La série revient dans une nouvelle édition chez Urban Comics, ce 20 janvier. L’occasion de se questionner sur le phénomène créé par Brian K. Vaughan.
Alors que Saga — sa série de comics aux ambitions homériques – fait partie de la sélection officielle de la 51ᵉ édition du Festival d’Angoulême, il semble intéressant de se pencher sur l’œuvre phare de Brian K. Vaughan : Y : Le dernier homme.
1 Un concept original
Au moment de sa publication originale en 2002, le premier numéro de ce récit post-apocalyptique fait l’effet d’une bombe dans le monde du comic book américain. Le ton est donné dès le jeu de mots ingénieux qui lui sert de titre en version originale, Y The Last Man – qui peut être lu comme une interrogation : « why the last man ? » (« pourquoi le dernier homme ? »).
Dès l’issue du premier chapitre, les lecteurs sont plongés dans un monde où tous les hommes sont morts. Tous ? Non, car Yorick Brown et son singe Esperluette ont mystérieusement survécu au cataclysme qui a frappé toutes les personnes pourvues d’un chromosome Y.
S’agit-il d’un virus naturel, d’une expérience scientifique qui aurait mal tourné ou même d’une punition biblique ? Chacun y va de sa théorie, y compris le lecteur qui sera tenu en haleine jusqu’à la dernière page.
2 Des thématiques intemporelles
Outre ses nombreux cliffhangers qui ont su fasciner les critiques bien au-delà du lectorat des comics de l’époque, Y : Le dernier homme excelle dans ses commentaires socioculturels. Féminisme, questions de genre, jeux politiques entre les États-Unis et Israël… La majorité des questions de notre temps y était déjà abordée sans tomber dans le piège de nombreuses séries modernes, à savoir celui du moralisme didactique. Ici, Vaughan explore, s’interroge et met en lumière sans jamais prendre le lecteur par la main. Il fait confiance à ce dernier pour se faire son propre avis sur chaque thématique abordée.
Il s’agit sans doute de la plus grosse erreur commise par son adaptation télévisuelle ; la bande dessinée originale fonctionnait là où la série FX échouait. La version papier de Y : Le dernier homme ne tente pas à tout prix d’appartenir à l’époque de sa sortie (contrairement à la série américaine), faisant d’elle une œuvre intemporelle que l’on relira, encore, dans des décennies.
3 Le trait de Pia Guerra
Souvent injustement mise de côté lorsqu’il s’agit de mettre en exergue la virtuosité de cette série, Pia Guerra a beaucoup joué dans le succès de la bande dessinée de Vertigo Comics. Son mélange entre traits réalistes et ligne claire accessible permet de créer une mise en image faussement rassurante.
Plutôt que de prendre un chemin angoissant et plus sombre que de nombreux dessinateurs auraient emprunté, la dessinatrice canadienne propose une mise en scène cristalline et chaleureuse. Cela renforce les instants dramatiques en faisant ressortir leur violence, bien plus que s’ils étaient noyés dans un graphisme morose.