, suivant un jeune apprenti et son mentor dans la lutte contre les forces obscures et les serviteurs du Malin. Le jeune Thomas Ward, septième fils d’un septième fils, est choisi par l’Épouvanteur John Gregory pour devenir son apprenti. Il quitte sa famille et débute son initiation.
À partir de là, toute une mythologie tangible se met en place et amène le lecteur – ainsi que le jeune Thomas – vers un dénouement aux proportions dantesques.
Vingt tomes à découvrir
L’Épouvanteur – intitulé en version originale The Wardstone Chronicles – est une saga écrite par le romancier Joseph Delaney à partir de 2004, jusqu’à son décès en 2022. En France, la maison d’édition Bayard Jeunesse la publie dès 2005 et sort en ce début d’avril 2024 le dernier livre de la saga, Frère Wulf : l’avènement de l’obscur.
En tout, les 13 tomes de la série initiale, suivie d’une seconde trilogie – numérotée 14, 15 et 16 en France –, d’un spin-off en quatre tomes, Frère Wulf, ainsi que de quelques recueils de nouvelles, font aujourd’hui de L’Épouvanteur une saga littéraire riche et complète, évoluant toujours vers la prochaine étape, faisant grandir et changer ses personnages.
Mais c’est quoi, finalement, un épouvanteur ? Dans le monde fantastique imaginé par Joseph Delaney – qui se base sur une Angleterre fictive des XVIIe et XVIIIe siècles, bien que les marqueurs temporels soient régulièrement flous –, les créatures du mal sont courantes et seuls les épouvanteurs peuvent y faire face. Ces chasseurs de monstres, armés d’un bâton en sorbier et de différentes connaissances pour contrer l’obscur, vivent souvent seuls, sont peu nombreux, et vont de ville en ville là où leurs services sont requis. D’une certaine façon, le rôle de l’épouvanteur fait penser à celui du sorceleur de la saga The Witcher, avec ses propres spécificités.
La série arrive ainsi à créer sa propre mythologie en s’inspirant des mythes européens, allant du folklore britannique et allemand jusqu’aux légendes grecques. Dans ce subtil mélange de croyances, la saga de Joseph Delaney éveille la curiosité du lecteur et parvient à créer ce sentiment recherché par tous : l’envie de ne plus quitter les personnages et leurs aventures.
La construction d’un jeune homme face à la violence
C’est la force principale de L’Épouvanteur. La construction sous forme de récit initiatique d’un monde accessible, mais suffisamment vaste et magique pour permettre au lecteur de s’investir dès le premier tome. Ainsi, la série évite – surtout au début – la complexité d’un Seigneur des Anneaux ou d’un Harry Potter.
L’Épouvanteur suit la vie d’une petite bourgade, le comté de Chippenden, et ne cherche pas à élargir impérativement les frontières de son monde. Ceci étant dit, la saga et son auteur ne s’empêchent pas de poser des pistes d’évolutions intrigantes, tout en gardant une narration simple, efficace et allant droit au but.
En suivant le parcours de Thomas, adolescent optimiste et désireux de bien faire, L’Épouvanteur peut s’apprécier indépendamment selon le tome et l’histoire racontée. Chaque nouvelle aventure apporte son lot d’inédits, de folklores et de mystères. C’est la construction d’un jeune homme face à la violence et à l’intolérance que raconte L’Épouvanteur. Thomas apparaît comme presque trop naïf face au destin et aux menaces qui se mettent en place.
Car la saga littéraire de Joseph Delaney fait intervenir différentes créatures monstrueuses contre, les épouvanteurs, à commencer par les sorcières. Dès le premier tome, L’Apprenti Épouvanteur, la présence au fond d’un puits, dans le jardin de Grégory, de la puissante Mère Malkin pose le décor et inspire la crainte et l’effroi. On le rappelle : c’est une « histoire à ne pas lire la nuit… »
Une histoire intemporelle
À travers ses nombreuses thématiques et la richesse de son monde, L’Épouvanteur joue effectivement avec le macabre, l’horreur et les peurs ancestrales communes (quoi de plus efficace qu’une vieille sorcière emprisonnée qui s’échappe de sa prison par malice ?). Toujours en adaptant son ton au lectorat, mais sans se priver d’introduire des sorcières sadiques dévoreuses d’enfants, des vampires et plusieurs serviteurs du Diable en personne, cet univers fascine autant qu’il effraie.
Cette initiation à l’effroi et au fantastique est sans doute l’une des raisons du succès de la saga. L’Épouvanteur représente cette envie universelle de se confronter à la peur tout en étant en contrôle et en confiance. Au fur et à mesure de son évolution, la saga ajoute de l’ambiguïté dans le rapport entre ses personnages. La simplicité initiale du bien et du mal se teinte de gris et les alliances évoluent quand la menace l’impose.
La série ne fait jamais de sur-place, enrichit et dévoile le passé des protagonistes, instaure différentes romances et permet, in fine, la construction d’un fil rouge cohérent tout en gardant sa simplicité.
L’histoire à « ne pas lire la nuit » devient ainsi une histoire intemporelle à lire et (re)lire, particulièrement nostalgique pour les lecteurs l’ayant découverte lors de sa sortie. Alors que le dernier tome inédit sort enfin en France, l’œuvre de Joseph Delaney s’apprécie désormais aussi dans le partage et la transmission à une nouvelle génération, faisant un lien évident avec le propos de la saga.
La mission de l’Épouvanteur ne prend jamais réellement fin.