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Art&Tech – Pour Constance Valero, « la RA permet de sublimer une œuvre »

12 novembre 2021
Par Pauline Garaude
Art&Tech - Pour Constance Valero, "la RA permet de sublimer une œuvre"
©Constance Valero

En marge de la FIAC 2021, Constance Valero, 23 ans, s’est vue confier par la Maison Guerlain la création d’une œuvre certifiée NFT. Sur la thématique « Quand la matière devient art », elle a conçu une déambulation en réalité augmentée à partir d’un dessin modélisé de ruche d’abeilles.

Cheveux noir jais, simple, spontanée et charismatique, Constance Valero est heureuse d’avoir créé, du haut de ses 23 ans, De Nectar et d’Ambroisie. C’est sa première œuvre numérique en réalité augmentée (RA) signée de son nom. Une prouesse pour cette jeune artiste qui « savait à peine se servir d’un ordinateur il y a quatre ans » ! Cette œuvre digitale a été réalisée en binôme avec le programmateur Lorenzo Furlan, ingénieur de recherche dans les laboratoires de l’École normale supérieure en météorologie. Constance Valero conçoit et crée en dessin digital, Lorenzo Furlan intègre et rend possible, par la technologie, la réalisation de l’œuvre en réalité augmentée. « On savait que nous avions un défi à relever et nous avons été à la hauteur », confient-ils, ravis.

La réitération d’un seul motif 3D

De Nectar et d’Ambroisie est un hommage au vivant et à sa ténacité. « Je voulais travailler sur le vivant depuis longtemps et la ruche m’a immédiatement semblée évidente, car les abeilles sont, pour moi, un biais parfait pour démontrer la beauté de la nature, sa ténacité et sa complexité. J’ai proposé l’œuvre en RA et elle a été acceptée. » On entre dans l’œuvre en scannant le QR Code : on y déambule, au gré des espaces de la boutique Guerlain des Champs Élysées, à Paris. En descendant les escaliers, on passe sous des arches et des piliers, puis sous un toit arrondi qui épouse la forme de l’escalier.

©Constance Valero

Des éléments réalisés à partir d’une seule matrice, la modélisation en 3D d’un motif hexagonal de ruche. « J’ai toujours aimé les motifs systématiques. Je suis partie d’un concept papier, puis j’ai créé sur ordinateur un module d’une vingtaine d’hexagones que j’ai déformés pour trouver quelque chose qui me plaise, reconnaissable et organique. Toute l’œuvre que l’on voit en RA n’est que la réitération de ce motif », détaille Constance Valero.

Lorenzo Furlan a réalisé les éléments et la déambulation avec un logiciel en temps réel (Unity), permettant à l’œuvre son interaction avec la structure. « Quand on appuie une fois sur l’appli, cela la déforme légèrement, lui conférant un mouvement. Si l’on appuie plus longtemps, ce sont alors des bulles qui jaillissent, comme en suspension dans l’air », précise le programmateur. « Jamais dans la réalité je n’aurais pu créer ces bulles en lévitation. La RA nous offre tant de possibilités », s’enthousiasme Constance Valero, débordante de curiosité face à cette nouvelle technologie.

La réalité augmentée pour créer des espaces de déambulation

L’apparente fragilité de la structure, sa finesse semblable à de la dentelle, contrastent avec la quantité de détails, rappelant le labeur nécessaire à la fabrication du miel. L’œuvre contient également une recherche sur la substance, la matière et le vivant, rendue possible par la technologie. « Grâce à un logiciel de rendu, on a pu définir les couleurs, les reflets et la texture. De plus, la façon dont on a agencé les modules rend la sculpture vivante », explique l’intégrateur, fier du mouvement et de la fluidité qu’il a pu apporter, et plus encore d’avoir pu répondre aux souhaits de l’artiste. « La technologie est au service de l’artiste », se plaît-il à répéter.

©Constance Valero

Le sentiment d’immersion est saisissant et l’intention artistique s’articule autour de la déambulation numérique, qui place le spectateur au cœur d’univers merveilleux. « La RA n’en est qu’à ses débuts et c’est très excitant de voir les possibilités qu’elle nous offre. On peut dupliquer et créer des variantes à l’infini, et ainsi créer des espaces où déambuler. En termes de scénographie, c’est magique ! », précise Constance Valero, qui, ayant fait beaucoup de danse, accorde une importance particulière à la scénographie et au mouvement.

Mais, pour elle, hors de question de substituer la technologie au travail de l’artiste. « La RA permet de sublimer une œuvre et mélange le virtuel au tangible. Plus tard, je souhaite mêler les arts traditionnels, comme le dessin sur papier et la peinture, à la technologie. Je ne veux pas substituer la matière par du 100 % numérique. »

Une œuvre NFT aux enchères

C’était le but de cette exposition organisée par Guerlain (qui présentait sa 14e édition d’art contemporain dans le cadre du parcours privé de la FIAC) et Fisheye : sélectionner quatre artistes et leur commander une œuvre certifiée NFT qui sera mise aux enchères le 16 novembre prochain sur Drouot Digital, et dont les bénéfices seront versés à la Fondation GoodPlanet de Yann Arthus Bertrand. Si De Nectar et d’Ambroise est mise à prix à 2 500 €, le duo en attend 10 000. Le paiement se fera en Tezos, une cryptomonnaie plutôt « verte ». L’acquéreur aura accès à un lien et sera alors le seul à pouvoir déclencher l’œuvre en RA.

Constance Valero a fait ses premiers pas en RA en coréalisant Japosta pour l’exposition Palais augmenté en juin dernier au Grand Palais, alors cette première création en nom propre aiguise son appétit. « J’ai beaucoup de choses à montrer et allier le dessin ou la peinture avec la RA et d’autres technologies correspond à ma démarche artistique du moment. Cela m’offre beaucoup de champs d’exploration. » Lorenzo Furlan n’en pense pas moins et attend avec impatience le prochain projet artistique de Constance Valero.

Article rédigé par
Pauline Garaude
Pauline Garaude
Journaliste
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